Peut-on parler de paix si on n'a pas connu la guerre?
, Salt Lake City (Stadtschlaining)
Un concours de circonstances a voulu que Stadtschlaining devienne le siège du Centre Autrichien pour l’Étude de la Paix et la Résolution de Conflits,...
...une organisation privée faîtière à laquelle se sont ajoutées trois autres branches. Tout d’abord deux lieux d’information: un musée de la paix et une bibliothèque de la paix; ensuite un lieu de formation, l’Université Européenne de la Paix. Cette dernière est accréditée par le ministère autrichien de l’éducation et offre un certificat et un master en Peace & Conflict studies.
Les étudiant-e-s viennent du monde entier et le groupe actuel représente à lui seul 16 nationalités (l’Inde, le Pakistan, le Bhoutan, le Nigeria, l’Ouganda, le Soudan, le Rwanda, le Cameroun, l’Éthiopie, l’Égypte, le Canada, et cinq pays d’Europe occidentale); un univers en soi qui vient se greffer sur une communauté très locale et crée ainsi un carrefour culturel étonnant. Pour cet été donc, je suis devenue l'une de ces étudiantes.
Traces des communautés juives effacéesJe visite cette bourgade et découvre que la bibliothèque de la paix occupe une ancienne synagogue! Construite au 18e siècle, cette synagogue a survécu à la Nuit de Crystal et à tout ce qui a suivi. Rénovée en 1988, elle rassemble aujourd’hui une collection d’ouvrages sur paix et conflits. Dans cette partie de l’Europe, on retrouve parfois encore quelques traces de toutes ces communautés juives effacées.
À Stadtschlaining, comme dans d’autres cas, le bâtiment de la synagogue existe donc toujours. Un peu plus loin dans le village, le visiteur découvre un vieux cimetière juif réhabilité où quelques plaques signalent, rétroactivement, les noms de ceux et celles qui ont disparu dans les camps.
Le projet du Centre s’inscrit dans la difficile histoire qui marque le passé de cette région. L’étude de la paix prend racine dans une histoire de blessures, de trahisons et de longues souffrances. L’un peut-il aller sans l’autre? Peut-on efficacement agir en faveur de la paix sans avoir connu, d’une certaine manière, la réalité de la guerre?En 2001, une importante initiative du Centre Autrichien pour l’Étude de la Paix accueillait à Stadtschlaining les descendants de la communauté juive exilée et déportée et en faisait visiter la synagogue devenue bibliothèque de la paix. Le projet du Centre s’inscrit donc volontairement dans la difficile histoire qui marque le passé de cette région. L’étude de la paix prend racine dans une histoire de blessures, de trahisons et de longues souffrances.
L’un peut-il aller sans l’autre? Peut-on efficacement agir en faveur de la paix sans avoir connu, d’une certaine manière, la réalité de la guerre? L’histoire nous dit qu’il faut souvent avoir fait l’expérience des horreurs de la guerre pour se préoccuper du côté humanitaire et humain des relations entre nations (Henri Dunant en est le meilleur exemple).
Dans le fond, les bases d’un pacifisme chrétien sont bel et bien enracinées dans cette expérience. Les théologiens de la libération nous ont appris à lire le Nouveau Testament dans ce sens: Jésus délivre un message de libération qui répond à une réalité sociale de pauvreté et d’injustice contrôlée par l’occupation militaire d’un pouvoir colonial. Ce n’est pas du prêchi-prêcha abstrait comme beaucoup d’églises aimeraient nous le faire croire, c’est une parole de mobilisation et d’appel à la résistance civile dans un contexte de violence et d’oppression.
En quoi est-ce que cela modifie notre rapport à l’Évangile ? Les théologiens de la libération ont été accusés d’être marxistes en Amérique latine et ils sont aujourd’hui accusés d’être «terroristes» en Palestine. Mais comme je suis en train de l’apprendre dans mes cours sur la résistance civile, le pouvoir condamne toujours ce qui l’effraie et le menace.
- Article sur l’histoire de la communauté juive de Stadtschlaining et la visite de ses descendants
- Site internet de l’Université Européenne de la paix