Xavier Paillard, chef d'orchestre des réformés romands

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Xavier Paillard, chef d'orchestre des réformés romands

6 septembre 2012
Le pasteur vaudois endosse l'habit de président de la Conférence des Eglises protestantes romandes (CER). Sans surprise, il devra rapidement empoigner le dossier de la formation des futurs pasteurs et diacres.


Par Samuel Ramuz avec Tania Buri

Pasteur de l'Eglise évangélique réformée vaudoise (EERV) depuis vingt-trois ans, Xavier Paillard a été élu lundi 3 septembre à Yverdon (VD) à la présidence de la CER. Cette dernière rassemble les six Eglises réformées romandes, qui lui délèguent des compétences spécifiques. Le Vaudois de 50 ans en devient l'homme fort à la faveur d'une révision de ses statuts (lire ci-dessous).

ProtestInfo: Xavier Paillard, vous présiderez donc ce Conseil exécutif de la CER, à cheval entre le stratégique et l'opérationnel, selon une mécanique fine. Quels sont pour vous les chantiers prioritaires et pourquoi ?

Les réformés de Suisse romande doivent d'abord montrer un visage plus uni pour gagner en visibilité. Cela passe par notre présence dans les médias, bien sûr, mais aussi par un logo commun des Eglises et un éventuel journal commun. Le second chantier, crucial, est celui de la formation. La spécificité des Eglises protestantes, c'est leur capacité à interpréter à la fois le passé, l'héritage, notamment biblique, et le présent, pour faire émerger des valeurs fondamentales, en lien avec l'éducation, une réflexion éthique. Dans cette société sécularisée et plurireligieuse, nous devons donc repenser la formation pour garder cette capacité d'interpellation.

D'accord, mais la formation de qui ?

Nous devons avant tout repenser la formation des ministres: pasteurs et diacres. Il y a là un effort à faire par rapport aux facultés de théologie, la fragilisation de Neuchâtel, la laïcisation de Lausanne et la spécialisation de Genève, pour faire court. Nous devons aussi améliorer l'articulation entre l'Office protestant de la formation (ndlr: qui dépend de la CER et qui prend en charge la formation professionnelle des pasteurs et diacres) et les facultés. Et cela d'une part parce que de plus en plus de jeunes prétendant au ministère ne connaissent pas ou peu la vie d'Eglise. D'autre part, parce qu'il est capital d'articuler formation théologique et professionnelle.

Pensez-vous ainsi résoudre la pénurie de ministres qui guette les Eglises romandes ? Dont la vôtre, avec une accélération des départs à la retraite dans cinq à six ans...

La qualité d'une formation qui donnerait envie et qui serait utile aux Eglises est une brique. Leur capacité à susciter des vocations chez les jeunes en est une autre.

La qualité d'une formation qui donnerait envie et qui serait utile aux Eglises est une brique. Leur capacité à susciter des vocations chez les jeunes en est une autre. Et j'en viens ici à l'autre aspect de la formation, qui concerne le travail dès l'enfance, puis avec la jeunesse et enfin avec les adultes. C'est tout le cursus de formation que les Eglises doivent revoir. Il ne suffit pas d'éditer du matériel de catéchisme ensemble, mais de développer des parcours de formation commune pour, par exemple, que les familles qui passent d'un canton à l'autre s'y retrouvent, malgré les différences entre nos Eglises.

On vous sait très attaché à l'EERV que vous connaissez dans ses moindres rouages institutionnels. Le ministère de terrain ne vous manque-t-il pas ?

Si, mais j'aime m'imaginer en facilitateur pour mettre en place de bonnes conditions cadres pour l'exercice du ministère de mes collègue et la vie de l'Eglise sur le terrain. Je célèbre quand même trois ou quatre mariages par année et quelques cultes dominicaux dans les paroisses. Je fais aussi beaucoup de nuits de garde dans l'assistance spirituelle d'urgence.

Qu'est-ce que les réformés ont à apporter à nos contemporains en quête de sens et de spiritualité ?

L'Eglise réformée a la capacité d'être au côté des gens dans leurs questionnements. Mais elle se doit d'être capable d'un peu plus de témoignage de foi vécue et pas seulement pensée. Elle doit plus parler avec le coeur, aux émotions. Chez les Vaudois, la foi, comme la sexualité ou l'argent, est souvent taboue. Je rêve qu'elle cesse d'être une affaire purement privée.


Une CER revue et corrigée


Après trois ans de présidence assurée par le Fribourgeois Daniel de Roche, un Vaudois revient sur le devant de la scène de la Conférence des Eglises réformées de Suisse romande (CER). Mais les Vaudois avaient posé leurs conditions avant d'accepter un tel poste. L'association qui rassemble, pour l'essentiel, les six Eglises cantonales réformées de Suisse romande a dû être revue et corrigée pour donner plus de poids aux grandes Eglises. L'Eglise évangélique réformée vaudoise (EERV), la plus importante de Suisse romande en termes de membres et qui assure 60% du financement de la CER, ne claque donc pas la porte de la CER.

L'organisation, qui doit faire face à une diminution des moyens de ses membres, a dit oui à une refonte qui satisfait ses principaux bailleurs de fonds. Les délégués des différentes Eglises ont aussi acquiescé à une direction renforcée de la Conférence des Eglises protestantes comme des trois départements. Ils ont encore avalisé la possibilité de créer des plateformes ad hoc de spécialistes selon les besoins de l'organisation.

La représentation des Eglises au sein de la CER n'est toujours pas proportionnelle à la force des Eglises. Mais si les Vaudois ne pourront imposer seuls une direction, aucun projet ne pourra être avalisé sans eux.

Contre mauvaise fortune bon coeur

Qu'en pensent les Eglises minoritaires ? Les Neuchâtelois et les Genevois ont dû faire contre mauvaise fortune bon coeur. La tentative de renvoyer le projet de réforme au groupe de travail a échoué. Les Genevois auraient voulu voir adopter une double direction sur la base de leur propre modèle qui distingue le stratégique de l'opérationnel.

Quant aux Neuchâtelois, ils auraient souhaité une direction plus forte sans glissement de pouvoir vers des plateformes temporaires. Pour les Fribourgeois et les Valaisans, la question se pose en d'autres termes. Ces Eglises sont en période d'expansion et ont tout à gagner d'une CER renforcée. Au final, le nouveau modèle a été voté à l'unanimité.

Quelle sera la première action des Vaudois? Supprimer le département de l'édition? Son sort avait mis le feu aux poudres en juin 2011, les Vaudois étant las de financer des projets qu'ils jugeaient inadéquats. M. Paillard botte en touche. « Nous aurons à l'avenir une organisation plus profilée qui pourra faire émerger une position romande auprès des exécutifs des différentes Eglises. La CER aura deux rôles, celle d'une force de propositions et d'interpellations auprès des Eglises de manière à faire bouger les choses, mais aussi de mise en oeuvre et d'exécution. »

Les trois départements de la CER (formation, médias, édition) sont aussi touchés par la réforme. Les directeurs auront désormais des relations directes avec le conseil exécutif. Fini l'intermédiaire des conseils, organisme actuellement à la charnière entre le bureau de la CER et les directeurs des départements. Reste que les directeurs pourront s'aider de commission d'experts ad hoc, selon les besoins. T. B.

Cet article a inspiré:

Un Juste Ciel le jeudi 6 septembre sur les ondes de RTS La Première.