Eglises réformées : entre intuition et gestion
L’opération demande une structure très légère et rencontre la bienveillance de tous. Elle a été rendue possible par la compréhension de la direction de l'Eglise réformée vaudoise, qui a donné son feu vert. A la fin de cet été, les trois ans convenus se seront écoulés, le voyage doit se terminer. Mais voilà : Hetty Overheem aimerait continuer.
Je me souviens avoir discuté de ce projet avec elle il a y de nombreuses années. Son intuition était explicite: « le monde a besoin de gens qui ont du temps ». Il n’y avait là aucun calcul, surtout au moment où les moyens des Eglises se réduisaient déjà sérieusement ! Au contraire, son idée avait tout d’une utopie ; elle avait bien peu de chance de se réaliser.
En ce qui me concerne, je m’étais bien gardé de faire un pronostic favorable - j’espère qu’elle ne m’en veut pas. Et pourtant… ses paroles avaient la force d’une prédiction. Elles inscrivaient un autre rapport au temps, original, évangélique et significatif pour nos contemporains toujours pressés. Elles entrevoyaient une présence à la fois proche des gens et médiatique, people sans être narcissique.
Pourquoi cet engagement ne pourrait-il pas se poursuivre… en dehors du canton de Vaud ? Neuchâtel, Berne, Genève ou Fribourg ne seraient-ils pas intéressés par une forme de présence décalée, qui fait lien et fait du bien. Une bonne idée à Lausanne peut l’être aussi de l’autre côté de la Versoix, sans parler de la Sarine.
Osons rêver : peut-être même que ces cantons pourraient enrichir le projet. Dans l’étude sur « L’avenir du Protestantisme », la première des recommandations des sociologues Stolz et Baillif est d’inciter les paroisses et les églises cantonales à d’avantage s’inspirer des expériences positives des autres.
Cette étude commandée par la Fédération des Eglises protestantes de Suisse et tardivement traduite en français est un outil précieux qui aide à prévoir les évolutions sociales. Côté pronostics quantitatifs, ils sont assez « sombres » pour les réformés: baisse des effectifs et des moyens financiers.
Côté inventaire qualitatif, l’étude relève toute une série d’options judicieusement prises, du renforcement du culte à l’affirmation de l’identité réformée. Autrement dit, les Eglises ont opéré une réelle prise en compte des changements sociaux, mais elles pèchent encore dans une mise en œuvre globale. Les décisions prises ne sont pas assez expliquées au public et la concertation entre canton est lacunaire.
L’échelle des décisions à prendre est souvent plus large que la surface de nos exécutifs. En politique suisse, c’est l’éternel problème de répartition des responsabilités entre les cantons et Berne. Quels dossiers doivent être sous la responsabilité de Berne et quels autres dossiers doivent rester cantonaux ?
En commandant l’étude, la FEPS tablait avec raison que les résultats allaient proposer un renforcement de son rôle, en particulier dans la coordination nationale de plusieurs domaines, à commencer par la communication (logos et dénomination communes pour les réformés). Pourtant, une telle manœuvre en période d'austérité budgétaire est délicate. Alors que les Eglises cantonales devraient se dessaisir de certaines responsabilités, la tendance au repli cantonal et la tentation de couper dans les organes nationaux ou régionaux se font sentir.
Quoiqu’il en soit, la planification institutionnelle, les mises en œuvre à la meilleure des échelles possibles, aussi nécessaires soient-elles, ne remplaceront pas l’intuition première, visionnaire, le geste en rupture avec les routines et fidèle à l’esprit de l’Evangile. Merci Hetty pour cette prédiction que tu osas il y a quelques années et pour ton engagement actuel. Puisses-tu continuer ta caravane. Au fait, as-tu songé à poser la question à Genève ou Neuchâtel, pour ne pas parler de Berne ?