Boko Haram enlève encore des filles, accroissant l’indignation internationale.

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Boko Haram enlève encore des filles, accroissant l’indignation internationale.

Illia Djadi
9 mai 2014
Le nombre de filles nigérianes enlevées par Boko Haram continue d’augmenter, tout comme l’indignation mondiale. Une pratique régulière selon un évangéliste local.

Image: L’enlèvement des écolières a provoqué une vive réaction sur les réseaux sociaux autour du hashtag #bringbacourgirls. Ici, Michelle Obama affiche son soutien. DR

, World Watch Monitor

Entre huit et onze adolescentes supplémentaires ont été enlevées le 4 mai par le groupe islamiste responsable de l’enlèvement de plus de 230 écolières le 14 avril à Chibok, dans l’extrême nord-est du Nigéria. La plupart d’entre elles seraient des chrétiennes.

Lundi 5 mai, Boko Haram, qui mène depuis 5 ans une insurrection violente pour imposer la loi islamique au Nigéria, a revendiqué l’enlèvement de jeunes lycéennes à Chibok.

«J’ai enlevé les filles. Je vais les vendre sur le marché au nom d’Allah», dit un homme prétendant être Abubakar Shekau, le chef de Boko Haram dans une vidéo de 57 minutes, obtenue par l’Agence France presse. «Je vais les vendre comme esclaves au nom d’Allah. Il y a un marché où ils vendent des êtres humains», déclare l’homme sur la vidéo.

«J’ai dit que l’éducation occidentale doit cesser. Les filles doivent quitter l’école et se marier», déclare l’homme. «Je proposerais au mariage une fille de 12 ans; ou même une fille de 9 ans.»

La semaine dernière, des parents et des responsables associatifs de Chibok ont exprimé leur crainte que les filles enlevées aient été emmenées à l’étranger, au Cameroun et au Tchad voisins, et que certaines d’entre elles aient été forcées à se convertir à l’islam et à épouser des musulmans.

Une fille achetée 11 euros

Selon la télévision publique britannique BBC, l’«époux» d’une de ces adolescentes aurait été repéré. Le prix de 2000 nairas aurait été cité, soit environ 11,20 euros ou 13,60 francs suisses.

Parmi les 230 jeunes filles enlevées au pensionnat de Chibok, au moins 165 seraient chrétiennes, selon une liste publiée le dimanche 4 mai par un ancien président d’une filiale de l’Association chrétienne du Nigéria. Mais ni les autorités ni les services scolaires n’ont confirmé l’exactitude de cette liste.

Motivations religieuses

Selon l’auteur de la liste, l’évangéliste Matthieu Owojaiye, 90% de la population de Chibok, dans l’état de Borno dans le nord-est du Nigéria, est chrétienne. Ce qui laisse penser que cet enlèvement de masse serait motivé par la religion.

L’enlèvement de masse de Chibok a suscité la colère à travers la nation la plus peuplée d’Afrique. Des centaines de personnes, principalement des femmes, ont défilé à Abuja, la capitale fédérale, ainsi que dans d’autres grandes villes comme Kano et Lagos, appelant le gouvernement à davantage d’efforts pour sauver les filles. Le président Goodluck Jonathan subit à la fois la pression nationale et internationale pour traquer les ravisseurs et libérer les otages. Barack Obama a offert l’aide militaire et judiciaire des Etats-Unis, ce que le Nigéria a accepté.

La disparition des filles a fait les grands titres de la presse internationale et a suscité desvagues sur les réseaux sociaux autour du hashtag #bringbackourgirls, au moment où le Nigéria accueille le Forum mondial sur l’Afrique, un rassemblement de 900 leaders du monde des affaires.

Mardi 6 mai, la mosquée Al-Azhar, l’une des institutions sunnites les plus respectées, a appelé à la libération des jeunes filles. L’action de Boko Haram «n’est liée en aucune façon aux nobles enseignements de l’Islam», précise Al-Azhar dans un communiqué.

