Le tableau que le barbu Paczkowski veut immortaliser sur le mur de la maison avec l’aide de volontaires est un hommage à Marek Edelman, l’un des commandants de l’insurrection des juifs du ghetto de Varsovie qui commença il y a 70 ans, le 19 avril 1943. À l’époque, une partie des juifs enfermés dans le ghetto se révoltèrent contre la déportation dans le camp d’extermination. Le 16 mai 1943, les SS déclarèrent le soulèvement terminé. Peu de personnes survécurent aux combats avec les troupes allemandes, aux bombes incendiaires et aux déportations.

Marek Edelman, alors âgé de moins de 25 ans, en faisait partie. Finalement, il fut le dernier survivant des commandants de l’insurrection. Chaque année jusqu’à sa mort en 2009, il se rendait à titre privé au monument commémoratif du ghetto pour y déposer des fleurs jaunes en souvenir des personnes assassinées. Dans les dernières années de sa vie, toujours plus de gens l’accompagnaient spontanément. Aujourd’hui, peu avant les célébrations de l’anniversaire du soulèvement, il est à nouveau présent dans la vie publique polonaise, grâce à la diffusion d’émissions retrouvées dans les archives radiophoniques et à la publication de discours et d’entretiens.

Paula Sawicka veille sur la succession de ce courageux témoin de son temps. Cette psychologue diplômée et son mari Miroslaw ont assisté Edelman dans les deux dernières années de sa vie. C’est elle aussi qui a donné à Paczkowski une vieille photo d’Edelman. Le style BD de l’artiste street art ne la dérange pas car, dit-elle, «on peut voir Edelman comme un héros moderne.»

«Le passé est notre maître» était la devise d’Edelmann, qui s’est engagé sa vie durant en faveur des faibles. Après la guerre, il devint cardiologue, développa de nouvelles méthodes de traitement de l’infarctus, accompagna aussi personnellement des mourants. Par la suite, il s’engagea en faveur des droits des travailleurs dans le syndicat Solidarnosc; dans les années 1990, il se rendit à Sarajevo pour se tenir aux côtés des musulmans bosniaques opprimés.

Toute sa vie, l’ancien commandant de l’insurrection se dressa aussi contre l’attribution aux juifs d’un rôle de victimes passives dans la Deuxième guerre mondiale. Il rejetait catégoriquement le «culte des larmes» de ceux qui n’étaient pas directement touchés par les assassinats en masse commis contre les juifs.

Il voyait la religion comme «source du fondamentalisme», dit Paula Sawicka. Les relations avec Edelman n’étaient pas simples, comme beaucoup en ont fait l’expérience. «Tu es bien trop gras pour savoir ce que signifie la faim», dit-il un jour à un interlocuteur corpulent. En tant que témoin de son temps, Marek Edelman, à la fin de sa vie, ne voulait pas parler seulement des combats et de la mort dans le ghetto.

De ses récits étaient déjà nés quelques livres, dont l’un devint un livre de textes de l’enseignement obligatoire en Pologne. «Pourquoi le thème de l’amour n’intéresse-t-il personne?», demandait-il. Dans le ghetto, le plus important était d’être proche d’un autre être humain.

Le livre récemment paru en Allemagne sous le titre «Die Liebe im Ghetto» contient ses derniers récits. Outre l’amour entre l’homme et la femme, il parle aussi de loyauté et d’amitié. «C’est ainsi que les femmes et les hommes pouvaient rester des êtres humains», explique Paula Sawicka, qui mettait par écrit ses réflexions.

Dariusz Paczkowski, en revanche, veut aussi atteindre par son œuvre ceux qui ne s’intéressent pas aux livres. L’œuvre de street art sur un mur de maison dans l’ancien quartier du ghetto, dévoilée le 18 avril, s’adresse aux jeunes familiers d’Internet: ils passeront, ils verront l’image, et ensuite ils iront chercher sur Google qui est «Marek Edelman», espère l’artiste. (FNA-25)