Un prix pour la promotion de la paix décerné aux principaux chefs religieux de Centrafrique

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Un prix pour la promotion de la paix décerné aux principaux chefs religieux de Centrafrique

Illia Djadi
8 septembre 2015
Les efforts des responsables religieux pour ramener la paix dans une Centrafrique déchirée par la guerre ont été récompensés par le Prix Sergio Vieira de Mello

Photo: Remise du Prix Sergio Vieira de Mello. De gauche à droite: l’imam Omar Kobine Layama, président du Conseil islamique de Centrafrique, monseigneur Dieudonné Nzapalainga, archevêque catholique de Bangui et le révérend Nicolas Guérékoyamé-Gbangou, président de l’Alliance évangélique de Centrafrique. ©Illia Djadi/WWM

, Genève, World Watch Monitor/Protestinter

Le révérend Nicolas Guérékoyamé-Gbangou, président de l’Alliance évangélique de Centrafrique, monseigneur Dieudonné Nzapalainga, archevêque catholique de Bangui et l’imam Omar Kobine Layama, président du Conseil islamique de Centrafrique ont reçu conjointement le Prix Sergio Vieira de Mello, le 19 août au bureau des Nations unies de Genève.

Sergio Vieira de Mello était le représentant spécial des Nations unies en Irak. Il a été tué quand le quartier général des Nations unies à Bagdad a été la cible d’un attentat suicide en août 2003. Tous les deux ans, un prix en sa mémoire est décerné à une personne, un groupe ou une organisation qui ont fait quelque chose d’exceptionnel pour réconcilier des personnes ou les acteurs d’un conflit.

Au cœur des deux ans de conflit en Centrafrique, souvent décrit comme un conflit religieux, les autorités religieuses ont formé une plateforme commune pour promouvoir une coexistence pacifique entre chrétiens et musulmans. Leur message: la violence en Centrafrique n’est pas avant tout un conflit entre religieux, mais elle trouve ses racines plutôt dans une lutte pour le pouvoir politique.

Les trois chefs religieux se sont rendus à Genève pour recevoir leur prix. L’imam Layama a exprimé sa gratitude envers le jury pour leur choix qui «nous honore.» Monseigneur Nzapalainga a déclaré que ce prix tombait «à point», alors que beaucoup parlent de la Centrafrique de manière négative, pour montrer de quoi sont capables les citoyens de ce pays. «A travers les Nations unies, c’est l’ensemble de l’humanité qui décerne ce prix, a ajouté l’archevêque. C’est un message envoyé à chaque Centrafricain, l’invitant à prendre ses responsabilités et à travailler au retour de la paix.»

Pour le révérend Guérékoyamé-Gbangou, cette récompense est une reconnaissance «des efforts humains faits pour le bien de l’humanité.» Il a ajouté que «nos efforts se poursuivront jusqu’à ce que le cœur de l’Afrique soit résolument désarmé et que la réconciliation soit possible entre les Centrafricains.»

Les trois religieux ont voyagé à travers leur pays, visitant des zones touchées par la violence pour faciliter le dialogue entre les communautés chrétiennes et musulmanes et pour organiser des rencontres entre communautés afin de rétablir la confiance réciproque. Ils ont aussi rencontré des dirigeants internationaux tels que le pape François au Vatican et le secrétaire général des Nations unies Ban Ki-moon à New York. Ce travail de fond diplomatique a conduit au déploiement de soldats de la paix en Centrafrique en septembre.

Pour leurs efforts, le «Time Magazine» les avait nommés parmi les 100 personnes les plus influentes de la planète en 2014, alors que «Le Monde» les avait surnommés «les saints de Bangui».

Le prix de la paix

Cet engagement pour la paix a un prix. Nicolas Guérékoyamé-Gbangou était absent, voyageant en Europe, en janvier quand sa fille est décédée. En août 2013, il avait été arrêté à la suite de propos tenus dans un sermon concernant le gouvernement. Bien que membre du Conseil national de transition –le parlement temporaire mis en place après le coup d’Etat militaire de 2012– ce qui aurait dû lui garantir l’immunité, il a été emprisonné. En signe de solidarité, monseigneur Dieudonné Nzapalainga, s’était rendu aux autorités pénitentiaires. «Je suis allé à la prison et j’ai demandé un matelas afin de pouvoir rester avec le révérend Nicolas Guérékoyamé-Gbangou. J’étais déterminé à rester en prison avec lui, quelle que soit la durée de son incarcération, trois jours ou trois mois», a raconté l’archevêque à World Watch Monitor.

L’engagement des trois religieux a aussi été marqué par d’autres épisodes dramatiques, se rappelle Dieudonné Nzapalainga. En décembre 2013, la montée de violence qui a suivi l’offensive des milices anti-balaka a forcé l’imam Omar Kobine Layama à quitter son domicile et à chercher refuge auprès de la paroisse Saint-Paul. «Quand la vie d’un frère est menacée, nous devons lui venir en aide», déclare l’archevêque. «Durant plus de 5 mois, nous l’avons accueilli, lui et sa famille parmi nous. Cela nous a beaucoup rapprochés. Nous avons partagé des repas et beaucoup discuté pour trouver des solutions à la crise en Centrafrique.»