Les islamistes l’on fait pendant des années. Et ils ont marié des filles à leurs membres. Ce n’est qu’en raison des événements de Chibok que cela a été amené sur la scène internationale

Mardi, les Nations Unies ont prévenu que la menace de vente comme esclave d’écolières enlevées par les islamistes de Boko Haram pouvait constituer un crime contre l’humanité. «Nous sommes profondément préoccupés par les allégations scandaleuses faites, hier au Nigéria, dans une vidéo, prétendument du chef de la secte Boko Haram. Dans cet enregistrement, il dit effrontément qu’il vendra les écolières enlevées au marché et les mariera» a déclaré Rupert Colville, porte-parole de Navi Pillay, la Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme.

Pourtant ces enlèvements ne sont pas nouveaux, a déclaré le Dr Pogu Chibok, Président du Forum des aînés de Chibok à World Watch Monitor. «Les islamistes l’ont fait pendant des années. Ils mariaient couramment des filles à leurs membres, mais ce n’est qu’en raison des événements de Chibok que cela a été amené sur la scène internationale. Maintenant, c’est connu de tous» a-t-il indiqué.

1500 morts depuis janvier

Les attaques meurtrières de Boko Haram, devenues quasi-quotidiennes depuis janvier ont fait plus de 1500 morts, selon Amnesty Internationale. Cette vague de violence soulève des doutes sur la capacité de l’armée nigériane de faire face à l’insurrection islamiste.

Le 28 avril, quatre personnes ont été tuées et plusieurs autres blessées après que Boko Haram a attaqué le village de Gubla, dans l’état d’Adamawa. Une Eglise ainsi que la résidence du pasteur et plusieurs bâtiments voisins ont été incendiés par les assaillants aux alentours de minuit, selon des sources locales.

Le gouvernement semble avoir perdu le contrôle du pays

Malgré la proclamation de l’état d’urgence dans la région depuis une année, le gouvernement semble avoir perdu le contrôle du pays, en particulier dans le nord du Nigéria, a déclaré un responsable religieux dans un message envoyé à World Watch Monitor.

«Au moment où j’écris cela, nous apprenons que la route principale de Madagali à Gwoza, en direction de Bama, est contrôlée par les insurgés. Depuis, les habitants ne peuvent plus l’emprunter par peur d’être kidnappés», a déclaré la même source, qui a préféré rester anonyme pour des raisons de sécurité.

«Les chrétiens dans cette région souffrent tous les jours et la plupart d’entre eux se cachent et dorment dans la brousse. Les islamistes attaquent les villages l’un après l’autre sans rencontrer la moindre résistance. Je crains qu’en absence de mesures urgentes, ce qui se passe en Centrafrique et dans le Soudan du Sud se produise également au Nigéria», écrit la source.

Résumé

Entre huit et onze adolescentes nigérianes supplémentaires ont été enlevées le 4 mai par Boko Haram. Le groupe islamiste militant avait déjà enlevé plus de 230 écolières dans la ville de Chibok au nord du Nigéria.

Selon des sources locales, dans la nuit du dimanche 4 mai, un groupe d’hommes lourdement armés a pris d’assaut le village de Warabe, près de la ville de Gwoza, dans l’état de Borno. Les assaillants ont ouvert le feu dans le village avant d’enlever huit filles âgées de 12 à 15 ans. A en croire des informations plus récentes, le groupe armé aurait ensuite envahi un autre village à quelque 5km du premier et y aurait enlevé trois filles supplémentaires.

Le 5 mai dans une vidéo, un homme prétendant être Abubakar Shekau, le chef de Boko Haram, revendiquait les enlèvements. «J’ai enlevé les filles, je vais les vendre au marché au nom d’Allah», déclare l’homme de la vidéo.

La disparition des filles a fait couler beaucoup d’encre et a provoqué une tempête sur les médias sociaux, dénonçant Boko Haram et l’incapacité du Nigéria à sauver les otages.

Pourtant la pratique de ce type d’enlèvement n’est pas nouvelle. Le Dr Pogu Chibok, chef du forum des aînés de Chibok, a déclaré au World Watch Monitor: «Les islamistes font cela depuis des années. Ils kidnappent et marient de force des filles avec des membres de leur groupe. Ce qui s’est passé à Chibok a simplement amené ce phénomène sur la scène internationale. Maintenant, c’est un fait connu par tous.»