Le pasteur, le diacre et le laïc

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Le pasteur, le diacre et le laïc

28 mars 2010
Pénurie de vocation aidant, des diacres et des laïcs risquent de prendre en charge – dans certains cantons - des activités réservées jusqu'ici aux pasteurs. La question de leur formation théologique se pose sur fond de crise dans les facultés.


Sur le terrain, les équipes commencent à souffrir. Dans le canton du Jura et celui de Berne, côté francophone, un tiers des 35 postes de pasteurs devront trouver preneur d'ici 2014, a indiqué à ProtestInfo le pasteur Marc Balz. Dans la région qui englobe Tavannes, Prévôté et Tramelan, 2,6 postes sur 8,1 sont déjà vacants. « Les pasteurs sont difficiles à recruter. Mais c'est encore plus difficile dans une vallée comme la nôtre »,  a expliqué le pasteur Philippe Kneubühler.

Cette situation peut surprendre à Berne, un canton qui compte encore une majorité de réformés dans sa population. De plus, dans ce canton les conditions salariales des pasteurs se placent en haut de l'échelle en comparaison tant intercantonale qu'internationale.
Système D Pour parer au manque, les équipes pastorales se débrouillent comme elles peuvent. Des ministres retraités et des catéchètes professionnels viennent à la rescousse. Dans une perspective de 6 mois à deux ans, les équipes vont toutefois être mises sous pression et des activités seront sans doute laissées de côté, estime M. Balz.

Quelle stratégie adopter à plus long terme? Car les réformés, comme les autres religions officielles, vivent un paradoxe. Bien qu'en perte de vitesse, leurs responsables doivent veiller au renouvellement constant des postes. Or pour l'instant, les facultés ne forment  pas suffisamment d'étudiants pour assurer la relève.

Elargir la palette des responsabilités des diacres et des laïques est l'une des pistes envisagées, même si le vivier des diacres montre aussi ses limites. Or, à Berne, le canton finance uniquement les salaires des pasteurs, pas celui des diacres. Autre difficulté dans ce canton: les pasteurs et les diacres ont des missions clairement distinctes, influencés en cela par le modèle alémanique,  où les diacres sont clairement des assistants sociaux ou des éducateurs.
Défi Le défi qui attend l'Eglise réformée vaudoise (EERV) est aussi d'envergure: sur les 200 postes à plein temps (204,5) prévus en 2025, l'institution devra repourvoir 162 postes. Elle doit, en effet, compter avec 197 départs à la retraite dans un délai de 15 ans.

Pour la direction en place, la difficulté sera dépassée par des engagements annuels: « Nous allons bientôt avoir besoin de 10 à 12 personnes par année», a expliqué Jean-Michel Sordet, actuel membre du conseil synodal vaudois.

L'EERV compte en partie sur un recrutement dans les autres cantons francophones et en France. Vaud peut aussi engager plus facilement des diacres que le canton de Berne. Ici, les responsabilités entre pasteurs et diacres sont proches, à l'exception des sacrements.
Qui fait quoi? « Dans le canton de Vaud, il est impossible de garantir la distinction entre les deux fonctions sur le terrain. Sur le plan éthique, cela pose la question de l'équité des rémunérations pour des tâches égales », a souligné Olivier Favrod, modérateur de l'Office protestant de la formation (OPF). Cette organisation s'occupe de la formation professionnelle des pasteurs et des diacres des six cantons romands, via la Conférence des Eglises romandes (CER).

Les diacres vaudois ont vu leur salaire légèrement augmenter lors de la dernière négociation de la  convention collective de travail (CCT). Une petite partie de la contribution de crise leur est également attribuée.

A Genève, la situation est encore différente. Depuis la fin des années 70, pasteurs et diacres reçoivent le même salaire, signe d'une même reconnaissance des deux ministères. La direction vient de demander de distinguer les deux fonctions en terme de formations et de mandats confiés. Le Consistoire, le parlement de l'Eglise protestante genevoise (EPG), a accepté cette différenciation professionnelle il y a une dizaine de jours, sans pour autant renoncer à l'égalité salariale.
Valeurs ajoutées du protestantisme La formation théologique des ministres est essentielle pour la présidente de l'EPG, Charlotte Kuffer. Elle tient avant tout à ce que celle-ci ne soit pas bradée ces prochaines années sur l'autel des économies. « La capacité théologique des ministres, comme celle de leur prédication, est l'une des valeurs ajoutées du protestantisme », estime-t-elle.

Au niveau romand, « la pénurie s'annonce depuis une quinzaine d'années », a souligné M. Favrod, modérateur de l'OPF. Mais pour l'heure, les responsables du milieu réformé sont dans l'expectative. « Comme le nombre de pasteurs est dépendant du nombre – en baisse - de réformés dans les cantons, l'analyse prévisionnelle s'avère difficile pour les équipes en place », a dit M. Favrod.
Urgence sur le terrain Sur le terrain en revanche, on juge la situation urgente. Une piste serait de développer une filière de formation pastorale pour des professionnels ou des étudiants engagés dans d'autres secteurs, estime M. Kneubühler. Pour cela, un nouveau plan d'étude et un système de bourses devraient être mis sur pied rapidement.

Dans l'intervalle, des diacres et des laïcs risquent d'assumer des tâches pastorales avec une formation théologique insuffisante.

Tania BuriFormations adaptées au contexte

Pour un ancien assistant en faculté de théologie, les réformés ont manqué le coche, en 2004, au moment de la création de la Fédération des Facultés de théologie, qui regroupe Lausanne, Genève et Neuchâtel. « Il existait avant la Fédération un séminaire d'études théologiques à Neuchâtel, qui permettait aux diacres et aux laïcs d'obtenir une formation théologique de base, après un ou deux ans », a-t-il expliqué.

Cette formation n'existe plus. En effet, lors du passage au système de Bologne, l'ancienne licence a été transposée en master (5 ans). Le bachelor (3 ans) n'a pas été considéré sérieusement comme un titre universitaire, mais uniquement comme un tremplin vers le master.

Permettre à des étudiants en théologie d'aller sur le terrain après le bachelor - et pas seulement après le master - a été écartée. Cette piste est à nouveau étudiée par Neuchâtel, sous l'oeil attentif des autres cantons romands. Selon M. Favrod de l'OPF, il s'agirait d'engager un étudiant en théologie après son bachelor. Il  terminerait ensuite son master en cours d'emploi.

Les étudiants, qui ont suivi un bachelor dans une autre discipline que la théologie, ne peuvent pas non plus, pour l'heure,  – sauf exception – bifurquer vers un master en théologie.