Le concile panorthodoxe, une chance pour l’œcuménisme

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Le concile panorthodoxe, une chance pour l’œcuménisme

Stephan Cezanne
1 février 2016
Attendu depuis 50 ans, un concile panorthodoxe aura lieu en juin en Crète. Des avancées en matière d’œcuménisme sont attendues. Mais les questions sensibles risquent bien de ne pas être à l’ordre du jour de cette rencontre.

Photo: CC(by) Bob M~

, Münster, EPD/Protestinfo

Selon le théologien Assaad Elias Kattan, le concile panorthodoxe, prévu pour juin en Crète, représente une chance pour l’œcuménisme. Cette rencontre des primats des 14 Eglises orthodoxes existantes dans le monde, attendue depuis 50 ans, pourrait en outre «représenter un appel à l’unité pour l’Eglise orthodoxe», a déclaré le professeur de théologie orthodoxe à l’agence de presse EPD. Ses espoirs ont été nourris par la conférence préparatoire réunissant les représentants les plus importants de l’orthodoxie qui a eu lieu à Chambésy près de Genève pendant sept jours et s’est achevée jeudi.

Chercheur au Centre d’étude des religions de l’université de Münster, le professeur Kattan reste toutefois sceptique quant à l’espoir que le sommet orthodoxe ait une portée comparable à celle qu’a eue le concile Vatican II dans l’Eglise catholique. Ce concile tenu entre 1962 et 1965 a permis à l’Eglise catholique romaine de s’ouvrir au monde moderne et aux autres religions. Or aucune prise de position n’est prévue à l’agenda du concile panorthodoxe, à l’instar de la position de l’Eglise orthodoxe au sujet de la reconnaissance. En outre, le concile Vatican avait duré quatre ans, tandis que le concile orthodoxe n’est prévu que sur quelques jours.

D’après le théologien, le principal problème de la conférence panorthodoxe tiendrait à son ordre du jour vétuste, établi il y a 50 ans, et non adapté au XXIe siècle: «C’est pourquoi j’espère que la conférence panorthodoxe constituera avant tout un prélude à un concile ultérieur qui traitera en profondeur toutes les questions cruciales, sans les mettre à l’écart comme c’est le cas aujourd’hui.» Le professeur a ainsi mis en exergue la relation de l’Eglise orthodoxe et de l’Etat, une réforme de la liturgie, le rétablissement des évêques mariés et la place des laïcs et des femmes, thèmes qui ne seront vraisemblablement pas abordés par le concile à Pâques.

Parmi les questions qui ne sont probablement plus à l’ordre du jour du concile se trouve l’unification du calendrier pour les dates des grandes fêtes chrétiennes. «Ce serait formidable si les orthodoxes adoptaient le calendrier grégorien moderne, ce qui permettrait à toute la chrétienté de célébrer Pâques et Noël le même jour», a déclaré le professeur Kattan. Pour le moment, la majorité des orthodoxes ne célèbrent pas ces deux fêtes en même temps que les chrétiens catholiques et protestants.

La question du calendrier avait déjà créé des scissions lorsque certaines Eglises orthodoxes avaient décidé d’adopter le calendrier grégorien, rappelle le professeur Kattan, et c’est ce que l’orthodoxie appréhende, d’où les hésitations à poursuivre le débat. Il y a des Eglises orthodoxes qui s’en tiennent uniquement à l’ancien calendrier julien, il y en a d’autres qui suivent un mélange entre calendrier julien et calendrier grégorien, comme l’Eglise orthodoxe grecque, et il y a l’Eglise orthodoxe de Finlande qui ne suit que le calendrier grégorien.

A propos de l’œcuménisme entre orthodoxes et protestants, le professeur Kattan, né à Beirut en 1967, affirme qu’il y a des «voix indifférenciées qui amalgament protestantisme et sécularisme», surtout dans les Eglises orthodoxes russes. Fort de plus de 300 Eglises membres, le Conseil œcuménique des Eglises à Genève offre au contraire une tribune où orthodoxes et protestants travaillent en coopération malgré les tensions existantes. Orthodoxie et protestantisme «partagent pourtant le même Evangile et la même croyance en Jésus-Christ». Le professeur Kattan espère donc que le concile panorthodoxe permettra «le renforcement de l’engagement orthodoxe dans l’œcuménisme et pour l’œcuménisme».

Au demeurant, le professeur Kattan note une régression de l’œcuménisme depuis les années 1990, après de grandes avancées, «non seulement chez les orthodoxes, mais également chez les protestants, et même au sein de toute la chrétienté. De nombreuses confessions ont une réflexion plus centrée sur elles-mêmes, sur leur propre identité.» Il est donc de plus en plus difficile «de mettre à jour et de reformuler» le consensus atteint. Toutefois, l’œcuménisme n’est pas uniquement fait d’harmonie, mais également de dialogue et de discussion, «dont fait partie la différence d’opinions».