Culte au bistrot en plein quartier chaud zurichois

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Culte au bistrot en plein quartier chaud zurichois

20 novembre 2003
Le dimanche matin, la Langstrasse est une rue morte
Prostituées, travestis, junkies, dealers et habitués des peep shows et des bars interlopes l’ont désertée. Un seul café est ouvert, le Casablanca, où s’affaire un homme en noir, la cinquantaine svelte et bronzée, en chemise à col romain et long tablier rouge, Anselm Burr. Il n’est ni curé, comme pourrait le faire croire son habit, ni garçon de café, mais pasteur à l’église ouverte St-Jakob. Reportage.

Sur le coup de 10 heures, la sacristaine de la paroisse arrive avec un caddie rempli de psautiers qu’elle distribue à la vingtaine de personnes qui s’engouffre dans le bistrot. Un dimanche par mois, Anselm Burr loue le bar à café pour célébrer le culte. Sa façon à lui d’assurer une présence spirituelle au cœur de l’arrondissement mal famé que les Zurichois évitent soigneusement. La prédication qui a pour thème, « Vieux, mortel mais joyeux », se déroule dans un silence inhabituel pour un bar à café, que trouble régulièrement le moteur de l’armoire frigorifique. L’organiste de la paroisse, Sacha Rüegg, 31 ans, accompagne les cantiques au piano. De rares passants regardent par les baies vitrées cette étrange assemblée chantante. Surgit alors un travesti excentriquement vêtu. « Vous avez du Redbull ? ». « Non, mais on peut vous offrir un café et un bircher ». Le ministre cafetier lui tend un gobelet de nourriture que son interlocuteur jette avec mépris sur le comptoir avant de ressortir en se drapant dans son voile à sequins. Le pasteur hausse les épaules. Il en a vu d’autres. Les paroissiens ne bronchent pas.

Spécialiste de la cure d’âme et du travail social, Anselm Burr a toujours accueilli les marginaux, les homosexuels, les paumés du quartier et les connaît bien. Ses paroissiens ayant fondu comme neige au soleil avec la mutation du quartier, voué désormais aux bureaux et au monde de la nuit et habité par des gens de plus de cent nationalités différentes, il a choisi de poursuivre la démarche sociale et spirituelle qu’avait entreprise son prédécesseur, et qui s’inscrit dans le mouvement « Eglise ouverte » qui s’est développé dans les villes en Grande-Bretagne, en Hollande et en Allemagne.

L’église du container

L’idée de s’installer avec sa bible au café est venue au pasteur zurichois il y a 6 mois, lorsqu’il a dû se replier dans le baraquement dressé devant l’église St-Jakob, à cause des travaux de rénovation du temple. Chaque semaine, il ouvre son « église du container », comme il l’appelle, à des guérisseurs, organise des méditations zen, des concerts, des séances de danse spirituelle ; une fois par an, il bénit les animaux au cours d’un service religieux très fréquenté. Et un dimanche par mois, il s’en va au bistrot, sa bible sous le bras, offrir le café et la tresse, apporter des paroles de réconfort et se mettre à disposition des passants qui font halte au Casablanca. Le culte terminé, Anselm Burr remet son tablier et sert des consommations jusqu’en fin de journée, sous le regard d’Humphrey Bogart et Ingrid Bergman, couple mythique de l’affiche du film qui a donné son nom au café.

Sortis d’Eglise

Un couple de Vaudois installé à Zurich depuis plus de vingt ans, a assisté au culte, tout en se disant sorti de l’Eglise, quoique… « Avec Anselm, on y revient par la porte du café ! » expliquent-ils en riant. Ils ont été conquis par le charisme du pasteur, sa parole ancrée dans la réalité quotidienne, en empathie avec les gens.

Après son service, Anselm Burr file à Bâle pour y assister à l’installation de son confrère le pasteur André Feuz dans son nouveau ministère à la St-Elisabethen Kirche, l’église ouverte située en plein quartier des banques. C’est la communauté gay de Bâle qui reçoit le nouveau pasteur.

Noël au Casablanca

Son prochain dimanche au bistrot aura lieu le 24 décembre. Il y a organisé la veillée de Noël. Après s’être fait remarquer des Zurichois pour avoir amené des brebis et un âne dans son église pour la crèche, il célèbrera la Nativité au Casablanca avec un orchestre tzigane.Il y lira le récit de la Nativité. Sa façon à lui de rappeler les paroles du Christ rapportées dans l’Evangile de Matthieu : « Là ou deux ou trois personnes sont réunies en mon nom, je suis au milieu d’elles ».

www.offener-st-jakob.ch