La communauté de Taizé, en Bourgogne, constitue un modèle de créativité en terme d’écoute et de prise en compte des aspirations, des attentes et des besoins religieux d’une partie de la société contemporaine. Débutant comme un lieu monastique de recherche œcuménique dès la fin de la Seconde Guerre mondiale, la communauté opère un virage très important au début des années soixante.

De manière à accueillir réellement les jeunes qui viennent de plus en plus nombreux sur la colline, les frères commencent par réaménager leur lieu de prière (pourtant tout neuf) pour diminuer la différenciation entre eux-mêmes et les participants. Dès 1970, commence une longue adaptation de la liturgie réalisée pour que les arrivants de plus en plus nombreux puissent entrer sans prérequis culturels dans la prière. Abandon des formes traditionnelles, raccourcissement des textes, traductions en diverses langues, simplification des chants, instauration de longs silences.

Cette démarche aboutira à une simplification du rite et permettra à des générations entières d’entrer dans des temps de prières accessibles et apaisants. Cette manière de faire a permis un accès très large aux jeunes. Il a suscité l’envie de participer. Simplification du message aussi, que l’on pourrait presque faire tenir tout entier dans cette prière de frère Roger: «Dieu qui nous aime, si pauvre soit notre prière, nous te cherchons avec confiance. Et ton amour se creuse un passage à travers nos hésitations et même nos doutes».

Les temps de réflexion bibliques, séparés des moments de prières et suivis d’un temps de partage, ont été répartis chaque jour de la semaine. Ils permettent ainsi une appropriation personnelle d’un message d’Evangile et parfois aussi un désir d’aller plus loin, plus profond, dans la pensée comme dans la vie.

Ces changements ne se sont évidemment pas passés sans à-coups. De nombreuses personnes notamment dans les milieux protestants (et aussi un certain nombre de frères) ont fortement réagi, se sont distanciés et ont parfois quitté la communauté. Il n’en demeure pas moins que, par ces actes courageux et visionnaires, Taizé constitue actuellement un lieu de vie et de rayonnement spirituel international de premier plan. Et les jeunes continuent de venir, signe que la communauté reste à l’écoute.

Même si c’est numériquement peu de chose par rapport à la grandeur du territoire couvert et la masse des gens, c’est le signe que quelque chose est possible si on ose se débarrasser de ses acquis devenus trop lourds, pour être au service d’un message d’Evangile vivant et enthousiasmant.