Les protestants italiens prennent position sur la fin de vie
Photo: CC (by-sa) Alberto Biscalchin
(NEV / Protestinter)
Le cas de DJ Fabo a mis en lumière la question taboue de l’euthanasie et du suicide assisté dans le débat public italien. Le DJ italien Fabiano Antoniani est décédé le lundi 27 février en Suisse. Il était gravement atteint dans sa santé, à la suite d'un accident de la route survenu en 2014. Tétraplégique et aveugle, DJ Fabo militait pour le droit à l’euthanasie dans son pays. C’est finalement à Zurich, avec les services de l’association Exit, qu’il a mis fin à ses jours. La Commission de bioéthique formée par les Eglises baptiste, méthodiste et vaudoise en Italie s’est emparée de la question depuis un certain temps. Ce nouveau cas a-t-il modifié le questionnement sur le sujet? Réponses de Luca Savarino, coordinateur de la commission de bioéthique.
Quelle est la position de la commission sur l'introduction d'une loi garantissant un droit au suicide assisté?
Les Eglises protestantes européennes sont largement en accord pour soutenir la légalité de la non-activation ou de la suspension d'un traitement sur la demande motivée du patient. Elles sont également unanimes à demander le renforcement du système des soins palliatifs (y compris la sédation dite profonde ou la sédation palliative) qui est en mesure de réduire au minimum la demande sociale pour l'euthanasie et le suicide assisté. Dans le même temps, les Eglises protestantes, à de rares exceptions, ne soutiennent pas la légitimité de toutes les pratiques qui représentent une aide active à la mort,. Elles ont également tendance à s’opposer à la légalisation de l'avortement, sauf dans des cas extrêmes. Le rejet de ces pratiques repose sur la distinction entre le fait de tuer et celui de laisser mourir, et sur la conviction qu'un système efficace de soins palliatifs permet de mieux répondre à la souffrance des personnes en phase terminale de leur l’existence.
Est-ce que DJ Fabo aurait pu avoir recours à des soins palliatifs, sans aller en Suisse pour mettre fin à sa vie en douceur?
Il existe en Italie une loi régissant les soins palliatifs qui est appliquée de manière inégale dans le pays. La commission ne possédait aucune information de première main sur l’état de santé de Fabiano Antonian. Toutefois, à la lecture de différents articles parus dans la presse, il semblait assez clair que ni la suspension des traitements ni l’usage d’une sédation profonde pouvaient remédier à ses souffrances. Dans un cas comme celui-ci, l’euthanasie ou le suicide assisté semblent être les seules ressources disponibles.
A la lumière des événements récents, la Commission de bioéthique des Eglises baptiste, méthodiste et vaudoise a-t-elle changé de position?
Au cours des derniers mois, nous avons commencé la rédaction d'un nouveau document sur l'euthanasie et le suicide assisté, qui sera bientôt terminé et qui a l'intention de reprendre la discussion à partir des données dont nous disposons aujourd’hui. Nous prendrons en compte par exemple les changements liés au type de personnes impliquées dans la discussion sur les questions de fin de vie. Le cercle s’est en effet élargi suite à l'important développement des techniques de la médecine palliative mais aussi à cause des nouvelles lois dans les pays qui ont choisi de légiférer sur la dépénalisation de l’euthanasie et du suicide assisté.
A titre personnel, que pensez-vous de cette évolution du cadre législatif?
Je suis en faveur de l'approbation d'une loi qui rend l'euthanasie légale dans les cas extrêmes, tout en étant conscient du risque d'abus possibles et du terrain glissant qu'une telle pratique entraîne inévitablement. Pour cette raison, je reste opposé à une légalisation aveugle du suicide assisté comme c’est le cas en Suisse. Je préfère le modèle qui se dessine aux Pays-Bas où l'accès aux protocoles d'euthanasie s’effectue d’abord sur la base d’un diagnostic médical.
Le 13 mars, la Chambre des députés discute d’une loi sur le bio-testament qui prévoit la possibilité pour le patient de renoncer à tous les soins…
Cette loi sur les directives de traitement préalable n’est pas directement liée à la question de l’euthanasie ou du suicide. Le projet de loi en discussion au Parlement semble équilibré, raisonnable et tout à fait acceptable. Il réaffirme le caractère central du consentement éclairé dans la relation médecin-patient. ll pose également des lignes directrices contraignantes comme le droit au médecin de se retirer pour des raisons justifiées et rend possible la suspension des traitements dans certains cas controversés tels que l'hydratation et la nutrition artificielle chez les patients dans un état végétatif persistant. Notre Commission a été pendant des années en faveur de l'approbation d'une loi de ce genre. Cette position de la Commission est également celle du Synode des Eglises vaudoise et méthodiste. De nombreuses autres Eglises évangéliques italiennes sont sur la même longueur d’onde.
Le cas de DJ Fabo n’éclaircit pas les différences de cas qui doivent s’opérer entre les diverses situations de «décès précoce»: l'euthanasie, le suicide assisté ou la suspension de traitement. Cette confusion des termes peut-elle être exploitée sur le plan politique?
Ce n’est pas seulement une question d’instrumentalisation politique. Le problème est plus général et ne concerne pas uniquement l'Italie: sur les questions bioéthiques, la discussion autour des valeurs est inévitablement liée à l'information scientifique et technique, sans laquelle il est impossible d'exprimer une opinion argumentée. Sur ce sujet, la culture scientifique de la population est faible.