Monothéismes: les filles d’Eve paient le prix fort

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Monothéismes: les filles d’Eve paient le prix fort

29 décembre 2003
A l’heure où en France le débat sur le foulard islamique bat son plein, il est bon de se rappeler que presque toutes les religions anciennes ont considéré la femme comme inférieure et ont travaillé à sa mise à l’écart
L’Eglise chrétienne ne fut pas en reste : petit rappel avec l’historien français Guy Bechtel et son livre, « Les quatre femmes de Dieu », qui vient de sortir en collection de poche. Si le christianisme n’a pas imposé le port du voile ni les mutilations sexuelles aux femmes, il n’a pas remis véritablement en question le statut d’infériorité qui leur était attribué, marquées à jamais par la faute originelle. Les filles d’Eve vont payer le prix fort du paradis perdu. Elles seront durablement considérées comme des êtres vils, faibles, félons, voire lubriques, bavards et ne valant rien, à tenir absolument à l’écart. La tradition juive va encore aggraver le cas d’Eve, en affirmant dans le Lévitique : « C’est par la femme que le péché a commencé et c’est à cause d’elle que tous nous mourrons ». « Autant de femmes, autant des sorcières », renchérit pour sa part le rabbin Hillel. Les femmes sont bien mal parties.

L’attitude de Jésus face aux femmes, si elle fut courageuse, ne les a toutefois libérées d’aucune manière de leur condition : entouré de femmes, il n’hésite pourtant pas à leur rendre visite, se laisse approcher par l’une d’elles qui est impure et la guérit, arrête la main de ceux qui veulent lapider la femme adultère, pardonne à Marie-Madeleine la pécheresse. Cela ne suffit pas à changer les mœurs de toute une époque.

Les ambiguïtés de l’apôtre Paul ne vont pas arranger les choses : s’il affirme qu’il «n’y a plus ni esclave ni homme libre, il n’y a plus ni homme ni femme, car tous, vous n’êtes qu’un en Jésus Christ », il s’empresse par ailleurs de rappeler que « l’homme est le chef de la femme » et qu’il est honteux pour une femme de prier sans être voilée. Il fait taire les femmes dans les assemblées : « Il ne leur est pas permis d’y parler ; mais qu’elles soient soumises, comme le dit aussi la loi ».

Les Pères de l’Eglises s’empressèrent de lui emboîter le pas et tinrent soigneusement les femmes à l’écart, pour conjurer l’ancestrale peur à leur égard. Saint Thomas ira jusqu’à préciser que la femme est un « être chétif et défectueux », Odon de Cluny (mort en 942) la traitera carrément de « sac de fiente », Bernard de Clairvaux (1090-1153) poursuivra sur la lancée de son prédécesseur et parlera de « sac à ordure ». De quoi entretenir chez les femmes un éternel sentiment de culpabilité.

Au fil des siècles, les ecclésiastiques se mettent à fustiger l’amour physique et la grossesse, « hideuse » selon Saint Jérôme, et valorisent le célibat. Les théologiens donnent toutefois peu à peu aux femmes une chance de sortir du mépris dans lesquelles on les tient, en valorisant la maternité, à l’image idéalisée de Marie. C’est un cadeau empoisonné. Selon le dogme de l’Immaculée Conception édicté en 1854 par l’Eglise catholique, non seulement Marie est restée vierge mais elle est née sans la marque du péché originel. Elle réhabilite la femme, à condition que cette dernière renonce à son sexe, source de tous les maux. Entre mères et putains, le statut des filles d’Eve ne s’arrangent pas vraiment.

Dans son ouvrage, « Les quatre femmes de Dieu », Guy Bechtel recense toutes les formes que prit la haine des femmes au cours des différentes époques et qui n’a pas fini, sous des formes plus voilées et sans doute plus inconscientes, de resurgir encore et encore. Et résume son ouvrage d’une phrase lapidaire : « Aucun groupe au monde n’a été si longtemps et si durement insulté ». Guy Bechtel, les quatre femmes de Dieu, la putain, la sorcière, la sainte & Bécassine, éd. Pocket 2003.

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