Pourquoi la Bible intéresse aussi ceux qui n’en veulent pas

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Pourquoi la Bible intéresse aussi ceux qui n’en veulent pas

23 novembre 2011
Ne pas hésiter à bousculer les traditions, sans négliger l’essentiel, tel est le message du pasteur Christian Van den Heuvel. Baptêmes, mariages, services funèbres : l’Eglise est là pour accompagner ceux qui vivent ces moments forts. Et rares sont ceux qui jugent que le message biblique n’a rien à dire. Tout est dans la manière de le présenter.


Christian van den Heuvel*, Pasteur à l’Eglise protestante de Genève, Le Temps

Notre 21ème siècle est passionnant. En effet, depuis de nombreuses décennies la religion ne fait plus notablement partie de l’environnement social et politique de notre société européenne et pourtant le besoin de rites qui marquent les grandes étapes de la vie (baptême, mariage, décès) reste bien présent. Pour répondre à ce besoin, l’Eglise reste l’institution auprès de laquelle la majorité de nos concitoyens continue de s’adresser.

Je souhaite, à travers ces quelques lignes, témoigner de notre mission, en tant que pasteurs, qui consiste à trouver la forme de célébration qui ressemble le plus possible à nos interlocuteurs. Nous ne sommes pas là pour asséner des vérités à ceux qui n’en veulent pas mais bien plus pour les accompagner dans leurs désirs. Quitte à bousculer certaines traditions, sans négliger l’essentiel.

Entendre ce que les gens ont de la peine à formuler

Novembre est une période où l’on évoque beaucoup la mort, avec la Toussaint. Alors parlons-en : pour le pasteur qui reçoit le coup de fil, il faut entrer en quelques secondes dans une situation de souffrance de la manière la plus personnelle pour répondre à une demande très profonde, mais que les gens ont souvent de la peine à formuler et qu’il faut entendre avec le plus grand sérieux.

Depuis plus de 30 ans je conduis en moyenne 25 services funèbres par année. Il est rare qu’une fois la cérémonie terminée, la famille et les amis ne disent pas en parlant de leur disparu : « et bien ça, c’était tout à fait lui ». C’est donc que le besoin d’évoquer l’essentiel de la vie d’une personne décédée, c'est-à-dire ce qui exprime son être profond, ses convictions, ses valeurs, sa vision de la vie et les moments forts vécus avec lui, est fondamental. Il est par contre beaucoup plus rare que les gens souhaitent s’étendre sur ses réussites sociales ou professionnelles.

C’est sur le besoin d’une référence à la vie privée du défunt que pasteurs et laïcs, Eglise et société se rencontrent. Nos contemporains sont en quête de sens et ce dernier s’exprime autant par le geste que par la parole. Il convient donc d’imaginer les gestes qui diront de manière explicite ce que ressentent la famille et les proches. Ainsi il y a peu j’ai préparé avec une vingtaine de jeunes un service funèbre qui s’est terminé par un lâcher de ballons dont chacune des couleurs exprimait un aspect de la personnalité du jeune disparu.

Des paroles qui donnent du sens

Des gestes qui font sens mais aussi des paroles qui donnent du sens. C’est là que la prédication de l’Evangile intervient et je suis persuadé que ce qui pose problème bien souvent, ce n’est pas tant l’Evangile que la façon de le présenter. L’attitude, les mots du célébrant, son empathie avec la famille et les amis rassemblés pour rendre un dernier hommage à un être cher, sont essentiels pour exprimer le sens de la vie et de la mort du défunt en vue d’aider chacun à accueillir et apprivoiser la nouvelle et déchirante absence de celui-ci.

Bien des personnes pensent que la Bible est un livre ennuyeux et dépassé. Notre rôle de pasteur est de montrer qu’il n’en est rien, mais qu’au contraire le message biblique est d’une surprenante actualité. Bien des personnes pensent que la Bible est un livre ennuyeux et dépassé. Notre rôle de pasteur est de montrer qu’il n’en est rien, mais qu’au contraire le message biblique est d’une surprenante actualité.

Parlons mariage cette fois. Il y a quelques semaines, au cours de la préparation du mariage d’un jeune couple qui ne fréquentait pas l’Eglise, la femme m’a averti que s’il était très important qu’un pasteur les marie, il fallait éviter de lire la Bible, car cela « risque de gêner les invités ». J’aurais pu lui dire que dans ce cas je n’étais pas la bonne personne et qu’il existait des organisations non religieuses qui préparaient fort bien ces cérémonies de mariage, sans Bible et sans pasteur.

Le plus étonnant est qu’au cours d’un échange précédant j’avais évoqué avec les futurs mariés un récit biblique où l’on voit une femme « de mauvaise réputation » survenir de façon tout à fait incongrue chez un notable au cours d’un repas où Jésus avait été invité.

Et cette femme de s’agenouiller pour couvrir de larmes et de parfum les pieds de Jésus, provoquant le scandale qu’on imagine, d’autant plus que Jésus ne faisait rien pour montrer sa désapprobation. J’avais choisi cet exemple pour montrer de quelle façon l’accueil et le respect d’une personne déconsidérée pouvait transformer une vie. Je dis alors aux futurs époux : et si je racontais une histoire semblable à vos invités ? « Ah, ça oui, mais ce n’est pas la Bible », répondirent-ils.

