"Une Eglise humble et spirituelle"

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"Une Eglise humble et spirituelle"

12 avril 2012
Pour affrontrer la crise des grandes Eglises, le pasteur vaudois Virgile Rochat pose son diagnostic dans un livre, Le temps presse! Réflexions pour sortir les Eglises de la crise
Le 20 avril, il débattra avec Eric Fuchs, l'un des deux auteurs de Turbulences. Les réformés en crise, à l'Espace Fusterie à Genève.*



Bonne Nouvelle: Les Eglises sont-elles vraiment aux soins palliatifs, comme vous le dites?

Virgile Rochat: Il faut nuancer. De manière générale, là où il existe encore une vie traditionnelle, les paroisses ont une place possible. Ce n’est plus le cas dans le centre des grandes villes où tout a tellement changé et où continuer à faire comme on a toujours fait conduit à l’extinction.


Pour quelles raisons les Eglises sont-elles en mauvaise posture?


Le choc culturel des années 1970 et la rupture de la transmission qui a suivi ont conduit les grandes Eglises à vieillir et se marginaliser peu à peu. Nous pouvons le vérifier en considérant l’âge de la majorité des pratiquants: 60 ans et plus. Et aussi dans certaines valeurs qui président aux décisions, nostalgie d’un passé révolu et regretté.

Ce n’est pas évident d’être chrétien aujourd’hui, croire en un Dieu invisible, qui se révèle dans un livre. 
De l’intérieur des Eglises, nous ne nous en rendons pas compte, nous sommes nés avec. De l’extérieur, en revanche, c’est difficile de croire. Si vous vous mettez à la place du quidam rencontré dans la rue, vous ne pouvez plus considérer comme une évidence que Dieu existe et que la Bible dit vrai. Cela doit être pris en compte.

Jésus, fils de Dieu entouré de choses mystérieuses depuis sa conception jusqu’à sa résurrection en passant par ses miracles, n’est pas non plus une figure facile d’accès.
 Non. Jésus-Dieu est une figure qui pose problème à nos contemporains. Mais Jésus-homme, comme sage, est plutôt valorisé de nos jours. Une des tâches de l’Eglise pourrait être de permettre à ceux qui admirent Jésus-homme d’en découvrir plus, et de s’en nourrir.


La religion a-t-elle une mauvaise image dans la société?

Autrefois, la pression sociale poussait les gens dans les églises, aujourd’hui elle les pousse dehors. Il est plutôt bien vu de se moquer des pratiquants. Ce retournement est un peu la réponse du berger à la bergère. Pendant longtemps, les grandes Eglises ont occupé des fonctions dirigeantes, et souvent contraignantes, dans la société.

Il y a comme un retour de balancier. Toutefois, cette contestation peut déboucher sur une redécouverte. Il va falloir inventer, écouter, faire avec les gens plutôt que faire pour eux. Dans cette optique, une spiritualité de la recherche, de la quête est un atout.


Vous proposez un retrait vers une Eglise humble, à l’écoute des gens. Ne l’est-elle pas déjà?


Elle l’est de fait, de par sa situation devenue modeste. Toutefois dans la rumeur publique, l’image est toujours celle d’une Eglise dominante, un peu hautaine et donneuse de leçons. Il va y avoir fort à faire pour modifier cette image. Seul un comportement authentiquement humble, à l’écoute des besoins et attentes de nos contemporains pourra modifier cette image.


Pour vous, la priorité de l’Eglise doit être la spiritualité?


Oui, la spiritualité et la théologie. Il ne s’agit pas seulement de renouveler la communication, mais bien de modifier aussi le contenu. Retravailler le message de l’Evangile en fonction de notre temps. Seule une vraie renaissance théologique et spirituelle sera en mesure d’inventer un avenir pour les grandes Eglises.

Cette refondation doit être tournée vers l’avant, en fonction de l’avenir. Ce ne sera pas une spiritualité de fuite, mais d’engagement au service de tous, en rapport avec des réalités très humaines comme le pardon, l’ouverture à l’autre, mais aussi la justice sociale, l’écologie.


Quelles sont les attentes spirituelles des gens?


Elles sont nombreuses mais toutes ne sont pas à prendre telles quelles: dans le désordre, de la gratuité dans un monde où tout se monnaie; de la spiritualité dans une culture matérialiste; du mystère dans une société rationaliste; de la sobriété en réponse aux excès. Et aussi de la confiance en soi: c’est fou ce que dans notre société arrogante on manque de confiance en soi.

Mais l’attente spirituelle numéro un, facile à honorer de la part des grandes Eglises, est le besoin de silence. Nous vivons dans un monde de bruit, d’agression perpétuelle. Nous avons besoin de silence, et si nous le proposions, nos liturgies pourraient en être transfigurées et devenir attractives!


Proposez-vous des changements dans la gestion de l’Eglise?


La manière dont est dirigée une institution a beaucoup de conséquences sur l’image qui se dégage d’elle. Le fonctionnement devra être considérablement allégé. Nous ne sommes plus une institution dominante. Nous devons dès lors être réactifs, attentifs aux besoins et attentes de nos contemporains.

Ce sera peut-être moins solennel et moins grandiose, mais tellement plus frais et plus vivant. De plus, la règle d’or de toute décision devrait être que toute proposition ait un débouché à la base, à la rencontre des gens, et principalement ceux du deuxième ou troisième cercle. Un futur est à ce prix.

Si nous opérons des changements, les grandes Eglises ont un avenir. Leur position d’héritières de la gestion du sacré dans le pays – baptêmes, mariages, services funèbres – leurs relations avec la culture et la société, leurs fonctions sociales et spirituelles sont autant d’atouts indéniables.

Sans compter ce qui la fonde, qui est premier et qu’elles partagent avec toutes les autres Eglises, l’Evangile de la grâce, cette parole de Dieu si simple et si forte: « Nous sommes aimés sans condition.»

En savoir plus

Un livre: Virgile Rochat, Le temps presse! Réflexions pour sortir les Eglises de la crise,Ed. Labor et Fides. A paraître en avril.

*Un débat avec Eric Fuchs et Virgile Rochat: « Y a-t-il un pilote dans l'avion? Les réformés cherchent le cap »

Une rencontre: Mercredi 30 mai, de 18h30 à 20h. Le Sycomore, rue de l’Ale 31, Lausanne, Virgile Rochat présentera son livre.

Cette interview est parue dans le numéro d'avril du mensuel de l'Eglise évangélique réformée du canton de Vaud, Bonne Nouvelle.