Selon une historienne, la séparation de l’Eglise et de l’Etat en Europe a fait couler le sang

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Selon une historienne, la séparation de l’Eglise et de l’Etat en Europe a fait couler le sang

Karsten Packeiser
4 novembre 2014
La séparation de l’Eglise et de l’Etat en Europe au XIXe siècle et au début du XXe s’est manifestement déroulée moins pacifiquement qu’on ne le pensait généralement jusqu’ici. Dans bien des cas, tant les catholiques convaincus que les forces anticléricales ont eu recours à la violence, selon l’historienne de Mayence Eveline Bouwers. Lors d’affrontements sur la question des privilèges de l’Église catholique, il y eut même des morts dans des pays comme la Belgique.

Image: Caricature française parue en mars 1905, DR

, EPD - Protestinter

Dans le cadre d’un projet de recherche, l’historienne Eveline Bouwers a étudié dans le détail le déroulement des luttes de religion dans les Etats catholiques d’Europe, en particulier dans les régions de la Bavière, de la Flandre et de la Bretagne. Elle a observé qu’il y avait eu des conflits de pouvoir entre l’Eglise catholique et l’Etat non seulement lors du Kulturkampf dans l’Empire allemand marqué par le protestantisme, mais aussi dans des Etats catholiques.

Elle a mentionné par exemple la tentative de l’Etat de contrôler les activités de bienfaisance de l’Eglise en Belgique. Lors de heurts entre chrétiens fidèles à Rome et groupes anticléricaux à Bruxelles, des milliers de catholiques furent roués de coups. Plusieurs conflits éclatèrent aussi lors de l’introduction du contrôle de l’école par l’Etat, ou des dispositions sur le mariage civil.

En France, a expliqué l’historienne, l’Etat fit intervenir l’armée pour imposer la séparation de l’Eglise et de l’Etat décidée en 1905. Les affrontements graves se multiplièrent –par exemple, des croyants attaquèrent les fonctionnaires des finances qui tentaient de se frayer un passage jusqu’aux institutions ecclésiastiques, et dans certains cas on eut recours à l’armée pour faire sauter les portes des églises. «Beaucoup de simples croyants se retrouvèrent devant les tribunaux», a noté Eveline Bouwers au terme de recherches approfondies dans les dossiers historiques. «Les soldats qui refusaient d’obéir aux ordres étaient traînés devant les tribunaux militaires.»

Inversement, des personnes dont les positions étaient jugées trop libérales étaient parfois exclues des paroisses. Les familles nécessiteuses ne recevaient aucune aide de l’Eglise si elles envoyaient leurs enfants à l’école publique. Selon Eveline Bouwers, l’escalade de la situation fut moins forte en Bavière que dans les autres régions examinées. On peut expliquer cela par le fait que toutes les activités publiques y étaient soumises à un contrôle policier beaucoup plus sévère.

L’historienne estime toutefois que les conflits de religion de cette époque n’atteignirent jamais les dimensions dramatiques des persécutions dont furent victimes les huguenots français au XVIe siècle: «L’Eglise s’opposait à des lois spécifiques, mais ne s’engageait pas pour une autre forme d’Etat». De même, les conflits religieux dans l’Europe du XIXe siècle ne sont pas comparables aux événements qu’on observe actuellement dans le monde islamique. Il faut noter en outre que les positions au sein du clergé catholique n’étaient pas toujours uniformes.