Imaginer que le message biblique n’a plus rien à dire à ceux qui fréquentent peu ou pas du tout les églises est surprenant. Tout est dans la manière de le présenter. Un mariage ou un service funèbre ne se prépare pas deux fois de la même manière, parce qu’il n’y a jamais deux situations identiques.

Je pense donc essentiel dans nos actes ecclésiastiques, en particulier les services funèbres, d’évoquer tous les événements qui ont été de l’ordre de l’amour, de la justice, de la générosité, de l’accueil chez la personne décédée… et qui furent à leur façon des signes de cet Amour éternel, dans lequel l’être aimé se trouve maintenant. Nos cérémonies à l’église ou au cimetière sont essentielles pour rappeler cette réalité qui nous dépasse et que depuis l’origine des temps l’être humain ne cesse de rechercher.

BIO EXPRESS

Je suis pasteur dans la paroisse de Jussy (1200 foyers protestants), parvenant trop vite à une année de la retraite.

Quand je regarde en arrière, je vois cinq années d'études passionnantes pour obtenir un diplôme d'ingénieur, une polyarthrite évolutive qui a envahi ma 16ème année en terre vaudoise, mais qui a décidé d'en rester là et de ne plus pourrir ma vie.

Ensuite un désir profond de découvrir la sidérante actualité du message de Jésus-Christ a abouti, après 5 ans de théologie, à m'interroger sur la pertinence de la foi dans le monde universitaire, puis dans notre société, tout simplement.

Pendant sept années comme aumônier au sein des Groupes Bibliques Universitaires et trente années dans l'Eglise protestante de Genève, j’ai découvert une Eglise qui, malgré ses nombreuses maladresses, m’a toujours déçu en bien.

L'existence m'a fait il est vrai de nombreux cadeaux. Avec ma femme irlandaise nous avons tiré le gros lot, 3 filles nées le même jour ! Deux autres quelques années auparavant et un mâle 8 ans après nous ont ouvert les yeux sur la réalité toute théorique jusque là, des allocations familiales.

Merci la vie !

Il faut dire que j'avais fait ma thèse de licence sur les joies de l'éducation religieuse des enfants ! J'ai donc eu l'occasion de constater qu'entre la théorie et la pratique il y avait eu trente années d'éducation qui rendaient très modestes les certitudes les plus solides ! Heureusement, le ski et la planche à voile avec toute cette merveilleuse progéniture m'ont permis de glisser sur les accrocs d'une éducation toujours à revoir et à imaginer.

Trois fois grand père cet été, après un sympathique coup de semonce il y a 2 ans, j'ai fait le belle découverte que passé la soixantaine, on avait nettement plus de temps que dans la trentaine pour voir s'épanouir ces merveilleuses créatures dont je crois toujours d'avantage qu'elles sont un chef d'oeuvre de Dieu.

J'ai donc du temps pour visionner les centaines de films débiles que j'ai fait les premières années de mon mariage. Je suis maintenant courageusement passé à la photo, ces dernières font de merveilleux fonds d'écran pour mon ordinateur et c'est vrai, elles sont parfois aussi l'occasion pour nos amis de faire sérieusement un compliment que j'ai l'audace de ne pas croire sarcastique.

LECTURES :

En ce moment je laisse voyager mon imagination au gré des pages du livre de Conn Iggulden: l'épopée de Gengis Khan. Dans un domaine bien différent de celui des romans historiques, je retrouve au fond de ma mémoire vive, cette citation d'une géniale lucidité que Philippe Zeissig a faite il y a déjà plus de 20 ans à la Radio romande: le Christ n'a pas ôté les pierres de nos chemins, mais il a tout fait pour qu'il n'y ait plus de cailloux dans nos souliers. C’est aussi ma théologie: pratico-pratique.

CITATIONS :

Pour illustrer une superbe photo d’un enfant que j’ai faite à contre jour dans les rues de Monemvassia, j'ai déposé sous l’image cette citation dont le nom de l'auteur m’échappe: "Nos enfants sont des anges certes, mais avant de leur donner des ailes, apprenons-leur à bien avoir les deux pieds sur terre !"

Si vous voulez en savoir davantage, sachez que j'adore Louis Evely, il parvient à dire en une phrase ce que je n'arrive guère à dire en un sermon. Par exemple: "la foi, c'est d'être fidèle dans les ténèbres à ce qu'on a vu quand on était dans la lumière" ou encore "La vraie mort, ce n'est pas de mourir, c'est d'arrêter de croire, arrêter de croître, arrêter de naître et là, on peut s'arrêter à tout âge !", finalement : "Ce que nous pouvons faire de mieux pour ceux qui nous aiment, c'est d'être heureux". Vous trouverez l'écrin de toutes ces perles et de bien d'autres, dans l'ouvrage de l'auteur précité: Et si tout avait un sens ?

Mon auteur favori en ce moment : le philosophe Frédéric Lenoir. Mais je vous avoue que ma vie fut transformée le jour où j’ai découvert sa bande dessinée satyrique: Le fabuleux bilan des années Bush. A mourir de rire et de peur, tellement on est proche de la vérité. (cvdh)