La Cour Suprême renforce les droits religieux des prisonniers

légende / crédit photo
i
[pas de légende]

La Cour Suprême renforce les droits religieux des prisonniers

Richard Wolf
3 février 2015
La Cour Suprême, qui ces dernières années a déjà élargi la place du religieux dans la vie publique, a statué récemment: à l’intérieur des prisons, la spiritualité peut prendre le pas y compris sur des questions de sécurité.

, Washington (RNS/Protestinter)

Mardi 20 janvier dernier, le tribunal a pris sa décision définitive en se rangeant du côté d’un prisonnier musulman, dont la barbe avait été jugée potentiellement dangereuse par des fonctionnaires de la prison de l’Etat d’Arkansas. Les juges ont déclaré que se laisser pousser la barbe fait partie du droit religieux d’un homme musulman.

La décision unanime, rédigée par le juge Samuel Alito, avait toutefois été largement anticipée en dépit de deux décisions des tribunaux inférieurs, qui avaient précédemment soutenu la politique de l’Arkansas imposant aux prisonniers de rester imberbes.

Par sa décision, la Haute Cour confirme son respect vis-à-vis des croyances et des pratiques religieuses. Dernièrement, les juges ont aussi autorisé de petites entreprises familiales à refuser la couverture d’assurance maladie pour les contraceptifs, sur la base de leurs convictions religieuses. Le tribunal a également entériné la prière au début des réunions dans les administrations municipales.

Se conformer aux prescriptions de sa religion est un droit pour les détenus

En ce qui concerne les détenus, le Congrès avait adopté en 2000 une loi visant à protéger leurs droits religieux, dans la ligne du Religious Freedom Restoration Act de 1993, qui avait déjà pour but de protéger la liberté religieuse en général.

La question sur laquelle la Cour devait statuer cette fois venait de l’exigence de l’Etat d’Arkansas, stipulant que les prisonniers devaient être rasés de près pour des questions de sécurité, à moins d’avoir une raison médicale pour garder une barbe de plus d’un demi-centimètre. Alors que les systèmes carcéraux de plus de 40 Etats autorisent la barbe en général, Gregory Holt avait été tenu d’accepter de garder la sienne à juste un peu plus d’un centimètre.

Tant le district fédéral que les cours d’appel s’étaient prononcés contre le détenu, même si un magistrat avait déclaré qu’il était «presque absurde» de penser que l’on puisse cacher une arme dans sa barbe. Notant que Gregory Holt s’était vu accorder plusieurs autres concessions pour lui permettre de pratiquer sa religion, comme un tapis de prière, un régime alimentaire et des vacances spéciales pour les observances rituelles, les tribunaux inférieurs avaient différé leur jugement pour ce qui touchait à leurs besoins de sécurité.

Les pratiques rituelles prennent le pas sur les inquiétudes sécuritaires

Durant les plaidoiries qui se sont déroulées en octobre, plusieurs juges ont minimisé les craintes exprimées par l’Etat quant à sa sécurité: à savoir qu’un prisonnier puisse cacher une arme pour s’évader, ou des produits de contrebande dans sa barbe, ou bien qu’il puisse très vite changer d’apparence après une évasion en se rasant. L’Etat a de son côté justifié sa politique, en disant qu’elle était nécessaire à cause des conditions de détention d’une part, et d’autre part à cause du fait que les détenus sont régulièrement employés à des travaux d’entretien en dehors de l’enceinte de la prison.

Gregory Holt, qui se fait appeler maintenant Abdul Maalik Muhammad, avait persuadé la Cour Suprême d’entendre son cas au moyen d’un argument manuscrit de 15 pages, dans lequel il exprimait son désir de garder la barbe dans le cadre de sa foi musulmane. «C’est une question de première importance, avait-il écrit, qui oppose les droits des détenus musulmans à un système qui est hostile à ces points de vue».