Genève : la Bible privée de transports publics à Noël

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Genève : la Bible privée de transports publics à Noël

27 novembre 2003
Contrairement à une quinzaine de villes Suisses, les bus et trams de la Cité de Calvin n’afficheront pas de versets bibliques durant les Fêtes
Alors que la direction des TPG parle de prosélytisme, les initiants se demandent s’il est encore possible d’évoquer le sens chrétien de la Nativité. Enquête. Cette année, il n’y aura pas de versets bibliques dans les trams et bus genevois. La direction de la société publicitaire des Transports publics genevois (TPG) vient en effet de refuser un campagne prévue pour la période de Noël sous forme d’affichettes suspendues à l’intérieur des véhicules. Sur ces panneaux, ni numéro de téléphone, ni mention d’une Eglise particulière, simplement l'image d'une bougie et un passage de l’Evangile de Luc : « Voici je vous annonce une bonne nouvelle, c’est aujourd’hui que vous est né un Sauveur ! ».

En cette période de fête chrétienne par excellence, puisque son vrai sens n’est pas de célébrer le consumérisme et les sapins mais la naissance de Jésus, un passage des Ecritures n’a donc pas le droit de cité dans les TPG. Selon le directeur de « TPG Publicité », filiale commerciale chargée de les trams, « cette campagne est contraire au code de déontologie de notre entreprise ». Pourtant, cette initiative existe depuis plusieurs années et cela dans de nombreuses villes de Suisse. « Chez nous, elle a simplement passé entre les gouttes jusqu’ici », souligne Ernest Beer.

Par la bouche de leur porte parole Xavier Farinelli, les TPG expliquent leur veto par un règlement qui interdit tout prosélytisme à caractère religieux et toute communication de cet ordre qui ne soit pas liée à un événement précis comme une rencontre ou une fête de paroisse. « Nos normes sont inspirées par l’Union internationale des transports publics. Nous ne pratiquons aucun ostracisme », signale Ernest Beer. Pas de pub pour les cigarettes et le tabac, par exemple. En revanche, vanter les mérites d’un cabaret chaud de la ville ne dérange pas. « Parce que le Département de justice et police le tolère dans la rue ». Et les slogans d’une récolte de fonds en provenance de l’Eglise catholique genevoise sont les bienvenus, les TPG proposant aux réformés d’en faire de même l’année prochaine. « Ce sont des messages confessionnels, rattachés à une entité précise. Caritas et les organisations de bienfaisance ne nous dérangent pas davantage. C’est une question de transparence », rétorque Ernest Beer. Visiblement, l’année dernière, quelques usagers se sont plaints et les TPG ne tiennent pas à renouveler l’expérience. « Genève est une ville pluriculturelle et il faudrait alors donner aussi notre aval pour un verset du Coran », ajoute le directeur du secteur publicitaire.Pas de problème ailleursAilleurs, rien de tel. Ladite campagne s’affichera dans les bus et trams de plus d’une quinzaine de cités du pays, dont Lausanne : « Pour nous, il ne s’agit nullement d’une incitation, mais simplement des citations compréhensibles par tous. Nous ne voyons aucune raison de les interdire », note par exemple Klaus Schaefer, porte-parole des transports publics de la capitale vaudoise. Du côté de l’ « Agence C » à l’origine du projet (lire encadré), on ne comprend pas la volte-face genevoise : « D’autant que la Bible tient une place capitale dans notre patrimoine culturel. Il s’agit simplement de lui donner une visibilité en ces périodes de Fêtes, sans aucune volonté de recrutement, puisque nos panneaux ne comportent rien d’autre », tempête à Aubonne le journaliste Christian Willi, vice-président du comité de l’Agence C. Il veut bien croire qu’il y ait eu des mécontents, comme il y en a toujours. « Est-ce que ces gens sont aussi tristes d’avoir congé le 25 décembre ? Il s’agit de se demander s’il paraît encore possible d’évoquer le vrai sens de nos traditions. Genève est une capitale protestante, et les gens qui s’y installent le savent !».

Cette affaire émeut modérément Joël Stroudinsky. Le président de l’Eglise protestante genevoise (EPG) avoue un « sentiment mitigé » vis-à-vis des ces textes bibliques présentés comme « une affirmation marketing ». « Je crois que les Ecritures méritent mieux qu’une contextualisation marchande ». Joël Stroudinsky note que ce type d’action provient de milieux évangéliques germanophones, c’est-à-dire de gens convaincus de la force d’action de la Parole dans sa littéralité même. « Alors que pour nous, l’esprit de Dieu agit dans le cœur de celui qui lit, pour autant qu’il soit reçu dans un contexte d’interpellation, pas entre deux portes ». Enfin, le président de l’EPG rappelle que la Bible s’avère aujourd’hui largement accessible dans nos contrées, et que sa diffusion ne représente pas à ses yeux un enjeu pour l’Eglise. « Cela dit, cet épisode pose une vraie question : est-il encore possible d’affirmer que Noël contient avant tout un message chrétien ? ».