Pour la première fois, un Afro-américain prend la tête de l'Eglise épiscopale

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Pour la première fois, un Afro-américain prend la tête de l'Eglise épiscopale

3 novembre 2015
L’évêque Michael Curry, âgé de 62 ans, a été élu à la tête de l’Eglise épiscopale pour neuf ans, aux Etats-Unis
C’est la première fois qu’un Afro-américain accède à ce poste.

Photo: Michael Curry CC (by-nc) Melodie Woerman

Par Konrad Ege (EPD/Protestinter)

Washington - Aux Etats-Unis, l'Eglise épiscopale est considérée par ses détracteurs conservateurs comme un exemple alarmant du déclin qui, selon eux, se produirait si l'on délaisse les «bons enseignements». Le nombre des fidèles est en recul. Une «guerre culturelle» interne à propos du mariage homosexuel a ouvert des blessures profondes. Depuis l'ordination d'un ecclésiastique qui vivait en couple avec un homme, en 2003, cinq diocèses ont fait sécession.

L'Eglise épiscopale, qui fait partie de la communauté anglicane internationale, a intronisé un nouvel évêque à sa tête. Michael Curry est le premier Afro-américain à diriger cette Eglise, dont l'écrasante majorité est blanche. Ses sermons débordent d'espoir. L'évêque de 62 ans insiste sur l'importance de la mission et de l'engagement social. Il explique que l'Eglise souhaite réconcilier les traditionalistes et les progressistes. Michael Curry, qui a été élu en juin dernier pour neuf ans, succède à Katharine Jefferts Schori, entrée en fonction en 2006 et première femme à accéder à ce poste.

Aux Etats-Unis, l'Eglise épiscopale occupe une place particulière au sein du protestantisme. Depuis les débuts de cette nation, les membres de l'Eglise anglicane ont été très présents dans l'Establishment américain, alors que les Eglises baptistes, catholiques et méthodistes étaient bien plus grandes. Onze des 44 présidents américains étaient anglicans, parmi lesquels George Washington (1789-1797), Franklin Delano Roosevelt (1933-1945) et George H. W. Bush (1989-1993).

Une Eglise en perte de vitesse

Mais ces jours glorieux sont révolus. Selon ses propres informations, l'Eglise compte aujourd'hui 1,8 million de membres. En moyenne, 600’000 fidèles assistent à l'office du dimanche. Au milieu des années 1960, l'Eglise épiscopale comptait encore plus de 3 millions de personnes. «Nous ne pouvons plus nous permettre d'attendre que les gens viennent à nous», a déclaré Michael Curry. L'Eglise doit créer un «mouvement vers Jésus»: diffuser l'Evangile et faire de chaque homme un disciple.

Michael Curry, qui est depuis longtemps évêque du diocèse de Caroline du Nord, est l'auteur de «Ces chrétiens étranges: une invitation à suivre Jésus». Parallèlement à l'évangélisation, il insiste sur la mission sociale de l'Eglise. Jésus n'est pas venu «pour laisser le monde tel qu'il était». Pour lui, les Etats-Unis sont aujourd'hui un «pays très polarisé». L'Eglise peut contribuer à rassembler «les gens pour le bien commun».

Pour les représentants de l'Eglise épiscopale, la question du nombre des fidèles n'est pas exclusivement le problème des anglicans. «Bien entendu, on ne doit pas ignorer les chiffres», a déclaré Dan Edwards, l'évêque du Nevada. Mais le contexte est important. Comme l'a expliqué Dan Edwards, la société a changé au cours des dernières décennies. Toutes les Eglises et les organisations sociales ont vu leurs effectifs fondre comme neige au soleil. Selon les sondages d'opinion, les gens restent de plus en plus à distance des organisations religieuses.

L’inclusion ne nuit pas à l’Eglise

Dan Edwards ne croit pas à la thèse selon laquelle l'acceptation du mariage homosexuel nuirait à l'Eglise. Ce serait peut-être même l'inverse: chez les jeunes, l'inclusion des personnes d'orientations sexuelles différentes serait une évidence. Dans son diocèse, il constate que le «succès» et le «progrès» ne se mesurent pas exclusivement avec des chiffres. Lorsqu'une petite communauté de Reno, dans le Nevada, organise du soutien scolaire et des loisirs dans un quartier de logements sociaux, comment pourrait-on le traduire en chiffres?

L'intronisation de Michael Curry aura lieu dans la cathédrale nationale de Washington et sera très festive, avec de la musique d'orgue, des habits liturgiques hauts en couleur, des mitres et des crosses d'évêque. Le président des Etats-Unis, Barack Obama, a félicité Michael Curry pour son élection. Mais cette proximité avec l'Establishment n'est plus d'actualité, souligne dans le quotidien «Washington Post» l'évêque Katharine Jefferts Schori, qui cède sa place à la tête de l'Eglise après un mandat de neuf ans. L'Eglise se concentre aujourd'hui davantage «sur les personnes qui vivent en marge de la société». Et cela fait beaucoup de bien à l'Eglise.