« C’est difficile de le dire avec des mots, mais Dieu m’a appelé »

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« C’est difficile de le dire avec des mots, mais Dieu m’a appelé »

12 mars 2012
Il est l'un des quatre étudiants en 2e année de Faculté de théologie à l'Université de Lausanne. Diplômé en sciences politiques, Sylvain Stauffer, tout juste 30 ans, a pris un virage à 180 degrés. Fragilement sincère, le jeune homme raconte comment il s'imagine volontiers pasteur. Interview.


Par Samuel Ramuz


ProtestInfo : Sylvain, en 2009, vous rédigez « Les représentations concurrentielles des institutions politiques françaises », un mémoire en sciences politiques. Quelques mois plus tard, vous êtes sur les bancs de la faculté de théologie. Que s'est-il passé ?

Sylvain Stauffer : J'ai senti un appel tardivement, le besoin de donner ma vie à Dieu, même si c'est lui qui nous donne la vie. Je perçois comme l'envie de me mettre à son service, même s'il nous sert plus qu'on ne le sert. Bref j'ai à coeur de faire quelque chose de ma vie pour lui. Mais c'est difficile de trouver les mots.


N'y a-t-il pas d'autres moyens pour se mettre au service de Dieu que les études de théologie ?

Oui, on peut être mécanicien, enseignant ou journaliste et se mettre au service de Dieu. Mais la théologie, c'était ma voie. Il y a aussi eu des rencontres à l'université, pendant la rédaction de mon mémoire. J'ai découvert cette année-là les activités de l'aumônerie. Et j'ai eu un coup de foudre pour les prières et les chants de Taizé. On mangeait aussi ensemble avec l'aumônier et d'autres étudiants en théologie. J'avais une soif de connaître. On m'a alors encouragé à me relancer dans des études. D'autres personnes, qui ne se connaissaient pas, m'ont dit la même chose et voilà, j'y suis.

Après une année et demi d'études en théologie à Lausanne, comment vous y sentez-vous ?
Bien, le sentiment intérieur n'a pas changé, même si tout n'est pas forcément comme je m'y attendais. Les sciences bibliques, par exemple, sont très historiques. Dans l'ensemble les cours me passionnent.

Quel lien faites-vous entre théologie et pastorat ?

Je crois que 70% à 80% des étudiants de la filière deviennent pasteurs et c'est dans ce but-là que j'ai entamé ces études. Mais la matière théologique en soi me passionne. Je n'ai pas peur que ce cursus me fasse perdre la foi. Celui qui l'entamerait en s'attendant à des prêches serait déçu. C'est universitaire, c'est sûr. Mais les cours de théologie pratique, de systématique, d'éthique et d'histoire du christianisme, par exemple, n'éludent pas la spiritualité : ils sont même nourrissants spirituellement.

Comment est l'ambiance dans la faculté, malgré les secousses qu'elle a connues il y a quelques années et l'effectif restreint d'étudiants ?

L'ambiance est bonne, et l’aumônerie, qui organise de nombreuses activités, y est pour beaucoup. Les membres de la faculté partent également une fois par année à Bose, une communauté de frères et de sœurs en Italie. Il y a aussi le coeur de fac, un lieu à côté des salles de cours où l'on peut se retrouver entre étudiants et manger ensemble à midi. La vie communautaire n'est cependant pas celle d'un séminaire catholique, c'est vrai. L'université est laïque et la cohabitation avec les étudiants en sciences religieuses est d'ailleurs enrichissante. D’autre part, je fréquente le culte dominical en ville et participe à des retraites pour nourrir ma foi par d'autre moyens.

Les études en théologie ne nourriraient donc pas vraiment la foi ?

La foi est un cadeau. Et l'on devrait plus la protéger, la nourrir, la faire grandir comme une plante. Le côté parfois sec des études peut décourager certains candidats qui feraient peut-être d'excellents pasteurs. Et c'est dommage. Mais comprenez-moi bien : je ne critique pas les cours qu'il y a, je regrette les cours qu'il n'y a pas. Par exemple des cours en sciences bibliques où l'on essaierait de comprendre le message que Dieu nous transmet à travers sa Parole. Cela dit, la déconstruction des textes est aussi importante pour ne pas faire de contre-sens : on comprend les choses avec nos conceptions d'aujourd'hui, mais le sens des termes change avec l'histoire.

Idéalement, le pastorat devrait être un engagement de toute la personne. C'est presque dans la logique du moine que je m'engage.


Les Eglises réformées en font-elles assez pour assurer leur relève professionnelle ?

Je ne conçois pas le pastorat comme un métier comme les autres, même s'il demande un savoir-faire. Idéalement, il devrait être un engagement de toute la personne. C'est presque dans la logique du moine que je m'engage. Même si ce n'est pas autant, puisque le pasteur peut par exemple avoir une vie de famille. L'appel, en allemand Beruf, veut aussi bien dire vocation que métier. C'est Luther qui a décloisonné le terme, réservé jusque-là aux religieux : chacun a une vocation !

Le couperet d'une Eglise qui vous refuserait l'accès au pastorat vous fait-il peur ?

C'est nécessaire que le candidat pasteur doive à un moment donné passer devant une commission qui juge de son aptitude, les études ne suffisent pas. Ensuite, c'est dramatique pour quelqu'un qui fait cinq ans d'études, qui a à coeur d'annoncer l'Evangile et à qui on dit « ce n'est pas possible ». Un entretien pendant le master pourrait être utile (ndlr : sur le modèle bernois). Mais c'est difficile de trouver un dispositif idéal.

Qu'est-ce qui vous fait rêver dans le métier de pasteur ?

Travailler pour l'Evangile : faire de sa passion un métier, c'est génial ! Travailler les textes pour prêcher, comprendre le sens. J'aime le côté à la fois travail avec l'humain et le spirituel. Les Eglises devraient mettre plus en valeur ce beau métier, mais il faut être indulgent à leur égard : la société dans laquelle nous vivons ne favorise pas assez les vocations.

Plus d'infos
Pour plus d'informations sur les études de théologie en Suisse romande et les instituts qui sont rattachés aux trois facultés, rendez-vous sur le site du Collège de théologie protestante.

Lisez ici plus d'informations sur la communauté de Bose ou celle de Taizé.