Dépister la trisomie 21: oui, mais à quelles fins et pour quel avenir ?
En soi, comme le souligne Judit Pók (médecin de l’Université de Zurich et membre de la Commission nationale d’éthique), nous assistons à des développements techniques prévisibles: les enjeux médicaux, éthiques et psychologiques sont connus depuis longtemps. Mais il est important que la société dans son ensemble et les chrétiens en particulier suivent de près ces évolutions.
Car un des risques majeurs de notre culture technicienne et scientifique est que nous nous laissions progressivement déborder par les progrès accomplis et que nous perdions de vue les problèmes de fond: qui sommes-nous? d’où venons-nous? où allons-nous? Ou encore: à quelles valeurs nous référons-nous pour orienter notre existence personnelle et notre vie sociale et politique? quel être humain voulons-nous être, et à quels enfants voulons-nous « donner » la vie?
Un test reste un testLe débat vient d’être relancé avec l’annonce toute récente, par la firme Lifecodexx, de la mise sur le marché d’un test de dépistage de la trisomie 21, le « PraenaTest ». Il permettra de dépister le syndrome de Down à partir d’une simple prise de sang. La crainte légitime de beaucoup de personnes, et en particulier des associations de défense des personnes atteintes d’un handicap (Insieme, Procap, Pro Infirmis, etc.), est celle d’une banalisation de ces pratiques et d’une dérive eugéniste.
Les parents doivent décider de manière autonome, mais autonome ne veut jamais dire: solitaire, isolé, individualiste.Il faut résister à l’esprit de panique et réaffirmer quelques solides principes éthiques. Premièrement, un test reste un test. L’idée de conseil est plus large, plus difficile. Les parents doivent décider de manière autonome, mais autonome ne veut jamais dire: solitaire, isolé, individualiste. Une telle décision est trop lourde de conséquences!
Deuxièmement, les pressions sont inacceptables, qu’elles doivent venir demain des compagnies d’assurance, tentées de pénaliser les parents qui n’auraient pas choisi de faire le test et ensuite d’avorter, ou de la société toute entière, avec ses fantasmes de santé parfait et d’enfant idéal.
90% d'avortementsEnsuite, 90% des parents qui apprennent une telle vérité choisissent l’avortement. Mais ce n’est pas une fatalité. Il faut améliorer l’information, la réflexion, la concertation, le conseil médical. De plus, les médecins doivent être mieux formés et devenir davantage capables d’annoncer et de dire la vérité aux parents ; tout en les laissant libres, à la fin, de la décision qui leur appartient en propre et dont ils devront assumer les conséquences, lourdes dans les deux cas.
Enfin, l’accueil d’un enfant répond à un appel et à un devoir incomparables. Aussi bien l’acceptation d’un enfant atteint de la trisomie 21 que la résolution mûrement pesée de ne pas pouvoir le faire doivent être respectées et accompagnées. Tel est le défi d’une société plus solidaire et d’une éthique plus attentionnée à la situation personnelle de chacune et de chacun. Un défi auquel l’Evangile apporte son éclairage et sa perspective inimitables mais jamais « dogmatiques ».
- Une critique de l'Insieme sur la queation du dépistage pré-natal
- Une interview de Judit Pók, membre de la Commission d'éthique, toujours sur le site de l'Insieme
- Une prise de position sur la question plus générale de l'interruption de grossesse et du régime des délais, rédigée par Denis Müller. Il est professeur d'éthique à la Faculté autonome de théologie de Genève