Protester oui, mais jusqu’où?
2 mars 2009
Cinq cents ans après Calvin, son Eglise est-elle encore assez protestante? Vaste question qui a animé le débat à l’église du Pasquart le 24 février, dans le cadre de l’année Calvin09
Invités pour en débattre, Martina Schmidt, secrétaire romande de Pain pour le prochain, docteur en théologie, Lucien Boder, pasteur, conseiller synodal et membre du Conseil de la Fédération des Eglises protestantes de Suisse (FEPS), et Josef Zisyadis, conseiller national (POP) et théologien. Déception: ce «protestataire» notoire s’est désisté 24 heures à l’avance au profit d’une invitation à participer à l’émission Infrarouge de la TSR. C’est Carmelo Catalfamo, enseignant, conseiller de paroisse biennois et militant de gauche qui a accepté de le remplacer au pied levé.
Dynamiques et freins à la protestation
Pour Lucien Boder, l’Eglise institution est une grosse machinerie pas très protestataire. Mais en son sein, il existe de petits groupes qui agissent comme des aiguillons: «Il y a eu de grands débats en Suisse à propos de l’apartheid, beaucoup de croyants ont protesté, mais l’Eglise a peu bougé. Peut-être parce que ce n’est pas le rôle des apparatchiks de monter au front.»
Il y a parfois des choses que l’institution n’a pas trop envie d’entendre: «Mais elle n’est pas sourde. Il ya toujours des regards critiques sur la société à l’intérieur de l’institution.» Il reconnaît néanmoins qu’elle a parfois du mal à se faire entendre.
Pour Martina Schmidt, si l’institution s’occupe uniquement de sa survie et ne soutient pas les contestataires, rien ne se changera: «Les mouvements de libération en Amérique latine ont réussi à convaincre l’institution. Ils sont devenus un contre-pouvoir qui a permis de renverser des dictatures. Actuellement, l’institution ne se préoccupe plus que de sa survie et a remis en place des évêques dans la ligne de Rome.»
En 1964 lors de l’assemblée de la Fédération des Eglises protestantes de Suisse (FEPS), une proposition d’investir une partie de l’argent destiné à l’armée dans le développement a été renvoyée: «L’institution a failli. Mais quatre ans plus tard naissait la Déclaration de Berne (DB), qui existe toujours et continue de soulever des questions épineuses.
Idem pour le mouvement anti-raciste et l’apartheid: l’Eglise n’a pas voulu s’engager. Aujourd’hui, les successeurs d’André Biéler, fondateur de la DB, se font rares. Mais les militants existent encore. Ce ne sont plus forcément des théologiens, mais des humanistes, que l’on retrouve notamment dans des mouvements comme ATTAC.
Pour Carmelo Catalfamo, le protestantisme doit se comprendre comme une position, une force, l’incarnation d’une foi qui garde une distance critique face » à la société, quelle qu’elle soit, et même si tout va bien: «Etre chrétien, c’est ne pas adhérer, ne pas se conformer, être toujours un aiguillon. Sinon, on en revient à l’Eglise de Constantin: une Eglise de pouvoir!»
Aujourd’hui, les chrétiens vivent au cœur des tensions de la société libérale: «Il y a des croyants qui s’engagent, et c’est cela qui est important. Il faudrait inventer une théologie de la libération pour les pays développés, leur permettant de dire non au sous-développement des pays du Sud.» Fourre-tout ou profil engagé? Que l’Eglise soit un lieu de rencontre ouvert à tous -y compris aux dirigeants de multinationales - n’est-il pas inconciliable avec la proclamation d’un Evangile courageux et protestataire?
Martina Schmidt admet que souvent, l’on ne veut pas froisser les fidèles paroissiens. Mais il ne faut pas tout mélanger «Je n’ai aucun problème à célébrer un culte avec des gens de l’UDC. Mais quand il s’agit d’exercer une fonction, il faut distinguer.»
Dans le cas de la nomination de Roland Decorvet, directeur de Nestlé, au Conseil de l’Entraide protestante (EPER), elle est catégorique: «Monsieur Decorvet est certainement un bon chrétien. C’est sa fonction à Nestlé qui créée un conflit d’intérêts: Nestlé achète des sources dans un but lucratif et en prive les populations, alors que l’EPER soutient des projets d’autonomisation des populations et de l’accès gratuit à l’eau pour tous. Il ya un problème et il faut le dire!»
