Une prêtresse anglicane travaille au changement de la perception du VIH/SIDA dans la campagne kényane
Photo: Rahab Wanjiru et sa famille ©Fredrick Nzwili
, Laikipia, Kenya, RNS/Protestinter
La révérende Rahab Wanjiru, 46 ans, est suffisamment crédible, pour participer à dissiper le silence qui entoure le virus et qui se combine avec le déni et la discrimination, dans une région située à environ 300km au nord de Nairobi. C’est parce qu’elle est elle-même porteuse du virus. «Chaque fois que je prêche à l’Eglise ou que je parle dans la communauté, je m’assure d’enseigner quelque chose à propos du VIH/SIDA», explique-t-elle. «La plupart des personnes ici sont ignorantes à propos du virus. Je dis aux congrégations qu’il y a beaucoup d’espoir, même lorsque l’on est porteur du VIH.»
Environ 1,6 million de Kényans vivent avec le VIH sur une population de 42 millions. Environ 900’000 suivent un traitement antirétroviral, selon le Conseil national de contrôle du SIDA. Malgré des progrès majeurs, le VIH/SIDA reste l’un des défis majeurs de la santé publique au Kenya.
Lors de la journée mondiale du SIDA, le 1er décembre, Rahab Wanjiru a donné son témoignage personnel lors d’un rassemblement organisé à Nyeri, une ville à environ 100km de Nairobi. Dans l’après-midi, elle a rendu visite à des orphelins porteurs à l’Eglise anglicane Kigumo de Nanyuki. «Elle est un atout dans la guerre contre le VIH», a déclaré le révérend Joseph Njakai, archidiacre de l’archidiocèse Nweiga à Lamuria. «Elle s’exprime avec passion et est très dévouée. Lors des rencontres du clergé, elle parle ouvertement du virus. Le fait qu’elle ne cache pas sa situation a permis à d’autres membres du clergé de l’approcher et de se renseigner sur le VIH.»
Rahab Wanjiru a appris qu’elle était porteuse du virus en 1997, après avoir lutté pendant quatre ans contre des douleurs dans la poitrine. «J’ai été choquée et dévastée par cette annonce», explique-t-elle. «J’étais amère contre Dieu, et je voulais lui poser beaucoup de questions.» A l’époque, le monde peinait encore à comprendre le virus, et les malades mouraient rapidement du SIDA. «Cela m’a beaucoup inquiétée et rendue confuse. Je croyais qu’il ne me restait que trois ans à vivre», explique-t-elle.
Elle explique qu’en 2002, elle avait prévu de mettre fin à ses jours lorsqu’on lui a refusé l’accès au séminaire en raison de son statut. Mais en raison de ce qu’elle qualifie de miracle, sa situation a été réévaluée et elle a été admise au Collège théologique Kabare dans le centre du Kenya. A l’époque, elle vivait sans les médicaments qui sauvent des vies qui venaient d’arriver sur le marché. Elle croyait, comme beaucoup de Kényans, qu’une bonne diète et de l’exercice enverraient le virus en rémission. Mais après avoir commencé l’école, elle a vite compris son erreur et a commencé à prendre des antirétroviraux.
Elle étudie actuellement en vue d’obtenir un master en VIH et soins communautaires à l’Université Saint-Paul, un établissement protestant de Limuru, une ville proche de Nairobi.
Elle a lutté contre les idées fausses, la honte, le déni et la discrimination. Peu avant qu’elle ne puisse épouser son fiancé en 2010, un évêque qui connaissait sa situation lui a conseillé de renoncer à cette union, ce qui l’a laissée cassée, seule et encore plus confuse. Pour un temps, elle a renoncé au mariage, mais en 2013, elle a finalement épousé Mathew Muhoro qui est enseignant à l’école primaire. Son mari est porteur du virus également. Après avoir suivi un programme de prévention de la transmission du virus de la mère à l’enfant, elle a donné vie à Joywin Wangari, 2 ans aujourd’hui, qui n’est pas porteuse du virus. «Je remercie Dieu pour cette enfant. Dieu a fait des choses merveilleuses dans nos vies. Et nous essayons d’avoir un deuxième enfant», explique Rahab Wanjiru.
Rahab Wanjiru s’inquiète du faible niveau de connaissance sur le VIH et le SIDA des membres de l’Eglise. Et beaucoup de dénominations peinent encore à accepter pleinement les personnes séropositives et à les traiter avec dignité. «Depuis que je parle ouvertement de mon statut, je me bats pour avoir du temps, lors des rencontres de mon diocèse pour parler du virus», explique-t-elle. «Il y a beaucoup de stigmatisations dans les textes», déclare-t-elle. «Quelque chose doit être fait à ce sujet.»
La ministre pense que l’épidémie pourra être vaincue si le monde adopte l’approche SAVE, l’acronyme en anglais de «pratiques plus sûres», «accès au traitement», «traitement et conseils sur une base volontaire» et «émancipation.» Cette campagne a été mise sur pied par des ecclésiastiques africains convaincus que l’approche ABC, en anglais, abstinence, être fidèle, préservatif, ne fonctionnait pas. «Si les personnes qui vivent avec le virus peuvent élever une génération séronégative, c’est le signe clair que nous pouvons vaincre le VIH», déclare Rahab Wanjiru.
Mais pour l’heure, beaucoup de personnes dans la paroisse et la communauté comptent sur son soutien et son savoir. «Elle est extrêmement engagée dans la lutte contre le VIH et le SIDA», souligne Jane Ng’ang’a, coordinatrice de la section kényane de INERELA+, le réseau international des responsables religieux vivant avec ou personnellement touchés par le VIH/SIDA. «Je pense qu’elle peut-être d’une grande aide pour les ecclésiastiques porteurs du virus.»