Hetty Overheem poursuit son ministère itinérant... sans solde

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Hetty Overheem poursuit son ministère itinérant... sans solde

Tania Buri
25 novembre 2011
Hetty Overheem va continuer à sillonner les routes vaudoises avec son âne Speedy. L'Eglise réformée cantonale reconnaît son ministère, mais ne lui accordera plus qu'un budget de fonctionnement. La pasteure d'origine hollandaise se dit heureuse de poursuivre cette aventure « qu'elle n'aurait pas pu arrêter » dans ce canton et « pour son Eglise ».

« L'activité de Mme Overheem a du sens et toute sa valeur. Elle rejoint des gens qui ne sont pas touchés par l'Evangile », a expliqué à ProtestInfo le conseiller synodal Xavier Paillard de l'Eglise évangélique réformée vaudoise (EERV). « Mais nous devons faire des choix en période de restriction budgétaire. Et nous avons décidé de privilégier les ministères de solidarité (réfugiés, ministères de rue, ...) et les lieux phares dans trois églises historiques à Lausanne (Cathédrale, St-François et St-Laurent). »

La pasteure d'origine hollandaire se dit « heureuse ». « Je peux continuer, certes sans salaire, mais envoyée par mon Eglise, ce qui est très important pour moi, a-t-elle expliqué à ProtestInfo. L'EERV va rattacher mon activité à un de ses départements, « ce qui me fait aussi très plaisir ». De plus, les Vaudois continueront de financer le budget de son activité, lancée en 2009.

Quartier d'hiver au Flon

Pour l'heure, Hetty - elle préfère qu'on l'appelle par son prénom - prend ses quartiers d'hiver. Dès ce samedi 26 novembre, elle sera présente tous les week-end à la gare du Flon à Lausanne, à côté de la ligne de train Lausanne-Echallens-Bercher, dans une cabane aménagée par les membres de son groupe de soutien. Si son chien l'accompagnera, son âne restera au chaud dans son étable.

La théologienne arrivera au bout du mandat d' « Evangile en chemin » au printemps 2012. Hetty se sera arrêtée dans une soixantaine de villes et de villages et aura parcouru près de 600 km. « J'ai toujours été bien accueillie », explique-t-elle. Même si les relations avec les paroisses locales n'ont pas toujours été simples, « en tout cas au début ». « Certaines d'entre elles ne comprenaient pas ce que je venais faire chez elles ».

« Avant de m'installer dans un nouveau village, je ne sais jamais combien de personnes vont venir me voir », m'avait-elle expliqué sur la route entre Villars-St-Croix et Renens en septembre dernier. Des mères avec leurs enfants, des pompiers, des ouvriers, des directeurs et même des prisonniers en permission sont entrés dans sa tente. Des croyants, mais aussi des athées sont venus à sa rencontre, des athées qui ne voulaient pas parler de religion, mais qui au final abordaient malgré tout des questions touchant à la foi.

Des personnes seules, des couples, des groupes d'enfants, des groupes paroissiaux ont partagé un moment avec Hetty, une méditation inspirée par des moines qu'elle est allée rencontrer dans le désert nord-africain. « J'ai cherché des pratiques anciennes, structurées... tant nous, les réformés, étions partis dans des formes très subjectives, - trop ? - de ressenti des textes bibliques », m'avait-elle dit.

Travail d'équipe

Au fil du temps, un groupe de soutien est venu lui prêter main forte autant pour installer le tipi que pour avertir les paroisses de sa venue. Sur le terrain, Roland, Christian et les autres l'aident à trouver une ferme pour accueillir son âne pendant la semaine. Chacun a ses spécialités.

Christian, par exemple, est passé maître dans l'aménagement du tipi. Tipi qui accueille trois moments de recueillement par jour. « Comme je bouge tout le temps, j'ai besoin de mes repères », insiste la pasteure. Et Christian place les chaises, la table pour la Cène et la croix faite de dessins d'enfants. Il y a aussi le coin « cuisine ». « Je prépare à manger en général pour une quinzaine de personnes », explique-t-elle en me montrant du doigt le petit réchaud, le paquet de pâtes et les assiettes empilées.

Hetty peut choisir indifféremment de s'installer dans le pré d'un paysan, près d'un festival de musique ou d'un terrain de foot. A Renens, le tipi a été monté à l'entrée d'un EMS. Les résidants s'approchent timidement tandis que les hommes du groupe de soutien montent la tente.

Hetty arrive avec son âne, qui a exceptionnellement dû être transporté dans une bétaillère sur une partie du trajet. L'animal a un sabot mal en point qui résiste mal au bitume. André, le paysan de Villars-Ste-Croix, qui a accueilli Speedy pendant une semaine dans son écurie, est au volant de l'engin.

« Paysans de bonne volonté »

« Tout au long de mon voyage, j'ai rencontré des paysans de bonne volonté pour accueillir mon âne pendant la semaine. » André arrive ensuite avec la roulotte, l'endroit où Hetty dort. « Au début, je pensais parler avec les gens à l'intérieur, mais cela n'allait pas... »

Le groupe de soutien d'Hetty est soulagé de la décision de l'EERV, sans la comprendre tout à fait. « Hetty est populaire. Elle est sur le terrain, proche des gens, des personnes qui ne vont pas ou plus à l'Eglise » relève l'un d'entre eux. « Cette femme incarne une forme d'humilité, de simplicité », poursuit un autre. « L'Eglise parle d'évangélisation et quand une personne sort des murs des églises pour aller à la rencontre des gens, elle n'est pas complètement soutenue », relève le dernier en hochant la tête.

Jusqu'ici Hetty, était payée à 50% pour ce ministère. Elle travaille parallèlememt à 10% comme aumônière auprès de prisonniers en fin de peine ou accomplissant des peines légères. Elle cherche à augmenter son pourcentage à 30-40 %, le minimum pour qu'elle puisse vivre et poursuivre son ministère itinérant bénévole.

  • Une fête est prévue le dimanche 29 avril dès 14 h à Crêt-Bérard (Puidoux) pour célébrer la fin de la première partie du ministère d'Evangile en chemin d' Hetty Overheem.

Commentaire en contre-point


Hetty a souvent eu les faveurs des médias. Une femme qui se promène avec un âne pour témoigner du Christ, tout le monde comprend tant cela colle aux images d'Epinal. Le projet qu'elle a de poursuivre son ministère, même sans soutien financier complet, touche et a déjà fait mouche. Après un article paru en Suisse alémanique dans reformierte presse, la paroisse bernoise de Fraubrunner-Grafenried et son pasteur Daniel Sutter lui a déjà dédié le produit de deux collectes.

Reste que cette démarche, aussi louable et inspirante soit-elle, recèle des dangers. Elle crée un précédent, puisqu'elle permet à un ministre en exercice de continuer une partie de sa mission « bénévolement ». A l'heure où les coupes budgétaires tiennent le haut du pavé, l'argument « mais continuez donc bénévolement » pourrait devenir tentant.

Tania Buri

Cet article a été publié dans :

Les pages vaudoises du quotidien La Liberté le samedi 26 novembre.