L'église de la Croix d'Ouchy en sursis

légende / crédit photo
i
[pas de légende]

L'église de la Croix d'Ouchy en sursis

Samuel Ramuz
14 février 2011
Malade, l'édifice lausannois situé sous-gare tremble sur ses fondations. Réaffectation? Démolition? La ville, propriétaire, tranchera. Mais pas tout de suite.


 

Premier lieu de culte construit hors les murs à Lausanne, l'église de la Croix d'Ouchy est en sursis. L'édifice situé sous-gare, malade, ne profite depuis quelques années que d'un entretien minimal, de l'ordre de 20 000 fr. par an. Et ne figure donc pas dans la liste de ceux que la ville, propriétaire, compte rénover.

« Mais son sort n'est pas encore fixé », rassure Oscar Tosato, municipal en charge du patrimoine cultuel dans la capitale. Consulté par le ville, le conseil de la paroisse protestante de Saint-Jean ne s'opposerait a priori pas à un repli sur ses deux autres lieux de culte, note son président Antoine Hartmann.

Démolition? Réaffectation? A l'heure actuelle, rien n'est exclu pour l'avenir proche du temple inauguré en 1840 sur ce qui était alors une morceau de campagne aux portes de Lausanne. Mais son classement architectural, en note 3, ne plaide pas en sa faveur. Ce qui n'en fait pas un monument historique à proprement parler, « à l'image du stade de la Pontaise », glisse l'édile socialiste, qui tient à rappeler l'importance de la présence territoriale des communautés religieuses en ville, « facteurs de cohésion sociale ».

Un de trop

Or les protestants réformés sont aujourd'hui surdotés en ville. « Que ce soit en matière de postes pastoraux ou de temples », concède, lucide, le pasteur Guy Dottrens, coordinateur des paroisses de Lausanne et d'Epalinges de l'Eglise évangélique réformée vaudoise (EERV) (lire encadré). Mais comment choisir les lieux de culte à réaffecter?

La paroisse de Saint-Jean en compte aujourd'hui trois: Saint-Jean de Cour, Montriond et, donc, la Croix d'Ouchy. Pour la Municipalité, c'est un de trop. Connue pour sa fresque de Rivier, le premier est intouchable. Il sert d'ailleurs de chapelle de repli pour le centre funéraire de Montoie. Quant au deuxième, sa construction récente (1964) et sa position centrale dans la paroisse plaident en sa faveur.

Reste donc l'église de la Croix d'Ouchy, son architecture caractéristique du XIXe lausannois et son clocheton. De fait, l'édifice se trouve au centre d'un dispositif qui comprend notamment le Centre pluriculturel d'Ouchy, le CPO - à la base Centre paroissial d'Ouchy. Lieu de créations artistiques multiples, le CPO accueille aussi des prestations de type social (dont les APEMS, qui accueillent les élèves notamment aux repas de midi) et se profile depuis quelques années comme un lieu de rassemblement fort dans le quartier.

« Notre avenir dépend de celui qui sera réservé à l'église », avance sa directrice Véronique Biollay Kennedy, qui précise que « la convention qui nous lie à la ville pour l'utilisation du terrain par droit de superficie s'arrête en 2017 ».

Cafétéria ou bibliothèque?

Une cafétéria et une bibliothèque investiront-elles un jour les lieux occupés aujourd'hui par l'église? Générateur de lien social, le projet n'en fait pas moins frémir une petite poignée de fidèles très attachés au lieu. Mais la Municipalité tient à l'identité visuelle de l'ensemble de la parcelle, porte d'entrée sur Ouchy et son port. A l'époque financée entre autres par des Anglais établis dans le secteur, l'église de la Croix d'Ouchy trouvera-t-elle son salut dans les multiples modèles de transformations d'édifices religieux venus du Nord de l'Europe? Réponse dans la législature qui s'ouvre ce printemps, foi d'Oscar Tosato.


La ville, laboratoire pour l'EERV

Postes qui passent à la trappe - environ 7 d'ici 2018 sur 22 -, temples réaffectés, présence forte des Eglises issues de la migration: les mutations que connaît actuellement l'EERV dans la capitale sont sans précédent. « L'érosion de la pratique religieuse en ville nous pousse à réagir », note le pasteur Guy Dottrens.

Si l'Eglise cantonale vient de lancer son projet « lieux-phares » (la Cathédrale, Saint-Laurent, Saint-François) pour mieux marquer sa présence au coeur de la cité, les paroisses lausannoises comptent aussi prendre le train en marche.

« Cet héritage immobilier riche (ndlr: une vingtaine de lieux de culte protestants à Lausanne) peut se transformer en poids s'il n'est pas utilisé de la manière la plus optimale », note Xavier Paillard, conseiller synodal. Lancée l'an dernier, la réaffectation du temple de Saint-Luc en maison de quartier, dans les hauts de la ville, en appelle donc d'autres.
ProtestInfo avait publié l'été passé un article sur les réductions de postes prévues dans la région Lausanne-Epalalinges ainsi qu'un autre qui rendait compte, notamment, de la décision du Synode de créer des lieux-phares.Cet article a été publié dans :

Le quotidien vaudois 24 Heures le samedi 12 février.