«Nous n’avons pas de pape anglican»

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«Nous n’avons pas de pape anglican»

Rainer Clos
29 septembre 2015
L’archevêque de Canterbury organise une rencontre pour les responsables de toutes les provinces anglicanes

Photo: CC(by-nc-nd) International Monetary Fund

, Londres/Francfort-sur-le-Main, EPD/Protestinter

L’archevêque de Canterbury a créé la surprise en invitant les dignitaires des Eglises anglicanes à une rencontre, où il devrait être question de l’avenir de la communauté anglicane, qui compte près de 80 millions de membres à travers le monde. Au cours de cette conférence, qui se déroulera à Canterbury en janvier 2016, les chefs spirituels des 38 provinces anglicanes devraient discuter de certaines questions centrales, notamment la refonte de la structure de la communauté, comme le suggère l’archevêque Justin Welby, dirigeant d’honneur de la communauté mondiale anglicane. La dernière rencontre de ce type s’est tenue à Dublin, en 2011.

Cette initiative, largement diffusée par les médias anglo-saxons, intervient dans un contexte de tensions parmi les anglicans, notamment sur les thèmes de la sexualité et de l’accès des femmes à l’épiscopat. Alors que les Eglises anglicanes suivent une orientation plutôt libérale en Grande-Bretagne et en Amérique du Nord, consacrant des femmes évêques et accordant sa bénédiction aux couples homosexuels, les Eglises conservatrices et traditionalistes du Sud rejettent ces pratiques. L’Eglise anglaise, après une longue controverse, a consacré une femme évêque pour la première fois en janvier. Aux Etats-Unis, au Canada, en Australie et en Nouvelle-Zélande, les femmes évêques existent déjà depuis longtemps.

Cette fissure au sein de la communauté s’est clairement révélée en 2002, lorsque l’Eglise anglicane du Canada a autorisé la bénédiction des couples homosexuels et que chez sa consœur américaine, Gene Robinson, un homme dont l’homosexualité était ouvertement connue, a été consacré évêque. A l’inverse, dans les pays en voie de développement, et particulièrement en Afrique, les Eglises anglicanes refusent aujourd’hui encore l’ordination des femmes. Et certains représentants influents de l’Eglise anglicane en Ouganda, au Nigeria et au Kenya se sont prononcés en faveur de la criminalisation de l’homosexualité. En 2008, la conférence de Lambeth, où les évêques anglicans se réunissent tous les 10 ans, avait été boycottée par les évêques traditionalistes.

«Les différences entre nos sociétés et cultures ainsi que la rapidité des changements culturels nous poussent à nous diviser, alors que nous sommes tous chrétiens», écrit Justin Welby dans sa prise de position. Au XXIe siècle, la grande famille anglicane aurait besoin de s’ouvrir à de profondes divergences, voire de recourir à la critique mutuelle, «du moment que nous croyons ensemble à la révélation de Jésus Christ».

«Nous n’avons pas de pape anglican», fait valoir l’archevêque de Canterbury. Au sein de l’Eglise anglicane, l’autorité est répartie et, en définitive, se fonde sur une interprétation correcte des Saintes Ecritures. C’est pourquoi, à l’issue des échanges sur les dernières évolutions, il suggère aux dignitaires de l’Eglise de réfléchir une nouvelle fois sur le fonctionnement de l’Eglise anglicane. Après son entrée en fonction, en 2013, Justin Welby s’était rendu successivement dans toutes les provinces anglicanes.

Quel modèle structurel Justin Welby favoriserait-il à l’avenir pour la communauté? Il ne tranche pas. Dans les cercles ecclésiastiques, on évoque un modèle de liaisons faibles. Toutes les provinces anglicanes seraient encore liées à l’Eglise mère d’Angleterre, mais elles n’auraient plus de relations entre elles et par conséquent l’uniformisation de l’enseignement ne serait plus nécessaire. Cette situation serait-elle comparable à un divorce? Voilà ce qu’on nous répond au palais de Lambeth, siège de l’archevêque de Canterbury: «Cela ressemble plus à un couple qui ferait chambre à part.»

Face à la sexualité, les anglicans ne sont pas les seuls à lutter pour savoir quelle attitude adopter. Au synode épiscopal du Vatican sur la famille, en octobre, les différences entre les forces réformistes et conservatrices étaient également visibles. Seulement, comme l’a souligné le cardinal Reinhard Marx dans une interview, l’Eglise catholique, malgré d’énormes différences de cultures et de conditions de vie, essaie d’apporter une réponse commune à cette question. Et Reinhard Marx d’ajouter: «Les autres communautés chrétiennes n’essaient absolument pas de le faire. Regardez les anglicans ou la Fédération luthérienne mondiale.»