Le faux problème éthique de certaines initiatives populaires

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Le faux problème éthique de certaines initiatives populaires

Suzette Sandoz
15 janvier 2014
Les auteurs d’initiatives populaires cherchent souvent à faire passer un principe éthique sous un texte financier. Cette manière de procéder est horripilante car elle correspond à une forme de tromperie. C’est le cas de l’initiative du 9 février prochain, sur le financement de l’avortement par l’assurance maladie obligatoire.

, professeure honoraire à la Faculté de droit à l’Unil

Le titre de l’initiative: «Financer l’avortement est une affaire privée – alléger l’assurance maladie en radiant les coûts de l’interruption de grossesse de l’assurance de base». Mais le texte de l’initiative elle-même ne concerne que l’assurance de base. On ne vote pas le titre comme tel, soit le principe du caractère privé ou non du financement de l’avortement, on ne vote que le texte destiné à la constitution.

Si l’initiative passe, la constitution ne dira pas que le financement de l’avortement est une affaire privée, elle dira seulement ce qui n’est pas payé par l’assurance obligatoire. Or, le vrai problème éthique, c’est précisément la nature de l’avortement: est-ce une affaire privée, oui ou non? Savoir s’il faut en faire supporter le coût par l’assurance-maladie obligatoire n’est qu’une décision de politique sociale et financière, à propos de laquelle des options contradictoires sont parfaitement possibles même à partir d’une réponse éthique unique. Puisque l’initiative occulte la vraie question, il est intéressant de réfléchir au principe éthique dont elle porte le nom et qui n’est pas l’objet du vote.

Trois personnes concernées

L’avortement, comme la grossesse, concerne trois personnes: la mère, le père – parfois connu! – et l’enfant en devenir, tant il est vrai, comme le dit très justement la prise de position de la Fédération des Eglises protestantes de Suisse (FEPS) sur ce point, que l’embryon et le foetus sont bien une personne humaine en devenir, protégée par le commandement divin «tu ne tueras pas». Ce commandement, toutes les sociétés civiles le respectent dans la mesure où elles punissent les meurtres et assassinats, mais ces mêmes sociétés composent tant bien que mal avec ce commandement quand il s’agit d’avortement.

Sur ce sujet, notre société – qui est laïque – a voté des règles satisfaisant des besoins sociaux. Mais le fait même que le droit pénal suisse traite de l’avortement, si laxiste que la loi puisse paraître, montre qu’on ne considère pas l’avortement comme une affaire strictement privée. Une vie est en jeu, qui ne peut décider seule de son sort; il faut que quelqu’un décide pour elle. Cette décision ne devrait jamais être le fait exclusif de la mère, mauvais juge de l’intérêt de l’enfant qu’elle porte; la loi pénale suisse dit partiellement le contraire. C’est dommage. Veut-on la changer? On ne peut pas le faire par le biais d’une modification de l’assurance-maladie obligatoire!

La femme dispose-t-elle de son corps?

Si l’initiative soumise au vote concernait vraiment le caractère privé ou non de l’avortement – donc aussi de la grossesse! – on devrait alors discuter l’affirmation de certaines personnes selon laquelle la «femme dispose de son corps». Dire que l’avortement est une affaire privée, c’est défendre l’idée de la libre disposition de son corps.

Or, sitôt qu’une vie tierce est en jeu, il y a une limite à la liberté de disposer de son corps. Cette vie tierce existe dès la conception. Une femme peut-elle donc «prêter» son ventre pour qu’on y implante un enfant qu’elle ne veut pas garder après (mère porteuse)? De même, a-t-on le droit de «fabriquer», avec des ovules et du sperme choisis au hasard ou dans une «banque» de reproduction médicale assistée, un futur enfant à implanter dans quelque ventre que ce soit?

Ce sont là les vrais problèmes éthiques qui se poseront demain aux Chambres fédérales. Envoyons rapidement aux oubliettes l’initiative erronée sur le remboursement de l’avortement pour pouvoir réfléchir aux vrais problèmes éthiques du proche avenir.