Une Eglise démocratique
, professeure honoraire à la Faculté de droit à l’Unil
Selon l’art. 5 al. 2 de son règlement d’organisation, approuvé par le Conseil d’Etat, notre «EERV applique les principes démocratiques». Ces principes démocratiques concernent notamment le fonctionnement du Synode, équivalent d’un parlement cantonal, donc, dans le canton de Vaud, du Grand Conseil.
Avec les Réformés, j’aime cette conception de l’Eglise qui souligne à quel point la démocratie est redevable à la Réforme et combien cette même démocratie devrait être avant tout un régime politique fondé sur la bonne foi, le respect des personnes, la loyauté, la recherche de terrains d’entente et le sens des responsabilités.
On n’en voudra sans doute pas à une ancienne habituée des «parlements politiques», membre depuis 8 ans du Synode de l’EERV, de se livrer à quelques réflexions sur la démocratie en Eglise.
Le Synode débat parfois de valeurs absoluesAlors que les parlements proprement dits ne débattent que de questions politiques ou sociologiques, donc éminemment relatives, même quand elles sous-tendent des valeurs fondamentales, car ces valeurs sont censées celles plus ou moins reconnues par la société toujours marquée par le changement, le Synode, lui, débat parfois de questions théologiques qui devraient correspondre à des valeurs absolues puisqu’elles concernent Dieu et la foi! Un Synode va donc être chargé de prendre «démocratiquement» tantôt des décisions d’ordre organisationnel, c’est-à-dire «politique» au sens large, assurant la gestion de la communauté ecclésiale actuelle ou future, par définition changeante, tantôt, des décisions de nature théologique, donc pérennes.
Il en découle deux conséquences: d’une part, la distinction n’étant pas toujours claire entre les deux sortes de décisions, la tentation existe de considérer que telle ou telle décision, de nature organisationnelle, est néanmoins de portée théologique, si bien qu’elle ne tolère qu’une seule solution, vérité absolue dont on ne peut s’écarter. D’autre part, une vérité absolue ne peut évidemment faire l’objet d’aucune décision; elle ne peut être que constatée car elle échappe à toute volonté humaine. Peut-on alors y appliquer le principe démocratique de la décision majoritaire?
Une procédure spéciale pour les questions théologiquesLa question a déjà été posée par d’autres qui proposent d’ailleurs éventuellement une procédure décisionnelle spéciale pour les questions d’ordre théologique.
Mais deux difficultés apparaissent aussitôt. Selon quelle procédure se mettra-t-on d’accord sur la qualification d’une question? Et si l’on arrive à se mettre d’accord sur cette qualification, quelle procédure particulière faudra-t-il adopter pour la régler, sachant que si c’est une vérité théologique, elle ne peut être que constatée?
Nous n’avons pas de réponse catégorique. On peut souhaiter que le simple bon sens permette parfois de considérer que telle ou telle question est si fondamentale qu’elle ne peut être que de portée théologique. Mais il faut alors se souvenir que la théologie met en une forme accessible à l’être humain – donc relativisée – ce qui concerne l’absolu – qui échappe toujours à l’être humain.
La consultation prend du tempsUne démarche possible serait sans doute de prévoir systématiquement une consultation préalable des lieux d’église et des fidèles quand un sujet semble – au bon sens! – de portée théologique. En effet, ce qui touche à l’absolu ne nécessite pas une solution urgente, puisque l’absolu n’est pas menacé par l’écoulement du temps. Et chose rassurante, la consultation qui prend du temps est précisément démocratique!
Et nous terminerons pas trois questions:
La définition du mariage est-elle de nature théologique?
Et celle de la consécration?
Et celle du pasteur et du diacre?
La démocratie est vraiment un système qui exige beaucoup de réflexion! Rien à voir avec la démagogie!