Noël sans religion au rayon des supermarchés

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Noël sans religion au rayon des supermarchés

Joël Burri
23 décembre 2015
Pour Noël, les deux géants de la grande distribution sortent des campagnes débordantes de neige, de sapins et de bons sentiments. Seule la religion est absente de l’ambiance de Noël que nous proposent les commerces.

Aujourd’hui, qui se soucie de la solidarité et de la cohésion nationale? A voir les campagnes publicitaires des deux géants orange, la réponse semble être Migros et Coop. «Ces entreprises font le boulot des Eglises en réinterprétant la tradition», analyse le sociologue des religions Philippe Gonzalez, spécialiste de la religion dans l’espace public. «Elles vident Noël de tout son référentiel religieux, mais gardent la solidarité.»

Dans sa campagne, Coop offre à ses clients un CD de 15 chants de Noël, sans aucune référence à la nativité. Pour remplacer «Il est né le divin enfant», l’entreprise bâloise propose «Une boîte pleine d’amour que je voudrais t’offrir.» Du côté de Migros, le tube «Nous fêtons Noël tous ensemble» dans lequel s’entrecroisent les langues nationales n’est disponible qu’en téléchargement. Dans toutes ces chansons, des étoiles, des bougies, de l’amour, des familles réunies et quelques sapins. Pas d’Enfant Jésus et autres bondieuseries. «Les chansons de notre CD sont des chansons pour le temps de Noël et de l’Avent. A ce moment, vous voulez une chose: donner du plaisir. C’est ce que nous faisons avec nos chansons modernes apportant amour et joie. Les nombreuses réactions positives de nos clients nous incitent à penser que nous avons fait un bon choix», analyse Urs Meier, porte-parole de Coop.

«Les traditions demeurent, mais vidées de leur référent religieux», analyse Philippe Gonzalez. Le chercheur y voit un pas de plus vers la sécularisation de la fête de Noël. «Je comprends que ces entreprises aient intérêt à garder les fêtes, Noël en particulier, car ce sont des pics de consommation. D’abord, on transforme une fête religieuse en appel à la solidarité. Et là, les Eglises participent –L’EPER (entraide protestante) et Caritas (catholique) sont bénéficiaire des appels aux dons lancés par Migros– à terme on pourra certainement se passer des Eglises»

Une analyse que conteste Tristan Cerf, porte-parole de Migros. «Je ne vois pas en quoi nous vidons Noël de son sens. Nous nous concentrons évidemment plus sur l’aspect “Noël fête pour être ensemble” que sur la nativité d’un sauveur. Le personnel Migros compte 150 nationalités, toutes les religions y sont représentées. Notre campagne s’efforce donc de rassembler ce qui est épars, dans l’esprit d’une fête universelle qui permet aux gens de se retrouver tous ensemble plutôt que de diviser. Migros ne conteste donc pas l’aspect spirituel de Noël, mais la mission d’une entreprise de cette envergure se situe à juste titre dans l’aspect profane de la fête.» Il conteste également faire le boulot des Eglises. «Nous respectons simplement la philosophie de Gottlieb Duttweiler, le fondateur de Migros. Pour lui, plus une entreprise et grande, plus son engagement pour la société doit être important.» Le porte-parole rappelle ainsi que, dès sa création, Migros s’est engagée pour réduire les inégalités sociales, pour l’accès à la culture de tous et pour la défense de l’environnement, par exemple.

Tristan Cerf reconnaît toutefois: «Un des buts de la campagne est aussi d’associer Migros aux achats de Noël. Cette campagne doit aussi augmenter notre présence dans le cœur des clients lors une période de l’année qui est charnière pour le chiffre d’affaires d’un détaillant. C’est notre devoir en tant que premier employeur privé du pays et entreprise responsable, surtout dans la période actuelle, où la force du franc pousse les clients au-delà de la frontière.»

Une manne pour les organisations caritatives

Point commun des campagnes de Coop et Migros: l’appel au don. Les clients des deux distributeurs sont appelés à soutenir des œuvres caritatives. Chez Coop, les clients reçoivent des bons qu’ils peuvent attribuer à l’une des neuf organisations proposées. Ils peuvent également offrir leurs points de fidélité.

Du côté de Migros, plusieurs moyens sont mis en place pour récolter des dons qui seront partagés entre Caritas, EPER, Pro Juventute et le Secours d’hiver. La principale source de ces dons est les cœurs en chocolats vendus aux caisses dont l’intégralité du prix de vente est reversée aux œuvres. «Migros ajoutera un million de francs aux montants récoltés», souligne Tristan Cerf.

«Les chocolats sont une nouveauté cette année, l’an passé les clients pouvaient faire leur don en caisse au travers d’un petit ticket. Nous avions récolté 1,7 million de francs et donc 2,7 millions avaient été versés aux œuvres. Mais les chocolats ont l’avantage de pouvoir être offerts, on peut ainsi montrer à un proche que l’on fait un don en son nom. Cela a eu un grand impact sur les montants récoltés puisqu’au 21 décembre nous sommes déjà à 4,4 millions. Avec le million de francs de Migros on peut espérer dépasser les 5,5 millions versés aux œuvres à la fin de la campagne.» De son côté, Coop ne communiquera pas sur les montants collectés avant la fin de la campagne.