«Nous souhaitons que la Suisse plaide notre cause au niveau international»

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«Nous souhaitons que la Suisse plaide notre cause au niveau international»

Laurence Villoz
17 mars 2015
Le sociologue haïtien Poliner Augustin, invité de la campagne œcuménique 2015, expose les conséquences du réchauffement climatique en Haïti et comment y faire face. Coordinateur du Centre pour la culture et le développement de Carice, il a mis sur pied de nouvelles techniques de production agricole tout en sensibilisant la population locale. Rencontre lors de son passage à Lausanne.

Photo: Poliner Augustin © Patricio Frei / Action de Carême

Poliner Augustin a parcouru les paroisses, les écoles et certaines universités romandes pour expliquer les conséquences du changement climatique à Haïti, dans le cadre de la campagne œcuménique qui se déroule du 18 février au 5 avril. En 2001, ce sociologue haïtien de 35 ans a fondé le Centre pour la culture et le développement de Carice (SKDK) – une commune au nord-est du pays – qui a pour but «de renforcer la capacité locale pour le développement de la communauté».

Cette association qui s’occupe essentiellement de soutenir l’agriculture vise plus largement «la souveraineté alimentaire, la sauvegarde de l’environnement, la promotion des droits humains, l’éducation à un niveau professionnelle et la santé communautaire». Et alors que l’agriculture est la principale source de revenus à Haïti, cette activité est menacée par les fréquents tremblements de terre – dont un particulièrement violent le 12 janvier 2010 – et surtout par le réchauffement climatique.

Quels sont les phénomènes directement liés au réchauffement climatique à Haïti?

Nous observons une augmentation de la température. Il y a encore cinq ans, la température à Carice variait entre 15° et 21°. Aujourd’hui, elle fluctue entre 15° et 30°. La situation est similaire pour l’ensemble du pays. Alors que la température plafonnait à 27°, il fait actuellement jusqu’à 33°.

Parallèlement, les saisons sont chamboulées. Des périodes de sécheresse s’étendent sur plusieurs mois puis ce sont des pluies diluviennes qui s’abattent. On observe également la disparition de certains végétaux et la migration de plusieurs espèces d’oiseaux, ce qui perturbe l’écosystème tout entier. De plus, le niveau de la mer dans les zones côtières augmente progressivement menaçant les habitations et les structures au bord de l’eau.

Quelles conséquences ont ces changements sur la production agricole?

Ces modifications engendrent une importante perte de production agricole qui s’explique par la difficulté à cultiver et l’exode des paysans. Actuellement, les agriculteurs ne savent plus à quel moment planter tel type de semences. Par exemple, on avait l’habitude faire pousser des haricots au mois de mars.Actuellement, ce n’est plus possible, car il y a trop de sécheresse à cette période.

Ainsi, beaucoup de cultivateurs quittent la campagne pour rejoindre les villes, mais trop nombreux, ils n’y trouvent pas d’endroit pour vivre. Les jeunes également fuient les champs pour se rendre en République dominicaine, où le racisme contre les noirs est très fort.

Que fait le Centre pour la culture et le développement de Carice face à cette situation?

Nous proposons trois actions au niveau agricole. Premièrement, le changement de culture: les paysans avaient l’habitude de cultiver des haricots trois fois par année, en mars, en septembre et en décembre. Il y a encore cinq ans, les haricots de mars fournissaient le meilleur rendement, mais depuis trois ans, ces plantes ne donnent presque plus de fruits, à cause de la sécheresse. Actuellement, ce sont les haricots de septembre qui donnent les meilleures récoltes. Ainsi nous avons proposé aux paysans de cultiver de l’arachide en mars, une plante qui est bien plus résistante à la sécheresse.

Nous avons aussi impliqué la population dans le processus de reboisement en initiant des pépinières familiales. Chaque famille a reçu une parcelle des terres où elle a planté des arbres et dont elle est responsable. Le terrain appartient au paysan. Grâce à la production, il peut payer une partie des études de ses enfants, réinvestir dans la plantation et faire vivre sa famille. Cela a permis de reboiser dix hectares de terres.

Parallèlement, SKDK organise des ateliers de discussion pour la population et les autorités. Avec notre troupe de théâtre, nous avons également fait une campagne de sensibilisation auprès de la population.

Que peut-on faire, en Suisse, pour vous aider?

Nous souhaitons que la Suisse plaide notre cause au niveau international lors des prises de décisions pour faire face aux changements climatiques. De plus, les producteurs agricoles ont besoin d’être accompagnés pour mettre en place de nouvelles techniques et des alternatives agricoles aussi bien pour la production que pour la gestion des déchets.

La campagne oecuménique 2015

Chaque année, Pain pour le prochain, Action de carême et Etre partenaire organisent une campagne œcuménique de sensibilisation à un problème de société. En 2015, ces organisations s’intéressent aux liens de cause à effet entre la surconsommation, les changements climatiques et la faim dans le monde.