«Faut-il excommunier les associations religieuses de la sphère publique?»
Charlotte Kuffer, ancienne présidente de l’Eglise protestante de Genève, réagit à l’interview du porte-parole de la Coordination laïque genevoise sur le rapport du groupe de travail laïcité actuellement mis en consultation.
Photo: CC(by-nc-nd) United Nations Photo/Jean-Marc Ferré
Le préalable à la position de Monsieur Scheller sur le rapport du groupe de travail sur la laïcité est une contestation de la nouvelle Constitution genevoise, en particulier de son article 3 (laïcité). De fait, celle-ci ayant trouvé une large majorité démocratique, ce débat n’a plus lieu d’être.
Il s’agit maintenant de mettre en œuvre cette Constitution. En raison du caractère laïque de l’Etat, il est nécessaire de traiter des rapports entre celui-ci et les associations à but religieux que sont les Eglises et de très nombreuses communautés. Ce sont en effet leurs buts statutaires qui en font des associations particulières par définition au regard de la nature laïque de notre République.
Un but cultuel, mais pas seulement!Les buts de ces associations ne se limitent souvent pas à un aspect cultuel. En effet, pour les croyants, leur conviction est naturellement un moteur, un appel à la solidarité et à l’altruisme. Ainsi, les buts de ces associations sont mixtes, de nature cultuelle d’une part et d’entraide au-delà de leurs membres d’autre part. Les associations religieuses ont développé, avec le temps des compétences professionnelles qui s’expriment notamment dans l’accompagnement au sein d’aumôneries (auprès de malades, de détenus, de requérants d’asile). Les dialogues qui naissent à propos de la prise en charge du début, de la fin de la vie, de la détention, de la justice sociale, portent un volet où les croyances, objectivées, ont une place reconnue par les milieux scientifiques.
A la section 11 «cohésion sociale» de la Constitution genevoise, le rapport avec les associations dans leur ensemble est régi par l’article 211 (associations et bénévolat), l’Etat reconnaît et soutient leur rôle dans la vie collective; il peut nouer des partenariats pour des activités d’intérêt général. Les lois d’applications vont donc devoir spécifier les relations avec les associations à but religieux, la reconnaissance qui est accordée à leur rôle dans la vie collective et les partenariats pour des activités d’intérêt général, en dehors des activités cultuelles.
Discriminer les associations religieuses?Ces précisions seront nécessaires pour garantir la neutralité de l’Etat tout en ne discriminant pas ces associations-là comme semble le proposer la Coordination laïque genevoise. Pour se faire entendre, son porte-parole se livre à une disqualification de ceux qui préparent le travail. Cela me parait peu probant, il eut mieux valu exposer des arguments!
Les associations religieuses, dont les membres forment des communautés nourries par des spiritualités diverses, assurent aux côtés d’associations laïques des engagements qui peuvent être reconnus utiles au vivre ensemble, faut-il les excommunier de la sphère publique pour cela? Le débat aura bientôt lieu au Grand Conseil, nous le verrons alors.