Des manifestants traitent le Dalaï lama de «dictateur»

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Des manifestants traitent le Dalaï lama de «dictateur»

Lauren Markoe
17 mars 2014
Manifester contre le Dalaï lama? Pour beaucoup de gens, ce serait aussi incongru que de cracher sur le père Noël. Pourtant, lors de sa tournée aux États-Unis, le chef spirituel du bouddhisme tibétain et lauréat du prix Nobel de la paix a dû faire face à des protestations presque à chaque endroit où il s'est exprimé en public.

, Washington (RNS/Protestinfo)

Plusieurs centaines de personnes se sont réunies pour protester devant la cathédrale nationale de Washington lors de la visite du Dalaï lama le 7 mars.

Ces manifestants appartiennent à l’International Shugden Community of Buddhists, qui voue un culte à la divinité Dordjé Shougdèn, que le Dalaï lama réprouve, le jugeant source de divisions. L’avis du Dalaï lama n'a pas seulement pour conséquence de limiter le culte de Dordjé Shougdèn, affirment les adorateurs de la divinité: elle les a aussi exclus de la communauté tibétaine en exil, qui a trouvé refuge en Inde.

«Cette divinité est spéciale, c'est une divinité protectrice», explique Len Foley, porte-parole à Los Angeles de la communauté, qui affirme que Dordjé Shougdèn peut offrir sa protection non seulement tout au long de cette vie, mais aussi de plusieurs autres vies. «C'est horrible de nous priver de cela», a déclaré Len Foley.

L'esprit Dordjé Shougdèn, que le Dalaï lama appelle «dolgyal», c'est-à-dire «roi démon», est né d'une hostilité vis-à-vis du cinquième Dalaï lama et de son gouvernement au XVIIe siècle, selon le site web du dalaï lama. Le culte de cette divinité a montré, par le passé, qu'il contribuait «à un climat de disharmonie sectaire dans plusieurs régions du Tibet, ainsi qu'entre communautés tibétaines.»

Tenzin Gyatso, l'actuel dalaï lama aujourd'hui âgé de 78 ans, est né dans un village pauvre du Tibet. Chef spirituel – les bouddhistes tibétains le considèrent comme la réincarnation du XIIIe dalaï lama –, il est aussi une figure politique: il y a encore trois ans, il était le chef du gouvernement tibétain en exil.

Livre très critique

La communauté Shugden a publié un livre très critique envers le Dalaï lama, intitulé «The False Dalai Lama» (le faux dalaï lama) et sous-titré «le pire dictateur du monde moderne». Aux États-Unis, là où le Dalaï lama était invité à parler, les panneaux et slogans l'accusaient de fouler au pied la liberté religieuse de la communauté.

Les membres de la communauté Shugden affirment qu'ils ne peuvent pas accéder à la fonction publique en Inde et que leurs religieuses et religieux sont expulsés des monastères, tout cela à cause de leurs croyances.

Len Foley et d'autres militants souhaitent que le Dalaï lama «lève l'interdiction» pesant sur les rituels liés à Dordjé Shougdèn. Les partisans du Dalaï lama affirment néanmoins qu'il n'a interdit aucune pratique et que le bouddhisme ne permet pas de telles restrictions.

Selon le site web du dalaï lama, bien que celui-ci ait autrefois lui-même pratiqué des rituels associés à la divinité, il «décourage vivement» ces pratiques depuis 1975.

Le cinquième dalaï lama avait qualifié la divinité d'«esprit malveillant», indique le site web, qui met en garde contre un culte non maîtrisé de l'esprit, culte susceptible de se transformer en une «pratique digne d'une secte».

Aides de Pékin?

Robert Thurman, spécialiste du bouddhisme tibétain à l'Université Columbia, a écrit que la communauté Shugden est soutenue par les ennemis du Dalaï lama à Pékin. La Chine s'oppose aux revendications du Dalaï lama en faveur d'une plus grande autonomie des Tibétains au sein de la Chine.

Len Foley a quant à lui indiqué que les manifestations sont financées par les manifestants eux-mêmes, et non des éléments extérieurs.

(JMP)