Les positions antisémites de Martin Luther doivent être désavouées

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Les positions antisémites de Martin Luther doivent être désavouées

18 juin 2015
La première rencontre entre le Conseil central des juifs d’Allemagne et l’Académie protestante de Berlin s’est déroulée à Berlin. Le Conseil attend un rejet clair et officiel des déclarations antisémites de Martin Luther de la part de l’Eglise protestante allemande, avant le jubilé 2017.

Berlin (EPD/Protestinter) – Le Conseil central des juifs d’Allemagne espère «un signe clair» de la part de l’Eglise protestante d’Allemagne (EKD), vis-à-vis des déclarations antisémites de Martin Luther (1483-1546), et ce avant l’anniversaire de la Réforme en 2017. «Je compte sur le fait que l’EKD va éclairer le Conseil à ce propos», a déclaré le Josef Schuster, président du Conseil Central, mercredi passé à Berlin au début de la rencontre entre le Conseil central et l’Académie protestante.

Dans son essai ©, qui date de 1543, Martin Luther évoquait, entre autres, de brûler les synagogues et de détruire les maisons des juifs. «Ce côté sombre du réformateur doit être clairement dénoncé», a déclaré Joseph Schuster. «Les gens ont besoin de savoir ce que Luther pensait et écrivait aussi à ce propos», a déclaré le président du Conseil. Faute de quoi, il a ajouté qu’il verrait le jubilé de la Réforme avec un certain scepticisme.

Quel a été le poids des déclarations anti-juives de Luther?

Cette première réunion commune du Conseil central des juifs et de l’Académie protestante de Berlin est intitulée «réformateur, hérétique, ennemi des juifs: perspectives juives sur Martin Luther». Le poids des théories anti-juives du réformateur sur les relations judéo-chrétiennes sera entre autres discuté jusqu’à vendredi.

Pour Josef Schuster, les idées de Luther sur les juifs ne jouent plus aucun rôle pour les représentants actuels de l’Eglise protestante. Et il voit de la part de l’Eglise une volonté claire de retour critique: «nous aurions été en effet déçus, si ces côtés sombres de Luther avaient été passés sous silence», a-t-il déclaré.

Par contre, la communauté juive voit d’une manière extrêmement critique l’effort d’évangélisation des juifs par les communautés protestantes: «nous attendons là une prise de position claire et officielle de la part de l’EKD», a rappelé Josef Schuster.

«Non compatible avec l’Evangile»

Pour Nikolaus Schneider, ancien président du Conseil de l’EKD, les déclarations antisémites faites par le réformateur sont blessantes et scandaleuses. Il considère par conséquent aussi que l’EKD doit faire une déclaration officielle à ce sujet. L’ancien président de l’Eglise rhénane a déclaré: «ces thèses sont incompatibles avec l’Evangile». Pour lui, le fait que Luther ait basculé dans l’antisémitisme provient de la frustration liée au manque de résonance à la Réforme de la part des juifs. Luther, en effet, espérait qu’elle serait la cause de nombreuses défections dans le judaïsme, au profit de la nouvelle Eglise moderne, a-t-il expliqué.

Une histoire d’amour réciproque qui a mal tourné?

Selon le chercheur en sciences des religions Christian Wiese, une image très positive de Martin Luther a existé dans les milieux juifs, pendant une longue période malgré les propos antisémites graves de ce dernier. En particulier au 19e siècle, pendant la réforme du judaïsme qui a vu en Martin Luther un modèle de «Réforme juive», a expliqué le théologien protestant pendant la réunion. «Il se trouve encore et toujours des connotations très positives qui voient en Luther un précurseur de la liberté de conscience, de la tolérance et des Lumières», a-t-il dit. Les déclarations antisémites de Luther ont été mises de côté pendant une longue période.

En Allemagne, le réformateur a personnifié pour les juifs libéraux une tradition spirituelle «qui a été propice à l’égalité des droits civils des personnes de tradition juive». C’était une image très idéalisée de Luther.

Selon Christian Wiese, le changement s’est opéré dans les années 1930, puis s’est imposée dans le judaïsme l’évidence «que l’histoire d’amour juive avec Luther avait été une tentative tragique, et complètement vaine».