Un guide pour connaître la quantité de sang qui entache son téléphone portable

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Un guide pour connaître la quantité de sang qui entache son téléphone portable

Joël Burri
10 septembre 2014
Lors d'un prochain achat de smartphone, mieux vaut choisir un Nokia qu'un HTC. D'un point de vue éthique du moins. Une enquête des oeuvres d'entraide Pain pour le prochain et Action de Carême, montre, en effet d'énormes disparités entre les marques en ce qui concerne le respect des travailleurs et de l'environnement.

Photo: Une ouvrière dans une fabrique d’ordinateurs ©Pain pour le prochain

Un téléphone portable est composé notamment de 45% de plastique, de 20% de cuivre et de 20% de divers métaux utilisés en électronique (or, tantale, coltan, cobalt, aluminium, cassitérite, etc.). «Et combien de sang se trouve dans nos portables?» se sont demandée les œuvres d’entraide protestante et catholique Pain pour le prochain et Action de Carême. Pour y répondre, elles ont mené l’enquête avec leurs partenaires sur les dix marques de téléphones mobiles et d’ordinateur portables les plus vendues en Suisse. Et les ont notées selon trois critères: respect de l’environnement, respect des droits des travailleurs et recours à des minerais d’origine douteuse, finançant ainsi des bandes armées qui se livrent un conflit meurtrier en République démocratique du Congo (RDC).

Il n’y a pas encore de téléphone portable propre

Y a-t-il des téléphones portables, des tablettes ou ordinateurs qui ne soient pas entachés de sang? «Non, pas encore», répond Daniela Renaud, responsable de la campagne «High Tech – No Rights» de Pain pour le prochain et Action de Carême. Mais, elle note que les améliorations sont toujours plus nombreuses et que les consommateurs, particuliers et collectivités, peuvent jouer un rôle crucial, en intégrant le paramètre éthique dans leur choix. Aujourd’hui, les marques HP et Nokia sont «sur le bon chemin», Apple et Dell obtiennent la note moyenne. Acer, Lenovo, Samsung et Sony obtiennent la note «insuffisant». Enfin chez Asus et HTC les conditions de production sont tout simplement «inacceptables»!

Des richesses qui causent le malheur du peuple congolais

«Les géologues belges avaient déclaré que le Congo est un scandale géologique en raison de l’abondance et de la variété des minerais dont son sous-sol regorge», rappelait mardi 9 septembre à Berne, Fridolin Ambongo, évêque de Bokungu-Ikela (RDC) et président de la commission épiscopale sur les ressources naturelles. Il était invité par Pain pour le prochain et Action de Carême à l’occasion du lancement de cette campagne. «Mais les évêques de la Conférence épiscopale du Congo ont été amenés à formuler ce malheureux constat: “au lieu de contribuer au développement de notre pays et profiter à notre peuple, les minerais, le pétrole et la forêt sont devenus les causes de notre malheur”». L’extraction des minerais, en particulier, a des retombées catastrophiques sur les populations locales, elles ont un lourd impact gouvernemental et de plus, par le truchement de mineurs artisanaux sous contrôle de groupes armés, ces richesses financent des conflits. Enfin même l’extraction officielle ne profite pas à la collectivité: «les entreprises minières trouvent chaque année des astuces pour présenter des comptes déficitaires et ainsi ne payent quasiment pas de droits sur l’exploitation des ressources.»

Des travailleurs exploités en Chine.

En Chine, où sont fabriqués les appareils électroniques, ce sont les conditions de travail des ouvriers d’usines qui sont pointées du doigt. «Le salaire de base d’un ouvrier d’une usine du secteur électronique correspond au minimum dans la région et ne permet pas de vivre décemment dans une ville. A titre d’exemple, le salaire minimum à Huizhou (où sont implantées plusieurs usines travaillant pour Samsung) est de 1130 yuans (168 fr) par mois tanids que les dépenses mensuelles moyennes d’un ouvrier s’élèvent à au moins 3000 yuans (450fr). Les travailleurs sont tributaires des heures supplémentaires puisque les usines ne leur accordent pas des salaires permettant de subvenir à leurs besoins.», a expliqué Kwan Liang, responsable de projet pour Sacom, association des étudiants et universitaires contre la mauvaise conduite des entreprises.

Sacom a mené l’enquête dans cinq usines chinoises en questionnant des ouvriers et en faisant engager des membres de l’association comme temporaires. Sacom a ainsi mis en évidence qu’aucune usine ne respecte le Code du travail chinois qui limite à 36h le nombre d’heures supplémentaires mensuelles autorisées. «Les heures supplémentaires à Pegatron Suzhou, sous traitant d’Asus, par exemple, peuvent aller de 170 à 200 heures en haute saison. Les employés travaillent de 8h à 22h chaque jour.» D’autre part, dans une usine où les heures supplémentaires sont moins nombreuses, Sacom a découvert qu’en cas de commande importante, l’entreprise, en mains de Samsung, faisait appel à un sous-traitant où le personnel ne reçoit aucune compensation pour les heures de nuit ou de week-end. Dans d’autres usines, les heures supplémentaires, dont les ouvriers ont absolument besoin, sont accordées au mérite, aucune contestation sur les conditions des travail n’est ainsi possible.

Contrats signés en blanc, lieux de travail modifiés unilatéralement ou amendes pour des personnes ayant quitté leur poste sans autorisation ont été constatés. Enfin, la sécurité des ouvriers pose également problème. L’équipement de protection individuelle est essentiellement composé d’un uniforme sans poussière, de masques jetables et de vêtements antistatiques. Les travailleurs affirment que cet équipement vise plutôt à protéger les produits fabriqués tandis qu’eux-mêmes risquent de perdre l’ouïe, de contracter des maladies respiratoires ou d’autre blessures ou maladies professionnelles sur le lieu de travail», explique Kwan Liang. Chez LCFC, sous-traitant de Lenovo, Sacom a même découvert un solvant nocif que les supérieurs présentaient aux ouvriers comme étant de l’alcool. Des économies faites sur le dos des travailleurs qui paraissent d’autant plus inacceptables que le coût des salaires représente environ 1% du prix final d’un smartphone.

Silence des fabricants

Protestinfo a contacté les six marques ayant obtenu les notes «insufisant» ou «inacceptable». Seule une porte-parole de Samsung nous a répondu. «Assurer la santé et la sécurité de ses forces de travail et faire du commerce d’une façon respectueuse de l’environnement et dans des conditions durables font partie des principales priorités de Samsung. Ces dernières années, nous avons mis en place plusieurs mesures nous aidant à croître de manière respectueuse du développement durable. Et nous nous engageons pleinement pour apporter encore de nouvelles améliorations dans ces domaines, nous accroissons sans cesse nos standards pour proposer des produits, solutions et technologies toujours plus écologiques.»

Sur le web

Le classement des marques se trouve sur www.hightech-rating.ch
Davantage d'informations sur le site de Pain pour le prochain