"Chaque personne recèle en elle une parcelle de mal"

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"Chaque personne recèle en elle une parcelle de mal"

4 octobre 2013
Würzburg (epd - ProtestInter) Dans son nouveau livre, l'auteur catholique à succès Anselm Grün se penche sur le problème du mal. Le mal fait peur, déstabilise, mais fascine aussi.

Le bénédictin de Münsterschwarzach explique comment affronter le mal en s'appuyant sur la tradition chrétienne, qui fait preuve, selon lui, de beaucoup de sagesse.

epd: Père Anselm, quand avez-vous affronté le mal pour la dernière fois?
A. Grün: Il y a longtemps que je n'ai plus affronté le mal. Il y a bien eu des gens qui ont dit à mon sujet des choses fausses ou méchantes, mais je ne les ai jamais rencontrés.

epd: La notion de mal n'est-elle pas dépassée?
A. Grün: Ne, je ne crois pas. J'ai tendance à penser de manière positive, c'est pourquoi le mal n'est pas mon sujet de prédilection, mais au gré de mes conversations, je constate combien ce thème préoccupe les gens. Ils veulent savoir d'où vient le mal, comment on peut s'en protéger et comment se comporter face à lui.

epd: dans votre livre, le mal a de nombreux visages. A quoi le reconnaît-on?
A. Grün: Le mal est toujours ce qui nie, et notamment ce qui nie la dignité de l'être humain. Souvent, il est lié au pouvoir ‒ au pouvoir de dominer, d'humilier, de tourmenter. Souvent aussi, le mal a quelque chose de pathologique, mais il est trop facile de ne voir en lui qu'une maladie. Bien des gens sont fascinés par le mal et se tournent vers lui.

epd: D'où vient cette fascination?
A. Grün: Il existe des gens qui croient trop peu au bien qui est en eux, qui ont trop peu d'espoir en eux-mêmes et qui, par conséquent, se vouent au mal. Je suis convaincu qu'en chacun de nous se trouve une parcelle de mal: Jésus lui-même a été induit en tentation, mais en fin de compte, son union parfaite avec Dieu l'a emporté sur la fascination du mal. Chacun et chacune de nous connaît cette situation ‒ c'est un combat incessant avec nous-mêmes.



epd: Comment pouvons-nous vaincre le mal en nous ou chez ceux que nous rencontrons?
A. Grün: Face à un adversaire mauvais, nous devons commencer par prendre nos distances pour nous protéger. Ensuite, nous devons être conscients que l'autre n'est pas absolument mauvais, mais que seule une partie de son être l'est. Il faut avoir la foi pour voir le "bon fond" qui est dans l'autre et pour vouloir le découvrir. Lorsqu'on encourage ce bon fond, l'autre n'a plus besoin de se tourner vers le mal…

epd: Donc il faut répondre au mal par l'amour? N'est-ce pas un peu utopique?
A. Grün: Bien sûr, il faut que le mal affronte une force qui lui résiste, mais répondre au mal par le mal ne débouche sur rien d'autre qu'un cercle vicieux. L'amour ne consiste pas simplement à excuser tout ce que les autres font. L'amour des ennemis tel que Jésus l'exige signifie qu'on considère l'autre avec un regard différent: est-il vraiment seulement mauvais? pourquoi doit-il être ainsi? L'amour, c'est une manière différente de voir les autres, pour discerner le bien qui est en eux.

epd: Quel est la voie royale qui conduit à la réconciliation?
A. Grün: Pour commencer, nous devons prendre conscience du mal qui est en nous, nous exercer à l'humilité et ne pas donner le pouvoir au mal. Par ailleurs, il faut aussi savoir affronter le mal, par exemple au travail ou au sein de la famille. Lorsqu'une personne détruit tout, fait régner une atmosphère nuisible, je dois lui montrer ses limites, mais aussi chercher le bien qui est en elle pour l'éveiller. Je dois espérer et croire que le bien qui est en elle l'emportera. (NL-88)