Paroisses, je vous aime!
Professeure honoraire de droit et membre du synode de l’Eglise réformée vaudoise, Suzette Sandoz dit son attachement aux paroisses et aux ministères paroissiaux. Des lieux de stabilité dans un monde tourbillonnant qui seront peut-être le terreau d’une rechristianisation de la société.
Photo: CC(by-nc-sa) Tedbassman
Qu’il est difficile d’être pasteur dans une paroisse! Toutes ces vieilles dames – et maintenant aussi parfois, ces vieux messieurs – qui aiment tellement raconter leur vie ou dire leurs bobos en échange d’une petite prière en partant! Toutes ces jeunes mères qui n‘ont pas le temps de vous recevoir entre les allers et retours à la crèche, les horaires scolaires totalement déjantés, les téléphones aux grands-parents pour trouver un dépannage afin de garder le petit dernier.
Et puis la couture, et puis la vente de paroisse, et puis les cultes à des heures tout le temps différentes parce que l’on manque de pasteurs et que, de toute manière, il faut des cultes régionaux à une heure autre que l’habituelle dans l’idée que le peu de fidèles qui assistent encore au culte soient réunis – cela crée un effet de masse! Et puis les séances du conseil paroissial, les soupers des bénévoles, les préparations des monitrices/teurs.
Bon! Le catéchisme est régional, c’est déjà un bon débarras! Les EMS sont traités à part: c’est une décharge. Mais voilà que les voisins du Temple trouvent que la sonnerie des cloches dérange, surtout le dimanche, car on voudrait quand même dormir jusqu’à onze heures au moins. Et la Municipalité qui veut transformer la salle de paroisse, et l’Assemblée paroissiale, deux fois par année – les mêmes têtes qu’au culte!...
J’oubliais les enterrements. Evidemment pas planifiables à l’avance, exigeant souvent un effort d’imagination gigantesque pour trouver les mots justes quand on n’a jamais rencontré le «paroissien» de son vivant! D’ailleurs, avait-on cherché à le rencontrer chez lui, faute de le croiser à l’église, savait-on même qu’il existait? Vivement la fin des paroisses et une évangélisation de rue ou de manifestations publiques – discrète –, car il ne faudrait pas que cela fasse «évangélisation à l’américaine»! D’ailleurs, ça ne conviendrait pas au tempérament vaudois! J’ai bien dit «vaudois»; lausannois, c’est peut-être un peu différent.
Une chose étrange, ce tempérament vaudois! Assez casanier, avec ses jeunesses locales et ses villages que l’on n’arrive pas toujours à faire fusionner! Et puis, on revient sur les lieux de sa jeunesse vers l’âge de la retraite, quand on en était parti, on cherche un nouveau terreau pour s’y enraciner, on aime une vie un peu moins tourbillonnante, on se réinscrit dans l’histoire locale, on est prêt à s’y investir, car on n’est pas vieux à 60 ans.
On aurait même un peu de temps à consacrer à la paroisse, parce qu’on n’est pas complètement anticlérical et athée – tradition de famille! Mais il n’y a plus de paroisse, il n’y a plus de culte que de temps en temps, il n’y a plus d’accueil individuel. On n’a qu’à téléphoner à tel numéro pour le covoiturage en cas de célébration régionale. On peut chercher des listes de noms et de lieux sur internet si on veut réellement avoir un entretien pastoral.
Ah! Vous n’avez pas internet? Tant pis pour vous, vous êtes complètement largué, l’Eglise a autre chose à faire que du porte-à-porte. D’ailleurs, de toute manière, les Eglises n’ont plus de moyens financiers, car il y a aussi peu de collectes que de cultes et chacun tourbillonne d’une région à l’autre. Les ministres consacrent un pourcentage de leur temps ici, un autre là.
On leur impose de papillonner. Tout le monde papillonne en fait, car c’est à la mode et cela confère une certaine importance bonne pour l’ego, et pourtant, on aurait tellement besoin de stabilité. Peut-être que les Eglises devraient se demander comment assurer à une population tourbillonnante un havre de paix, si nécessaire à l’équilibre. L’évangélisation par les paroisses? Une idée de tradition ou de conviction?
Paroisses, je vous aime! Vous êtes peut-être l’avenir de la rechristianisation de la société. Ministres paroissiaux, je vous aime! C’est de votre rayonnement que dépendent beaucoup la vie de l’Eglise, l’enthousiasme des fidèles, la joie de vivre, simplement!