Représentant de l’institution Eglise, Lucien Boder convient que ses positions sont parfois timorées. Les statistiques de sorties d’Eglise inquiètent: «La solution: être plus profilés? Peut-être. Mais nous avons peur de froisser les gens. Et je ne pense pas que notre rôle consiste à les bousculer ».
Pour Carmelo Catalfamo, l’Eglise a le devoir de pluralité, et donc l’exigence du débat: «Ce qui n’empêche pas qu’il y ait de grandes différences sur des questions de société, d’écologie, de pensée. Peu importe. Discutons-en! Le pire, c’est de vouloir être gentils et d’accord avec tout le monde. Débattons!»
Il y a parfois des choses que l’institution n’a pas trop envie d’entendre: «Mais elle n’est pas sourde. Il ya toujours des regards critiques sur la société à l’intérieur de l’institution.» Il reconnaît néanmoins qu’elle a parfois du mal à se faire entendre.
Pour Martina Schmidt, si l’institution s’occupe uniquement de sa survie et ne soutient pas les contestataires, rien ne se changera: «Les mouvements de libération en Amérique latine ont réussi à convaincre l’institution. Ils sont devenus un contre-pouvoir qui a permis de renverser des dictatures. Actuellement, l’institution ne se préoccupe plus que de sa survie et a remis en place des évêques dans la ligne de Rome.»
En 1964 lors de l’assemblée de la Fédération des Eglises protestantes de Suisse (FEPS), une proposition d’investir une partie de l’argent destiné à l’armée dans le développement a été renvoyée: «L’institution a failli. Mais quatre ans plus tard naissait la Déclaration de Berne (DB), qui existe toujours et continue de soulever des questions épineuses.
Idem pour le mouvement anti-raciste et l’apartheid: l’Eglise n’a pas voulu s’engager. Aujourd’hui, les successeurs d’André Biéler, fondateur de la DB, se font rares. Mais les militants existent encore. Ce ne sont plus forcément des théologiens, mais des humanistes, que l’on retrouve notamment dans des mouvements comme ATTAC.
Pour Carmelo Catalfamo, le protestantisme doit se comprendre comme une position, une force, l’incarnation d’une foi qui garde une distance critique face » à la société, quelle qu’elle soit, et même si tout va bien: «Etre chrétien, c’est ne pas adhérer, ne pas se conformer, être toujours un aiguillon. Sinon, on en revient à l’Eglise de Constantin: une Eglise de pouvoir!»
Aujourd’hui, les chrétiens vivent au cœur des tensions de la société libérale: «Il y a des croyants qui s’engagent, et c’est cela qui est important. Il faudrait inventer une théologie de la libération pour les pays développés, leur permettant de dire non au sous-développement des pays du Sud.» Fourre-tout ou profil engagé? Que l’Eglise soit un lieu de rencontre ouvert à tous -y compris aux dirigeants de multinationales - n’est-il pas inconciliable avec la proclamation d’un Evangile courageux et protestataire?
Martina Schmidt admet que souvent, l’on ne veut pas froisser les fidèles paroissiens. Mais il ne faut pas tout mélanger «Je n’ai aucun problème à célébrer un culte avec des gens de l’UDC. Mais quand il s’agit d’exercer une fonction, il faut distinguer.»
Dans le cas de la nomination de Roland Decorvet, directeur de Nestlé, au Conseil de l’Entraide protestante (EPER), elle est catégorique: «Monsieur Decorvet est certainement un bon chrétien. C’est sa fonction à Nestlé qui créée un conflit d’intérêts: Nestlé achète des sources dans un but lucratif et en prive les populations, alors que l’EPER soutient des projets d’autonomisation des populations et de l’accès gratuit à l’eau pour tous. Il ya un problème et il faut le dire!»
Représentant de l’institution Eglise, Lucien Boder convient que ses positions sont parfois timorées. Les statistiques de sorties d’Eglise inquiètent: «La solution: être plus profilés? Peut-être. Mais nous avons peur de froisser les gens. Et je ne pense pas que notre rôle consiste à les bousculer ».
Pour Carmelo Catalfamo, l’Eglise a le devoir de pluralité, et donc l’exigence du débat: «Ce qui n’empêche pas qu’il y ait de grandes différences sur des questions de société, d’écologie, de pensée. Peu importe. Discutons-en! Le pire, c’est de vouloir être gentils et d’accord avec tout le monde. Débattons!»