Le 105ème archevêque de Cantorbéry prend ses fonctions dans un contexte tendu

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Le 105ème archevêque de Cantorbéry prend ses fonctions dans un contexte tendu

Julie Paik
1 février 2013
C’est le lundi 4 février 2013 que Justin Welby, lors d’une cérémonie à la cathédrale St Paul de Londres, deviendra officiellement archevêque de Cantorbéry. Son mandat comme primat de la communion anglicane (alliance mondiale des Eglises anglicanes) et plus haut dignitaire ecclésiastique de l’Eglise d’Angleterre commence dans un climat difficile alors que les tensions sont nombreuses autour de deux dossiers brûlants : la question des femmes évêques et celle du clergé homosexuel.

Même si son installation en grande pompe à la cathédrale de Westminster, le cœur spirituel de la communion anglicane, n’aura lieu que le 21 mars 2013, Justin Welby recevra lundi 4 février des mains de la reine Elizabeth II le mandat officiel qui fera de lui le 105ème archevêque de Cantorbéry.

Son élection est le couronnement d’une rapide ascension dans les rangs de l’Eglise d’Angleterre, puisqu’il accède à sa plus haute fonction seulement un an après son ordination comme évêque du diocèse de Durham. Ce choix semble faire une surprenante unanimité ; ceux qui l’ont côtoyé louent sa clarté d’esprit, ses talents d’organisateur, ses capacités de négociateur et sa foi à toute épreuve (« Justin voit Jésus partout », dit de lui un député à la chambre des Lords) — des qualités dont il aura besoin dans les semaines et les mois à venir.

La question des femmes évêques

En effet, le nouvel archevêque est très attendu autour du dossier des femmes évêques. A la stupéfaction générale, le synode général (parlement) de l’Eglise d’Angleterre avait rejeté d’une courte majorité, le 21 novembre dernier, la proposition visant à autoriser l’ordination de femmes prêtres à l’épiscopat.

Ce vote négatif, venu des délégués laïcs, avait révélé le malaise des franges les plus conservatrices d’une Eglise qui fédère une grande diversité de courants, et suscité l’indignation de la société civile et d’une bonne partie des fidèles. Plusieurs théologiens avaient alors pris la parole pour dénoncer l’instauration d’un « sous-clergé » féminin, privé d’office de la possibilité d’accéder à l’épiscopat. La pression est telle que les instances gouvernantes de l’Eglise souhaitent soumettre la question à un nouveau vote le plus tôt possible; elle devrait être réexaminée par le synode dès le mois de juin prochain.

Justin Welby, qui, comme son prédécesseur Rowan Williams, est ouvertement favorable à l’ordination épiscopale des femmes, aura la lourde tâche de convaincre les courants les plus réticents et de conduire l’élaboration d’un texte de loi aussi consensuel que possible.

Des tensions accrues autour du clergé homosexuel

La tâche s’annonce d’autant plus ardue que les lignes de fracture entre les anglicans conservateurs et les anglicans libéraux se sont encore d’avantage cristallisées autour de la décision de la chambre des évêques (une des trois chambres, avec la chambre du clergé et la chambre des laïcs, qui compose le synode général), prise au début du mois de janvier, d’autoriser l’ordination à l’épiscopat de prêtres homosexuels engagés dans un partenariat civil.

Cette décision attire des critiques de tous bords : les conservateurs, qui estiment qu’homosexualité et ministère pastoral sont incompatibles, s’insurgent contre la possibilité ainsi offerte à des ministres ouvertement homosexuels de devenir évêques.

Les libéraux, eux, ne manquent pas de souligner que le texte précise que le partenariat des conjoints doit être conforme à l’enseignement de l’Eglise d’Angleterre, c’est-à-dire sexuellement abstinent, et dénoncent l’absurdité de cette précision. Justin Welby devra faire preuve d’autant plus de diplomatie sur ce sujet qu’il avait déjà failli provoquer un schisme au sein de la communion anglicane en 2008.

Avec la modestie qui, semble-t-il, est une de ses principales caractéristiques, Justin Welby a déjà prévenu les fidèles anglicans qu’il ne pourra pas régler tous les problèmes à lui tout seul : « Je sens que les attentes à mon égard sont immenses, et je sais que je vais forcément les décevoir, parce que je ne suis qu’un être humain tout à fait normal ».

Un businessman devenu
homme d’Eglise

Le moins que l’on puisse dire, c’est que le parcours de Justin Welby est atypique. Né en 1956 et diplômé en droit et en histoire de la prestigieuse université d’Eton, il a d’abord poursuivi une brillante carrière de cadre dans un grand groupe pétrolier français. Alors que sa voie semble toute tracée, une tragédie personnelle bouleverse ses plans: en 1983, la plus jeune de ses six enfants, âgée de sept mois, perd la vie lors d’un accident de voiture.

C’est leur foi qui aidera Welby et son épouse à surmonter cette épreuve. Welby prend alors la décision de quitter son poste pour entreprendre des études de théologie. Il est ordonné prêtre anglican en 1992 et gravit les échelons de la hiérarchie jusqu’à son ordination comme évêque en 2011 dans le diocèse de Durham, où il montre d’incontestables talents d’administrateur.

Une fois devenu prêtre, Welby sera envoyé à plusieurs reprises au Nigeria pour des missions de rétablissement de la paix dans des situations tendues, notamment dans le conflit armé qui a opposé en 2005 le groupe pétrolier Shell à l’ethnie Ogoni qui l’accusait d’accaparer ses terres.

Il y sera également arrêté et détenu par un groupuscule d’Al-Qaida alors qu’il négociait le départ du seigneur de guerre libérien Charles Taylor. Tous les témoins s’accordent pour dire qu’il y a fait preuve dans ces circonstances d’un courage et d’un sang-froid remarquables, n’hésitant pas à mettre sa vie en jeu pour négocier des cessations de conflit ou des libérations d’otages.

« Tout ce qui lui importait, c’était d’accomplir l’œuvre de Dieu », raconte l’un de ses accompagnateurs de l’époque. Nul doute que cet engagement impressionnant a joué un rôle dans son choix comme archevêque de Cantorbéry.


Sources:

- la presse britannique
- les sites de la communion anglicane et de l'Eglise d'Angleterre
- les blogs de l'archevêque de York, de l'évêque de Buckingham, la page officielle de l'archevêque de Cantorbéry, la page de la Conférence des évêques, et des blogs de "simples fidèles" de diverses sensibilités.

Cet article a inspiré :

La chronique Juste Ciel du 4 février dans le Journal du matin sur RTS La Première.