La rhétorique anti-islam affecte également les sikhs

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La rhétorique anti-islam affecte également les sikhs

Katherine Davis-Young
30 décembre 2015
Les communautés sikhes subissent régulièrement les attaques des groupes islamophobes qui les prennent pour des musulmans
Avec la montée de l’Etat islamique, cette situation s’aggrave quotidiennement.

Photo: Le temple Gurdwara Singh Sabha © Katherine Davis-Young (RNS-Protestinter)

(RNS-Protestinter)

Habituellement, Jaspreet Singh est au travail tous les après-midi, mais ce jour-là, une perceuse à la main, il fixe de nouvelles caméras de sécurité, à l’extérieur du temple sikh à Buena Park, en Californie. Ce spécialiste en technologie de l’information a pris congé pour venir protéger le temple après avoir appris qu’il avait été vandalisé.

«J’ai été vraiment choqué, car notre communauté est très paisible. Nous ne prônons pas la haine et nous respectons toutes les religions», a souligné Jaspreet Singh, membre du conseil d’administration du temple. Il a été moins surpris quand il a découvert que les graffitis peints sur les murs du parking du temple ainsi que sur un camion qui s’y trouvait comprenaient des insultes à l’égard de l’Etat islamique et des musulmans. «Chaque fois que des terroristes attaquent, nous faisons face à ce genre de situations».

Les réactions violentes des personnes islamophobes sont souvent dirigées contre les sikhs, car les détracteurs les confondent avec les musulmans. Les turbans portés par les hommes sikhs, en particulier, incitent les prédateurs qui perpètrent ces crimes haineux à croire qu’ils sont de tradition islamique.

Des dépravations, à la suite des attentats

Les graffitis sur le temple Gurdwara Singh Sabha ont été découverts le 6 décembre, quatre jours après que des terroristes en lien avec des islamistes radicaux ont tué 14 personnes à San Bernadino, à environ 80 kilomètres de Buena Park. Les responsables du temple ont demandé aux autorités d’enquêter sur ces actes de vandalisme considérés comme des crimes de haine.

Les sikhs à Buena Park, où le temple ressemble plus de 1000 personnes, ont été les seuls membres de leur communauté à être touchés après le massacre de San Bernadino. «Nous constatons une augmentation de ce genre d’incidents. Plusieurs membres de notre communauté ont été confrontés à des discours haineux», explique Gurjot Kaur, avocat de la Coalition sikh, une organisation nationale qui fournit une assistance juridique aux sikhs victimes de discrimination.

Le sikhisme est la cinquième plus grande religion du monde, avec environ 25 millions de croyants, dont plus de 500'000 aux Etats-Unis. Cette religion est apparue au nord de l’Inde, indépendamment de l’hindouisme, de l’islam et des autres religions. La plupart des hommes sikhs portent des turbans et des barbes comme symboles de leur foi.

Une question d’habillement

«Leur style d’habillement ressemble aux symboles stéréotypés des terroristes», explique Simran Jeet Singh, professeur de sciences des religions à l’Université Trinity. (Il n’a pas de parenté avec Jaspreet Singh, beaucoup de sikhs portent le nom de famille «Singh»). «Mon père est venu aux Etats-Unis dans les années 1970. A cette époque, les gens l’appelaient «ayatollah». Quand j’étais enfant, on m’appelait «Oussama ben Laden». Maintenant, on nous confond avec l’Etat islamique. Toutes ces insultes xénophobes proviennent d’un malentendu», relève-t-il.

Selon Simran Jeet Singh, la rhétorique contre les musulmans met dans le même panier les religions du Moyen-Orient et les groupes ethniques d’Asie du Sud. Peu après que les attentats de Paris, en novembre dernier, ont été revendiqués par l’Etat islamique, une photo trafiquée du journaliste sikh canadien Veerender Jubbal, le faisant apparaître comme l’un des kamikazes, est apparue. L’image a largement circulé sur Internet ainsi que dans certains journaux qui croyaient que l’image était authentique.

Des violences envers les sikhs

Les sikhs ont également souvent été victimes de violence. Pendant les jours qui ont suivi les attentats du 11 septembre 2001, un homme protestant contre ceux qui portent des «linges sur la tête» a tué, par arme à feu, un sikh qui était le propriétaire d’une station-service, à Mesa, en Arizona. En 2012, un homme blanc, partisan de l’idéologie de la suprématie raciale, a tué six fidèles sikhs dans un temple, au Wisconsin. Et au mois de septembre dernier, un homme a molesté un sikh, à Chicago, en le traitant de terroriste.

«Si les auteurs de ces crimes attaquent des sikhs, c’est parce qu’ils les prennent pour des musulmans. Ce n’est pas étonnant», a constaté Randy Blazak, professeur de sociologie et spécialiste de recherches sur les crimes haineux de l’Université d’Oregon. «Les crimes de haines ne sont pas uniquement dirigés contre les cibles voulues, mais aussi par rapport à la perception de la cible», a expliqué Randy Blazak. «Il y a souvent des attaques homophobes contre des personnes qui ne sont pas gays ou des agressions xénophobes contre des personnes qui ne sont pas étrangères».

Simran Jeet Singh excuse les actes discriminatoires lorsqu’il s’agit de malentendus liés à l’habillement. «En les considérant comme des erreurs, cela signifie qu’une autre cible était visée. Et cela retire ainsi du pouvoir et des responsabilités aux prédateurs qui devraient, d’une certaine façon, être pardonnés». Mais que les attaquants atteignent leurs cibles prévues ou pas, Simran Jeet Singh voit dans les actions des groupes anti-musulmans la preuve d’un problème plus grave. «La rhétorique politique actuelle a certainement attisé aujourd’hui les flammes de l’ignorance et de la peur».

La communauté sikhe de Buena Park a pris ces attaques personnellement. Quand Jaspreet Singh est allé acheter des caméras de sécurité et des produits pour nettoyer les graffitis, une femme dans le parking du magasin l’a insulté tout en lui disant de retourner dans son pays. Jaspreet Singh lui a répondu qu’il aimait vivre aux Etats-Unis – où il est arrivé à l’âge de 12 ans – malgré l’intolérance dirigée contre lui et sa communauté. Les enseignements de sa foi lui rappellent de rester optimiste. «Quand une tragédie se produit, toutes les communautés doivent rester soudées et se protéger plutôt que de se diviser, se haïr et se blâmer les uns les autres».