Après la religion, de quoi peuvent se priver les athées pendant le carême?

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Après la religion, de quoi peuvent se priver les athées pendant le carême?

21 mars 2013
New York (RNS - ProtestInter) – À quoi pourrait ressembler un «carême athée»? Plusieurs non-croyants cherchent à le savoir en suivant la pratique chrétienne, dépouillée néanmoins de son aspect religieux.

Ils renoncent à l'alcool, aux produits animaux ou à diverses communications par Internet ou téléphone portable. L'un deux s'est promis de dire aux personnes qu'il rencontre à quel point elles sont importantes à ses yeux, et ce chaque jour pendant la durée du carême.

Cependant, en observant cette période de quarante jours pendant laquelle bon nombre de chrétiens renoncent à des désirs matériels pour tenter de se rapprocher de Dieu, ces athées suscitent l'agacement de certains non-croyants, qui estiment qu'emprunter une tradition religieuse est contraire à l'idée même de l'athéisme.

La pratique révèle par ailleurs un clivage au sein de la communauté des athées. Les plus âgés considèrent que la religion est intrinsèquement mauvaise tandis que les jeunes athées sont plus ouverts à des interactions avec la croyance religieuse.

«J'aime beaucoup le concept du carême», explique Chelsea Link, une humaniste de 23 ans qui vit à Boston et qui a décidé de se priver d'alcool. «Il permet de se donner un temps défini pour rompre avec une mauvaise habitude ou en instaurer une bonne, et il me semble que c'est une pratique très saine. Mais ce n'est pas Dieu qui dicte notre action; nous faisons cela parce que nous y trouvons un intérêt.»

Inspiré par l'humaniste suisse Alain de Botton

L'idée d'un carême athée a été suggérée par un blogueur athée de 23 ans, Vlad Chituc, inspiré par l'humaniste d'origine suisse Alain de Botton, qui, dans un récent ouvrage intitulé «Petit guide des religions à l'usage des mécréants», affirme qu'une adaptation des rituels religieux peut contribuer à souder les non-croyants.

«Depuis des milliers d'années, les religions s'efforcent de rendre les êtres humains meilleurs», indique Vlad Chituc. «Donc j'en ai déduit qu'elles ont certainement compris des choses dont nous autres non-croyants pouvons nous inspirer pour mener une vie honorable.»

Vlad Chituc a observé son premier carême l'an dernier en adoptant un régime végétalien. L'expérience n'a pas été couronnée de succès mais la prise de conscience qu'elle a nécessitée a été pour lui une inspiration.

«Les athées adorent parler de valeurs intellectuelles abstraites comme la logique et la raison», dit-il. «Mais je me suis rendu compte qu'il y avait d'autres choses auxquelles je devais penser et je commence à en prendre conscience.»

Cette année, Vlad Chituc, directeur de laboratoire à Durham (Caroline du Nord, États-Unis), a invité d'autres blogueurs athées à observer le carême avec lui. Ils sont six à avoir accepté et leur expérience est retranscrite sur le blog NonProphet Status.com. Tous sauf un ont moins de 25 ans.
Leurs billets ont mis en rogne certains athées, comme Tom Flynn, directeur exécutif du Council for Secular Humanism. Dans une chronique en ligne, il fustige l'idée et affirme que le carême est «une des caractéristiques du christianisme les plus antihumanistes.»

Danger d'une rédemption par l'abstinence plutôt que par la réparation

Dans une interview par téléphone, Tom Flynn a épinglé le carême, le qualifiant de dangereux parce qu'il suggère qu'on peut obtenir la rédemption en renonçant à quelque chose – comme la viande le vendredi – au lieu de réparer les torts causés aux gens. Il a ajouté que comme les athées ne sont pas liés à un calendrier liturgique, ils peuvent pratiquer l'abstinence quand ils le souhaitent.

«Plus généralement, nous devons faire attention quand nous empruntons des traditions et des façons de faire aux Églises», a indiqué Tom Flynn. «Il y a dans les pratiques religieuses énormément d'éléments qui nous ramènent à une époque antérieure à la démocratie et aux Lumières et qui peuvent porter préjudice aux idéaux séculiers.» Cet argument n'émeut guère Vlad Chituc. Au contraire, il espère ne pas offenser les croyants qui observent le carême.

«Ils pourraient penser qu'on simplifie à l'extrême en disant que le carême signifie renoncer à quelque chose», précise-t-il. «Cela représente évidemment bien plus pour eux et c'est pourquoi ce que j'essaye de dire, c'est que nous ne cherchons pas à nous emparer de la signification de leur tradition mais que nous nous efforçons de tirer le meilleur parti de notre vie et que nous voyons en ce qu'ils font quelque chose qui est positif et utile.»

Virginia Kimball est une théologienne catholique à l'Assumption College de Worcester (Massachusetts, États-Unis) qui conseille les gens au sujet des pratiques de carême. Pour elle, il n'y a rien de mal à ce que les athées emprunte le carême. Le désir de trouver un sens dans un rituel est un désir universel de l'être humain, affirme-t-elle.

«Je félicite ces jeunes gens, humanistes et athées, parce qu'ils prennent conscience que la vie humaine ne se borne pas à des fonctions animales», déclare-t-elle. «Cela est digne des grands philosophes.»

Chris Stedman, auteur de «Faitheist», qui retrace le cheminement qui l'a mené du christianisme évangélique à l'athéisme, a répondu à l'appel de Vlad Chituc et observe le carême. Il pense que les jeunes athées acceptent mieux la religion et les croyants que leurs aînés, car ils ont grandi dans un environnement plus hétéroclite que les générations précédentes.

«Ainsi, je ne suis pas surpris de voir que des gens de moins de 30 ans qui se considèrent comme athées s'intéressent quand même aux croyances et pratiques religieuses des personnes qu'ils côtoient», dit Chris Stedman. «Je pense que c'est la tendance qu’on observe et nous allons voir de plus en plus d'échanges entre croyants et athées. Selon moi, les emprunts aux traditions religieuses vont se multiplier.»

Chelsea Link, l'humaniste de Boston qui renonce à l'alcool, partage cet avis. Elle affirme vouloir prendre ses distances avec l'athéisme organisé parce qu'il manifeste selon elle une hostilité trop grande à l'égard de la religion.

«Je pense nous sommes vraiment dans une phase de transition», dit-elle. «Beaucoup de jeunes athées tiennent le discours suivant: "Moi non plus je ne crois pas en Dieu, mais je ne comprends pas ce qui vous enrage tant."» (JMP - 13)