Mais à quoi servent les médias?
Responsable de Protestinfo, Joël Burri s’inquiète de voir les Eglises céder à la mode de la communication maîtrisée.
Photo: Un regard sur l’Eglise au travers du journal
Ouvrir un journal, allumer sa radio ou sa télévision au moment des informations, ou se rendre sur un site d’information ne sera jamais un acte forcé. Pour attirer l’auditeur ou le lecteur, la tentation est donc grande de mélanger information, divertissement et communication. Un biais risqué: la légitimité du journaliste tient dans une forme de «contrat social» qui le lie à ses lecteurs: son rôle est de les représenter auprès des instances du pouvoir, d’assurer une surveillance constante des détenteurs du pouvoir, mais également de donner des clés de compréhension de l’actualité.
Pourquoi ai-je ressorti les polycopiés qu’on nous faisait durant la formation des journalistes? Parce que j’ai l’impression que dans le petit univers des médias spécialisé dans l’actualité religieuse et des Eglises, ces fondamentaux sont mis à mal. S’en souvenir est donc nécessaire.
Quand je dis cela, je ne pense pas seulement à la décision de la RTS de mettre fin aux magazines religieux en argumentant sur les seules considérations d’audience. Je pense surtout à cette tentation qui commence à poindre dans nos Eglises de vouloir renoncer au rôle de contre-pouvoir que jouent les médias d’Eglise (à défaut de pouvoir compter sur les médias tout court).
Dans les jours passés, deux débats m’ont particulièrement marqué: l’assemblée générale de la Conférence des Eglises réformées romandes, où le projet de futur journal commun a été débattu, et le synode des Eglises Berne-Jura-Soleure. Si, fort heureusement, lors du premier débat, une majorité a finalement choisi de ne pas faire du futur journal un organe confessant qui n’aurait finalement relayé que les communications des Eglises, dans le second une large majorité a décidé de ne pas inviter la presse lors du Synode réflexif sur les futures orientations stratégiques de l’Eglise.
Maîtriser la communication et clore la controverse… une tentation toujours présente même dans nos milieux réformés où l’on se gargarise de valoriser le débat. La réponse peut sembler légitime face à des médias qui ont trop souvent délaissé leur rôle d’information pour ne faire plus que du divertissement ou du sensationnalisme.
L’un des principes du protestantisme est «l’Eglise doit se réformer sans cesse.» Si ce travail de réforme ne se fait plus qu’entre personnes dûment choisies, et en excluant les représentants du public que sont les journalistes, il faut se demander si les réformés ne croient plus en leur valeur ou alors s’ils ont l’impression de ne plus faire partie de la société.