Les gouvernements africains s’opposent aux Eglises qui proposent des remèdes miracles

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Les gouvernements africains s’opposent aux Eglises qui proposent des remèdes miracles

Fredrick Nzwili,
29 février 2016
En Afrique, de nombreuses Eglises manipulent les fidèles pour obtenir de l’argent
Les différents gouvernements essaient de trouver des solutions pour protéger les citoyens.

Photo: Des responsables des Eglises évangéliques au Kenya protestent contre la régulation des Eglises © Fredrick Nzwili

Nairobi, Kenya, RNS/Protestiner

Dirigées par des prédicateurs charismatiques et des prophètes autoproclamés, des Eglises africaines multiplient les promesses de guérisons miracles, de prodiges et de signes. Mais depuis quelques mois, les gouvernements des différents pays essaient de mettre un frein à ces pratiques.

En Afrique, le christianisme a des répercussions majoritairement positives. Environ 63% des Africains se disent chrétiens et des dénominations chrétiennes ont fondé et dirigent actuellement des écoles et des hôpitaux. Elles ont joué un rôle crucial dans le maintien de la cohésion sociétale.

Mais tout en essayant de ne pas empiéter sur la liberté religieuse, les gouvernements sont de plus en plus frustrés par les histoires que le clergé raconte aux fidèles pour les berner. Ainsi, les autorités proposent une série de nouvelles mesures pour protéger les membres qui ne se méfient pas de ces arnaques.

Des fidèles manipulés

Récemment au Kenya, un pasteur de Nairobi a interdit aux femmes de porter des sous-vêtements et des soutiens-gorges à l’église. Le révérend Njohi a affirmé que les femmes devaient être libres dans leur corps et dans leur esprit pour recevoir Jésus. Un autre exemple, au Kenya, concerne le prédicateur Victor Kanyari. Il a avoué avoir mis en place le procédé malhonnête selon lequel des fidèles devaient le payer pour pouvoir être lavés de leurs péchés. Comme preuve des péchés pardonnés, le pasteur utilisait un «bassin des miracles» dont la couleur de l’eau devenait rouge une fois l’absolution réalisée. Plus tard, les responsables de l’Eglise ont admis avoir ajouté des produits chimiques dans l’eau.

Du côté de l’Afrique du Sud, l’année dernière, un pasteur de Pretoria a demandé aux membres de sa congrégation de se déshabiller intégralement, puis il est monté sur leur dos alors qu’il priait pour eux. Un autre pasteur de Pretoria, Daniel Lesego, a fait boire de l’essence à sa communauté et manger de l’herbe. Mais celui qui les a tous surpassés est le pasteur Penuel Mnguni, au nord de Pretoria, qui a convaincu ses fidèles qu’un serpent vivant était une barre chocolatée et leur a demandé de le manger.

Des mesures de régularisation abandonnées

Les gouvernements ont réagi avec une série d’initiatives. Au mois de janvier, le Kenya a dévoilé un certain nombre de règles destinées à régulariser les groupes religieux et à prévenir la radicalisation des jeunes par les groupes terroristes musulmans. Mais après les multiples protestations des dirigeants d’Eglises, le procureur général a retiré ces règles, y compris celle qui demandait que tous les membres du clergé aient une formation en théologie.

Le président Uhuru Kenyatta a toutefois précisé qu’il avait l’intention de réprimer les prédicateurs malhonnêtes. «Ces hommes et ces femmes malfaisants qui utilisent le nom de Dieu pour profiter des citoyens et les escroquer doivent être arrêtés», a déclaré Uhuru Kenyatta lors d’un rassemblement à Kisumu quelques jours après le retrait de la réglementation.

Vers une autorégularisation

Au Ghana, le gouvernement a demandé au Conseil chrétien de rédiger un document visant à s’assurer que toutes les Eglises étaient bel et bien enregistrées auprès du gouvernement. De son côté, le Conseil sud-africain des Eglises a appelé à une sorte de guide pour aider les Eglises à s’autoréguler. «Nous pensons que le gouvernement a un rôle à jouer dans cette problématique comme de protéger les fidèles», a souligné l’évêque et secrétaire général du Conseil, Malusi Mpumlwana. Au Cameroun, le président Paul Biya a récemment ordonné la fermeture de 100 Eglises à cause d’activités criminelles liées aux miracles alléguées par des pasteurs de l’Eglise pentecôtiste.

Alors que les gouvernements se préparent à réglementer les groupes religieux, certains membres du clergé ont suggéré l’autorégulation par le biais d’associations, de conseils nationaux et de confréries. Tolbert Thomas Jallah Jr., un religieux libérien qui dirige l’association des Eglises et des conseils chrétiens en Afrique de l’Ouest a déclaré que cette méthode avait fonctionné en Gambie. Dans ce pays majoritairement musulman, le Conseil chrétien réglemente tous les groupes religieux de la région, y compris les musulmans.

Aucune base théologique

Tolbert Thomas Jallah Jr. a ajouté que certains prédicateurs africains professent des doctrines confuses qui n’ont aucune base biblique ou théologique. «Ils font une étrange interprétation des Ecritures afin d’exploiter les pauvres, utilisant des messages de prospérité, prévoyant des miracles et l’achat de guérison», explique-t-il. «Ils demandent de l’argent avant de prier pour les malades. Les fidèles doivent également s’inscrire et payer pour obtenir des rendez-vous avec l’apôtre». Les Eglises réagissent en rejetant l’hypothèse selon laquelle tous les responsables sont frauduleux.

En 2014, le célèbre télévangéliste nigérian T. B. Joshua a eu des mots avec le gouvernement après que son église s’est effondrée, tuant 116 personnes. Les enquêteurs ont rejeté la faute sur la mauvaise qualité de la construction, mais T. B. Joshua a soutenu que c’était à cause d’un mystérieux avion qui avait volé au-dessus du bâtiment.

Le professeur de philosophie et de sciences des religions à l’Université de Nairobi, Jesse Mugambi, a déclaré que l’intervention du gouvernement était destinée à lutter contre les activités illégales. «Je ne pense pas que son intention est d’étouffer la liberté d’expression. Au contraire, l’intention consiste à défendre la décence, tant dans la vie privée que publique, c’est ce que devrait faire les autorités spontanément».