Un mouvement combat la «Mcdonaldisation» des Eglises

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Un mouvement combat la «Mcdonaldisation» des Eglises

Bob Smietana,
3 avril 2014
Aller à l’église ressemble de plus en plus à manger dans un fast-food. C’est rapide et peut-être savoureux mais ça ne nourrit pas l’âme.

Photo (lv): Une megachurch à Séoul, en Corée du Sud

RNS/Protestinter

«Vous ne pouvez pas franchiser le royaume de Dieu», écrivent les auteurs de Slow church, un nouvel ouvrage publié par InterVarsity Press. Ce livre applique les principes du mouvement Slow food, un mouvement écogastronomique qui vise à sensibiliser les individus à une meilleure alimentation, à la vie de la congrégation.

Les auteurs du livre, C. Christopher Smith et John Pattison, font partie d’un réseau d’écrivains, de pasteurs et de théologiens qui s’inquiètent à propos de ce qu’ils appellent la «McDonaldisation» de l’Eglise. Selon eux, beaucoup de petites églises essaient de développer une croissance spirituelle en reproduisant les techniques des megachurches, ces églises évangéliques qui attirent plus de 2000 fidèles lors des services.

Au lieu de cela, C. Christopher Smith et John Pattison, préconisent la slow church – une approche du ministère qui met l’accent sur le contexte local et la créativité, à l’opposé des programmes tout prêts. «Il y a environ quinze ans, les responsables de mon église à Lincoln, au Nebraska, ont essayé d’importer les programmes de Willow Creek, une megachurch de la région de Chicago», se rappelle John Pattison. «Mais ces programmes ne convenaient pas à une petite ville. Actuellement, je remarque que d’autres églises essaient de faire la même chose.»

Les megachurches favorisent l’individualisme

Aucun des deux auteurs n’est un adepte des megachurches. Ils leur reprochent de favoriser l’individualisme et de rendre les gens anonymes, au lieu d’encourager la communauté. «Les megachurches sont souvent déconnectées du quartier dans lequel elles se trouvent», explique C. Christopher Smith.

«Notre principal souci avec les megachurches est qu’elles attirent des membres dans un large rayon, ce qui en fait des églises de nulle part, n’appartenant pas à un endroit en particulier». Les deux auteurs sont membres de petites églises urbaines qui se sont réinventées, ces dernières années.

C. Christopher Smith, qui dirige un magazine en ligne appelé le Englewood Review of Books, est un membre de l’Eglise chrétienne d’Englewood, à Indianapolis. Dans les années 1970, les services de cette église rassemblaient plus de 1000 fidèles. Actuellement, la congrégation est plus modeste, environ 180 membres. La plupart de ses ministères sont axés sur l’amélioration de la vie du quartier. L’église dirige un centre de soins de jour et a rénové plusieurs maisons locales.

La plupart des habitants d’Englewood vivent dans le voisinage de l’église. Beaucoup d’entre eux se réunissent le dimanche pour discuter de leur foi et de la communauté. «La discussion est un quelque chose qui se perd dans notre culture», constate C. Christopher Smith. «Les gens ne parlent pas entre eux. Et l’Eglise peut souffrir de ce manque de dialogue».

C. Christopher Smith et John Pattison vont présenter leurs idées à propos des slow churches, du 3 au 5 avril prochain, lors d’une conférence à Englewood. Ils aborderont les thèmes abordés dans leur livre, mais ils ont surtout envie de savoir ce que font les autres églises.

Un mouvement compromis

Scott Thumma, un sociologue des religions au Séminaire de Hartford dans le Connecticut, trouve que «le mouvement des slow churches est une bonne théologie». Mais, selon lui, pour la plupart des églises, il ne marchera pas, pour les mêmes raisons que le mouvement slow food n’a pas fonctionné avec la majorité de la population.

«Nous aimerions tous manger un long repas maison préparé avec des produits du terroir», explique-t-il. «Mais seulement une poignée d’entre nous a le temps et l’argent de le faire. De plus, peu de gens sont attirés par les idées de la slow church. Toutes les pressions de la société moderne vont à l’encontre de ces idées». «La slow church va probablement attirer des groupes de jeunes, instruits et branchés. Mais il y en a pas beaucoup dans les petites églises».

Joshua Stoxen, un pasteur de l’Eglise centrale de Vineyard à Norwood, dans l’Ohio, fait partie des cent inscrits à la conférence des deux auteurs. Joshua Stoxen a rencontré C. Christopher Smith il y a quelques années, lors d’une conférence sur le jardinage urbain – un des centres d’intérêt de l’Eglise centrale de Vineyard. Comme les autres slow churches, celle de Vineyard s’inspire en partie d’un verset de l’évangile de Jean. «La Parole a été faite chair; elle a habité parmi nous» (Jean 1, 14).

La slow church n’est pas le seul groupe qui s’intéresse aux problèmes de la foi industrialisée. Il y a aussi le Parish Collective à Seattle, le mouvement New monastic et le projet Ekklesia dont la question des slow churches était le thème de son rassemblement national de 2012. Phil Kenneson, un professeur de théologie et philosophie au Collège Milligan, près de Johnson City, dans le Tennessee, a pris la parole, lors du rassemblement national d’Ekklesia.

Il participera également à la conférence d’Englewood. Selon lui, le rythme de la culture américaine n’est pas très propice à la croissance spirituelle qui requiert patience et stabilité – c’est-à-dire rester à un endroit suffisamment longtemps pour y développer des liens forts avec le lieu et les différents groupes sociaux.

«Il faut s’engager pour un endroit et ses habitants – et laisser Dieu vous y intégrer totalement». Phil Kenneson trouve que les idées de la slow church peuvent rendre les gens attentifs à la nécessité d’un développement spirituel. Mais, il trouve aussi que le terme «slow church» est souvent utilisé sur un ton ironique. «C’est n’est pas une grande nouveauté. Nous faisons face à la perte de la spiritualité depuis longtemps et nous essayons de la ralentir en y portant attention». (lv)

Cet article a été publié dans :

Le quotidien Le Courrier dans son édition du 5 avril 2014.