Le réformé subira-t-il le sort de l’homme de Néandertal?

légende / crédit photo
i
[pas de légende]

Le réformé subira-t-il le sort de l’homme de Néandertal?

10 novembre 2010
L'homme de Néandertal est aujourd’hui très à la mode! Il est le premier membre de notre famille a avoir eu des préoccupations métaphysiques. Est-il l’un de nos ancêtres ou seulement un cousin? A-t-il inventé l’art? Etait-il capable de compassion? Sa longue cohabitation avec nos ancêtres directs s’est-elle conclue par un métissage ou une extermination?

Chronique par Guy Le Comte

Les théories les plus récentes nous décrivent ses communautés de plus en plus réduites, inadaptées à un environnement nouveau, disséminées sur un large espace, sans lien possible entre elles et s’éteignant l’une après l’autre. La dernière aurait survécu quelques temps, à Gibraltar, face à une Afrique visible, mais inaccessible, avant de disparaître.

 

Le sort de Néandertal m’interpelle et je me demande si l’espèce à laquelle j’appartiens, l’homo reformatus helveticus, ne subira pas bientôt le sort de son lointain prédécesseur.

Le sort de Néandertal m’interpelle et je me demande si l’espèce à laquelle j’appartiens, l’homo reformatus helveticus, ne subira pas bientôt le sort de son lointain prédécesseur. Ses tribus vivent aujourd’hui dispersées et réduites sur un continent agnostique, en proie aux déchaînements des égoïsmes, leur territoire se réduit, leur audience aussi. On efface autant que faire se peut leur mémoire, en n’enseignant plus l’histoire ou en colportant une légende noire calvinienne.

L’homo reformatus helveticus n’a pas une très longue histoire. Les premiers réformés se sont élevés contre la prétention qu’avait l’église de leur imposer à tous une interprétation de la Parole de Dieu, basée sur la tradition beaucoup plus que sur l’Ecriture. Il convenait donc d’enseigner sans cesse et partout la vérité nouvelle et libératrice et, pour éviter le retour des erreurs du passé, il fallait mettre chaque fidèle en état de juger par lui-même dans l’Ecriture le bienfondé des thèses nouvelles.

Mettre en place un système de formation qui permette de comprendre à quoi l’on s’engage au moment d’entrer dans la communauté et de savoir pourquoi on le fait ne fut pas une mince affaire. La connaissance de l’Ecriture est centrale dans le système réformé et l’on fit à chaque membre de la communauté l’obligation de perfectionner sans cesse ses connaissances, en assistant au culte, bien sûr, mais aussi en lisant et en relisant sa bible, soit seul, soit en famille.

Le système éducatif des réformés se perfectionna au fil des siècles. A Genève, dans les années 50 du siècle dernier, les enfants étaient pris très tôt en charge, et l’entrée à l’école du dimanche précédait souvent l’entrée à l’école. Les élèves recevaient une instruction biblique factuelle. Les moniteurs racontaient la bible ou plutôt des histoires tirées de la bible et, d’abord, de l’Ancien Testament. 

Les cours d’instruction religieuse ne commençaient qu’en quatrième année de l’école primaire. Ils avaient lieu à l’école, mais après l’horaire scolaire, Genève étant une république laïque. Le pasteur de la paroisse en était responsable. A la fin de l’école obligatoire commençait le catéchisme qui traitait des questions de foi et d’éthique. L’examen de fin de catéchisme, hérité des premiers réformés, se faisait lors d’entretiens avec le pasteur et une délégation du conseil de paroisse.

 

L’enseignement insistait beaucoup sur la respon-sabilité personnelle. (...)
Les nouveaux paroissiens devaient être capables de faire des choix et de les assumer. Ils devaient aussi être ouverts aux autres et aider les plus démunis.

L’enseignement insistait beaucoup sur la responsabilité personnelle. Les nouveaux paroissiens devaient, idéalement, être dotés d’une bonne culture biblique et avoir développé une éthique personnelle. Ils devaient être capables de faire des choix et de les assumer. Ils devaient aussi être ouverts aux autres et aider les plus démunis.

Les paroisses et les associations chrétiennes fournissaient à chacun un abondant matériel, calendriers, choix de lecture et de textes favorisant la lecture quotidienne de la bible. Certains de ces calendriers tiraient à plus de 100 000 exemplaires pour la seule Suisse romande. De nombreux groupes de réflexion permettaient de partager et de prolonger ces lectures.

Ce système qui ne faisait pas que des heureux, je le sais bien, et auquel tous n’étaient pas très assidus, était très gourmand d’une denrée devenue très précieuse, le temps. Les catéchumènes d’aujourd’hui ont beaucoup moins de temps à consacrer à leur formation, leur culture biblique est moins profonde et, si leur famille n’ y a pas veillé, leur bagage éthique est plus pauvre que celui de leurs devanciers.

J’en ai bien peur, le XXIe siècle marquera la fin de l’homo reformatus. Qui voudra le rencontrer devra se rendre au musée. Il a été l’un des artisans de la naissance des sociétés modernes et a marqué l’histoire  de la Suisse. Je souhaite bonne chance à son successeur, car le monde, s’il continue comme il va, aura besoin qu’on lui rappelle le message libérateur des évangiles.



LIRE

La précédente chronique de Guy Le Comte: Quel lien peut-il y avoir entre le vote des femmes et l'abolition de la peine de mort ?