Fadi Daou: « Traduire les questions théologiques en termes de vie quotidienne »

légende / crédit photo
i
[pas de légende]

Fadi Daou: « Traduire les questions théologiques en termes de vie quotidienne »

2 mars 2012
A Beyrouth, le Père maronite (catholique) Fadi Daou préside la plus importante fondation interreligieuse du Liban: Adyan, « religions » en arabe. Ce professeur de théologie et de géopolitique des religions sera ce dimanche 4 mars à Lausanne. Il est un des orateurs du débat « Les Eglises dans le Printemps arabe », organisé par la Communauté des Eglises chrétiennes dans le canton de Vaud. Interview.

Propos recueillis par Roland Benz*


Fadi Daou, quelle est votre perception du « Printemps arabe » ?

Je reste confiant. Même si dans un premier temps les partis islamistes gagnent, d’une part la population sait qu’elle peut résister et d’autre part les parlements comportent une opposition constituée de mouvements modérés et laïques qui ne peut plus être annulée. Le printemps arabe a créé la diversité.


Votre pays, le Liban, a connu la guerre civile, sur fond de conflits entre musulmans et chrétiens. Quel rôle joue la fondation que vous présidez dans le dialogue interreligieux ?

Adyan ne se contente pas d’instaurer un dialogue qui juxtaposerait les positions religieuses, ce qui risquerait de figer les identités déjà fortes au Liban. Elle ne se limite pas non plus aux rencontres entre responsables religieux dans de beaux hôtels avec de belles photos. Elle crée des activités concrètes qui concernant toutes et tous. Le défi est de reconstruire les relations après les blessures profondes de la guerre de 1975-90, de « faire des choses ensemble ».

Actuellement, la fondation a un programme pilote dans 22 écoles du pays avec formation des enseignants, qui sera ensuite appliqué dans toutes les écoles l’an prochain.

Quelles sont vos activités concrètes ?

Adyan agit suivant quatre secteurs. Tout d'abord l’éducation et la coexistence. L’éducation des enfants au « vivre ensemble » dans les écoles et les familles est primordiale. Actuellement, la fondation a un programme pilote dans 22 écoles du pays avec formation des enseignants, qui sera ensuite appliqué dans toutes les écoles l’an prochain (ndlr: en 2012). Ensuite, l'axe production média: Adyan produit et diffuse des films de témoignages de réconciliation et de conférences-débats invitant à la coexistence. Un DVD, dont le titre est A contre-courant, est actuellement diffusé dans toutes les écoles.


Et les deux autres secteurs ?

D'abord, la solidarité et la réconciliation. Chaque année une journée de solidarité spirituelle est organisée, chaque fois dans une ville différente du pays. Le but est de se mettre d’accord sur un texte commun. Une subvention est aussi attribuée à un projet de réconciliation entre chrétiens et musulmans. Enfin, le département des études « cross-culturelles » . Il offre des cours, voyages culturels, publications, conférences, séminaires de formation, activités artistiques, en de multiples lieux du pays.

Comment est née la fondation ?
La fondation Adyan est née dans la mouvance de la rencontre religieuse d’Assise pour la paix qui s’est tenue à l’initiative de sa Sainteté le Pape Jean Paul II en Italie, le 27 octobre 1986. Depuis sa fondation en 2007, Adyan organise des activités dans le but d’affirmer la solidarité spirituelle entre tous les Libanais. Elle identifie les valeurs et les espaces spirituels communs sans méconnaître les différences et la richesse de la diversité. Adyan croit en effet que la solidarité nationale autour des valeurs morales et spirituelles communes constitue un renfort important pour la consolidation et l’enracinement de la paix civile dans notre société ainsi que la promotion d’un vivre-ensemble effectif.


Et c'est possible ?
Cela passe par un questionnement mutuel exigeant afin d’aller aux vrais problèmes : politique et religions, religions et intégration ; quelle est la théologie chrétienne de l’islam ? Et, réciproquement, quelle est la théologie musulmane du christianisme ? Pour vivre une communion spirituelle entre croyants de différentes religions, il s’agit de se dire ce que chacun pense de l’autre, de traduire les questions théologiques en termes de vie quotidienne.

A suivre

*Le pasteur genevois Roland Benz a rencontré le Père Daou à Beyrouth en octobre dernier. Il participait à un voyage au Liban organisé par la Communauté des Eglises chrétiennes dans le canton de Vaud (CECCV).

Le débat que la CECCV organise a lieu ce dimanche 4 mars de 15h à 17h à la Maison des Charmettes (ch. des Charmettes 4), à Lausanne. Il est suivi d'une célébration de la Parole avec prière oecuménique pour le Moyen-Orient, à la Cathédrale à 18h. Plus d'infos sur le site de la CECCV.