La maladie psychique, grande absente en chaire

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La maladie psychique, grande absente en chaire

Adelle M. Banks
30 septembre 2014
Les prédicateurs protestants parlent rarement de troubles mentaux dans leurs prêches et seulement un quart des congrégations ont mis en place des outils pour venir en aide au fidèle souffrant de troubles psychiques et à leur entourage, selon une recherche d’un groupe d’étude lié à Eglise baptiste.

, RNS/Protestinter

Un Américain sur quatre a été touché par une maladie psychique, pourtant cette question n’est que peu abordée dans les Eglises, selon une recherche de LifeWay research. «Cela démontre le besoin d’une meilleure communication», estime Ed Stetzer, directeur exécutif de l’institut de sondage, ministère de LifeWay Christian Resources, agence de la convention baptiste du Sud des Etats-Unis.

Concernant la maladie mentale, les chercheurs constatent que:

  • 66% des prédicateurs ne la mentionnent que rarement. Une fois par an ou jamais.
  • 26% en parlent plusieurs fois par an
  • 4% en parlent environ une fois par mois
  • 3% en parlent plusieurs fois par mois

«Quand on compare ce que nous savons statistiquement de la prévalence de ces maladies, et le manque de prêches sur cette question, je pense qu’il y a une déconnexion», a jugé Ed Stetzer.

Le sondage a été mené parmi les Eglises protestantes traditionnelles et évangéliques et a été financé par l’organisation du Colorado Focus on the Family ainsi que par un donneur anonyme dont un parent souffre de schizophrénie. Il est complété par des questionnaires soumis à des pasteurs et des fidèles touchés par des troubles psychiques –dépression, troubles bipolaires ou schizophrénie– ainsi qu’à des parents de malades.

Un terrible fléau

Kay Warren, auteure de cette étude, en salue les résultats. Elle témoigne du «terrible fléau», qui l’a touchée, elle et son mari Rick Warren, pasteur d’une mega-church. Leur fils de 27 ans, Matthew a souffert d’une maladie mentale et s’est tué l’an dernier. Elle encourage les dirigeants des Eglises non seulement à prêcher sur ce thème, mais aussi de permettre à ceux qui sont confrontés aux troubles mentaux de témoigner dans les congrégations. «J’appelle tout pasteur ou responsable d’Eglise à délivrer un message sur ce thème et à mettre en avant ceux qui vivent avec des troubles psychiques afin qu’ils puissent se vivre comme humains dans ce processus», déclare Kay Warren, interrogée par téléphone.

En contraste avec les résultats de l’enquête consacrée à l’attention que les pasteurs accordent à ce thème, près de 7 personnes touchées par la maladie sur 10 ont déclaré que l’Eglise devrait aider les familles à trouver des groupes et services locaux de soutien. Alors que 68% des pasteurs ont déclaré que leur Eglise dispose d’une liste des ressources locales en santé mentale, à peine 28% des familles ont dit connaître ces offres. Jared Pinton, directeur des services de conseils à Focus on the Family, déclare que les pasteurs sont tournés vers l’aide, mais que dans leur formation au séminaire ou à l’institut biblique ils n’avaient souvent reçu aucun entrainement pour répondre aux besoin en santé mentale de leurs paroissiens. L’étude montre que moins de la moitié des pasteurs, 41%, on suivit des séminaires sur la prise en charge de la maladie mentale.

Daniel Aleshire, directeur général de l’association des écoles théologiques, estime que 35 des 270 écoles membres de son association proposent des diplômes de niveau master en relation d’aide ou en thérapie familiale ou de couple. Une étude récente de l’Université Baylor a montré que sur les 70 séminaires offrant un Master of Divinity, la majorité offre des cours de conseils, mais que peu d’étudiants choisissaient cette option.

Un quart des pasteurs touchés

Malgré la réticence à aborder la question, près d’un quart des pasteurs interrogés, 23%, reconnaissent avoir été personnellement confrontés à la maladie mentale, selon le sondage de LifeWay. «Je pense que cela aide à comprendre pourquoi certains pasteurs ont un sentiment d’empathie, pas seulement de sympathie», commente Ed Stetzer. «Cela m’a surpris, dans le sens que les gens ont été très francs à ce sujet.»

LifeWay relève également qu’un peu plus d’un quart, 27%, des Eglises ont déclaré avoir un programme pour venir en aide aux familles touchées par la maladie mentale. Focus on the Family a élaboré du matériel pour les pasteurs sur la base de cette recherche, dont «des outils pratiques et des astuces pour trouver un coreligionnaire de confiance à qui demander de l’aide», promet Pingleton, ministre et psychologue clinique, lors de la conférence téléphonique avec Kay Warren. «Partager des visions du monde est vital dans une relation d’aide. Un pasteur doit savoir que s’il recommande à quelqu’un l’un des membres de son troupeau, l’un de ses moutons, ce quelqu’un ne va pas le tondre.» Un avis que ne partage pas Kay Warren. «Si j’ai des ennuis avec mon cœur, je ne m’inquiète pas de savoir si le chirurgien cardiaque est croyant ou non, compare-t-elle. Je veux le meilleur.» Le sondage de LifeWay n’a pas abordé spécifiquement la question de la foi des professionnels en santé mentale.

Les résultats du sondage sont basés sur une enquête du 31 mai. 1000 pasteurs protestants ont été sondés. La marge d’erreur est de 3,1%. Les panels, plus petits, de malades et de familles touchées ont été tirés sur la base de panels nationaux présélectionnés.