La question du nucléaire divise les chrétiens

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La question du nucléaire divise les chrétiens

25 mai 2011
Voce Evangelica - Pour beaucoup de chrétiens, l’énergie nucléaire doit disparaître. D’autres, en revanche, s’accommodent fort bien de cette source d’énergie dangereuse comme Stefan Burkhard, 49 ans, pasteur réformé à Wettingen (Argovie) et président du Groupe de travail «Les chrétiens et l’énergie» (Ace). Naguère, il était lui aussi opposé à l’énergie nucléaire.


Les positions du groupe Ace et de l’association «Oeku Eglise et environnement» (Oeku) ne pourraient être plus opposées. Même si l’un et l’autre se font les champions de la sauvegarde de la création, ils se trouvent en désaccord sur toute une série de points concrets. Par exemple sur la question centrale de savoir si, après la sortie du nucléaire, les lumières vont s’éteindre. Pour M. Burkhard, une rupture d’approvisionnement en électricité constitue l’un des principaux arguments en faveur de l’énergie nucléaire. Consommation d’électricité Ace s’appuie sur un scénario de l’Office fédéral de l’énergie selon lequel même avec un programme d’économies rigoureuses, basé sur le modèle de la société à 2000 watts, on ne peut compter que sur un recul minime de la consommation d’électricité. La raison en est que la diminution de la consommation d’énergies fossiles est compensée en partie par une consommation accrue d’énergie électrique.

Etant donné qu’actuellement une proportion de 40 % du courant est produite par les centrales nucléaires et que les nouvelles énergies renouvelables (solaire ou éolienne par exemple) ne contribuent que pour une part très minime à la production électrique, M. Burkard se demande «comment on va combler ce trou».

Otto Schäfer, 55 ans, pasteur réformé et biologiste, membre du Comité d’Oeku, et chargé des questions théologiques et éthiques à la Fédération des Eglises protestantes de Suisse (FEPS), estime en revanche que le même scénario «tend plutôt à montrer qu’il est possible d’éviter une rupture d’approvisionnement sans nouvelles grandes centrales.» Grâce au «gros potentiel d’économies», dit-il, «il n’est pas contradictoire de réduire le recours aux énergies fossiles et de sortir en même temps du nucléaire.».

Dans cette perspective, il fait observer que l’énergie peut être considérée à partir de l’offre ou à partir du besoin. D’un point de vue éthique et théologique, il faut d’abord considérer le besoin et non la production: «Pourquoi, finalement, avons-nous besoin de cette énergie? Que pouvons-nous faire pour que ce besoin diminue?»
Vent et soleil

Tandis qu’Oeku mise sur les nouvelles énergies renouvelables, celles-ci, du point de vue d’Ace, ne sont pas en mesure de remplacer l’énergie nucléaire. Cela ne veut pas dire que nous sommes «opposés aux nouvelles énergies renouvelables », assure M. Burkhard; mais, en comparaison de l’énergie nucléaire, ces énergies consomment trop de matières telles que le cuivre ou l’acier, trop d’énergie et trop d’espace.

De ce fait, le président d’Ace estime qu’un développement considérable de ces sources d’énergie serait irréaliste. Un autre élément qui donne à réfléchir est, selon lui, le fait que chez nous le nombre des heures productives des installations photovoltaïques et des éoliennes est bien inférieur à celui des centrales nucléaires.

L’argument de la place est, pour M. Schäfer, un «faux argument»; finalement, il y a les toits des maisons. Le biologiste reconnaît qu’«avec une très faible quantité de matière, l’uranium, on obtient beaucoup d’énergie. En ce sens, l’énergie nucléaire a une haute capacité de rendement. Mais, ajoute-t-il aussitôt, dans le pire des cas elle aussi très dangereuse.»

Centrales nucléaires

Certes, la possibilité qu’il se produise en Suisse un accident grave entraînant une émission importante de matières radioactives est très faible si l’on considère les normes de sécurité applicables dans notre pays, mais «on ne peut l’exclure», dit M. Schäfer. Pour Oeku, c’est une raison de sortir du nucléaire.

Ace n’est pas de cet avis. La confiance dans les centrales nucléaires suisses est grande. Naturellement, dit M. Burkhard, personne ne peut garantir la sûreté absolue: «Elle n’existe que dans le cas de la mort. Rien n’est aussi sûr que la mort. La sûreté de la centrale nucléaire vient juste après – ici en Suisse, pas forcément ailleurs.»

Les opinions divergent également sur la question des déchets. Alors que M. Bukhard voit dans l’argile à Opalinus (roche argileuse née de dépôts marins, formée il y a environ 180 millions d’années) la roche la plus appropriée, M. Schäfer fait valoir qu’on n’a aucune expérience, où que ce soit dans le monde, du stockage de déchets radioactifs dans les couches géologiques profondes. Pour Oeku, le fait qu’on ne sache pas vraiment si les déchets fortement radioactifs à longue durée de vie peuvent être stockés durablement sans risque est un argument en faveur d’une prochaine sortie du nucléaire.

Sauvegarder la création?

Sauvegarder la création grâce à l’énergie nucléaire? En fait, de même qu’Oeku, Ace se réclame de la réflexion écologique chrétienne. C’est là une chose qui n’est pas facile à comprendre, mais qui s’explique par le jugement plus critique porté par Ace sur l’énergie solaire et éolienne, également du point de vue écologique.

Le concept clé est en l’occurrence la protection du climat. Ce n’est pas nous qui avons créé le slogan «Paix, justice et sauvegarde de la création», dit M. Burkhard, mais il a eu pour effet d’inciter Ace à s’en servir dans son évaluation des différentes sources d’énergie. Il est important de s’appuyer sur des notions familières, estime M. Burkhard, qui se défend de «détourner ces notions de leur contexte». (FN)

Groupe de travail «Les chrétiens et l’énergie»

Le Groupe de travail «Les chrétiens et l’énergie» (Ace) a été créé en 1984. Il a pour but d’intervenir dans la définition de la politique suisse de l’énergie et il participe aux procédures de consultation correspondantes. Le groupe compte environ 80 membres, en majorité des réformés.

Parmi les six personnes constituant son Comité directeur figure le conseiller national PDC lucernois Pius Segmüller, ancien commandant de la Garde suisse. Un membre du Comité est professionnellement en rapport avec l’industrie nucléaire, a confirmé le président d’Ace Stefan Burkhard, pasteur réformé à Wettingen (Argovie).

Ace est financé par les cotisations (40 francs par an) et les dons de ses membres. Selon M. Burkhard, l’association ne reçoit pas de fonds de l’industrie nucléaire. LIENS

www.oeku.ch (site bilingue)

www.christenenergie.ch (site uniquement en allemand)