Une décision historique permet aux clients israéliens de choisir leur type de restaurant kasher

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Une décision historique permet aux clients israéliens de choisir leur type de restaurant kasher

Michele Chabin
5 octobre 2017
Une décision de la Cour suprême israélienne permet désormais aux restaurants kasher qui n’ont pas de certification du grand rabbinat d’informer eux-mêmes leurs clients sur les standards alimentaires qu’ils respectent
Jusqu’à maintenant, sans ce certificat, ils risquaient la fermeture.

Photo: Yuval Djamchid © RNS/ Michele Chabin

(RNS/Protestinter)

Jérusalem — Pendant des décennies, les restaurateurs israéliens qui servaient de la nourriture kasher, mais qui ne voulaient pas se soumettre à l’autorité du grand rabbinat, risquaient la fermeture à tout moment. Tout cela va changer grâce à une récente décision historique de la Cour suprême du pays. Le 12 septembre, la Cour suprême de justice a statué que bien que le rabbinat soit et restera le seul organisme habilité à délivrer un certificat qui prouve l’adhésion aux règles de la kashrout, c’est-à-dire de nourriture kasher, les restaurants pourront informer leurs clients qu’ils respectent cette pratique. Ce sera au consommateur de décider s’il choisit de leur faire confiance.

Les militants pour la liberté de religion affirment que cette décision est une victoire pour le pluralisme juif et un coup dur pour l’autorité du rabbinat sur les questions juives en Israël. «Il est clair pour tout le monde que cette décision marque la fin du monopole du rabbinat sur la kashrout», a expliqué Aaron Leibowitz, un rabbin orthodoxe moderne, d’origine américaine, qui a fondé Hashgacha Pratit, un programme alternatif de certification des règles de la kashrout. «Ce n’est qu’une question de temps jusqu’à ce que la kashrout soit elle-même abrogée», a-t-il prédit.

La décision de la Cour sur la kashrout tombe à un moment où l’on voit s’accumuler les contestations contre le contrôle total de l’ordre établi par les ultra-orthodoxes, que ce soit par rapport au mariage ou au divorce, jusqu’à la question de qui peut être considéré comme juif ou pas. D’autres cas de la Cour suprême ont contesté l’autorité exclusive par rapport aux conversions, aux enterrements, ainsi que face aux secteurs de prière réservés uniquement aux orthodoxes au Mur des Lamentations.

Vers un pluralisme religieux

Uri Regev, le directeur de l’organisation «Hiddush, liberté religieuse pour Israël», postule que le public israélien «est largement favorable à la liberté religieuse, au pluralisme et à la liberté de choix », et il pense que la Cour suprême en est bien consciente. Dans le sondage le plus récent de Hiddush sur la religion et l’état, 65% des répondants juifs israéliens estiment qu’Israël devrait accorder des droits égaux aux trois grands courants du judaïsme (orthodoxe, conservateur et réformé), tandis que 68% ont exprimé leur soutien à une séparation entre religion et état, qui n’existe pas pour l’instant en Israël.

Uri Regev a souligné que le monopole du rabbinat – et par conséquent le manque d’alternatives pour la population – avait favorisé une culture de la corruption et les abus. «Un ancien rabbin responsable est aujourd’hui en prison pour corruption et d’autres ont aussi été accusés d’avoir accepté des pots-de-vin. Le contrôleur de l’Etat soutient qu’il y a du népotisme et toutes sortes de conflits d’intérêts dans le département qui s’occupe de faire respecter la kashrout», a-t-il ajouté. En ce qui concerne l’abus de pouvoir, le rabbinat a menacé de retirer les certifications des hôtels et restaurants qui exposent des arbres de Noël, a précisé Uri Regev.

Riki Shapira Rosenberg, l’avocate du Centre pour l’action religieuse en Israël qui a représenté les deux plaignants (tous deux propriétaires de restaurant) dans le cas de la kashrout, espère que cette victoire stimulera la concurrence et entraînera une baisse des prix dans l’industrie alimentaire kasher, particulièrement onéreuse. «D’autres organismes liés à la kashrout, y compris ceux qui sont ultra-orthodoxes, mais non affiliés au rabbinat, vont entrer dans le marché», a-t-elle souligné. De son côté, Aaron Leibowitz a noté que la décision «ne permettait pas encore une attestation kasher à part entière» aux restaurants qui choisissaient d’être cadrés par les autorités alternatives, ce qui signifie qu’ils ne peuvent pas s’appeler «restaurants kasher». «Par contre, cela leur permet d’afficher leurs standards et les autorités qui les contrôlent».

Une ouverture pour les femmes

La décision semble aussi permettre aux femmes d’être contrôleuses de la kashrout. Contrairement aux inspecteurs du rabbinat, qui sont tous des hommes, les inspectrices engagées par Hashgacha Pratit sont toutes des orthodoxes qui ont été formées dans des cours de contrôle de la kashrout proposés par le rabbinat. Les femmes ont eu le droit d’obtenir cette attestation seulement après l’intervention de la Cour.

Yuval Djamchid, propriétaire d’un petit hôtel à Jérusalem avec un café attenant, se dit soulagé de pouvoir désormais expliquer les normes kasher que suit son établissement à quiconque lui demande. Quand il a ouvert son café il y a deux ans, il a décidé de ne pas faire appel à un inspecteur du rabbinat à cause des expériences qu’ont vécues d’autres propriétaires. «L’un d’eux m’a dit que si un inspecteur insistait pour faire un contrôle le jour du sabbat, il venait avec toute sa famille. Un autre m’a assuré que les inspecteurs ne venaient pas uniquement pour vérifier le respect des règles de la kashrout: si on met des décorations de Noël – ce qui n’est pas recommandé – on perd notre certificat».

Yuval Djamchid a souligné qu’il n’était pas en train d’accuser «tous les rabbins de toutes les villes», mais qu’il savait qu’il y avait des raisons de s’inquiéter. Il se dit «très satisfait» avec les contrôles alternatifs effectués par les inspecteurs de Hashgacha Pratit. «Les inspecteurs viennent avec une attitude très positive. Ils répondent toujours aux questions. Je ne me sens plus opprimé». Toutefois, le fait de ne pas avoir d’attestation du rabbinat lui a fait perdre de l’argent. «Certaines personnes disent que tel membre de leur famille ne viendra pas s’ils organisent une fête ici, mais c’est leur décision. Les gens aimeraient simplement avoir le choix».