Guerre en Irak :Des chrétiens suisses expatriés partagent la colère des musulmans

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Guerre en Irak :Des chrétiens suisses expatriés partagent la colère des musulmans

25 mars 2003
Volontaires suisses engagés à l’étranger, ils sont présents dans le voisinage de la guerre, en Jordanie, Egypte, et au Liban
Comment vivent-ils ce quotidien avec leur entourage et leur communauté religieuse ? Témoignages après ces premiers jours de conflit, entre autres d'une Vaudoise qui se trouve à la frontière jordano-irakienne. Rester ou partir ? La question a longtemps fait hésiter Amélie*. Cette jeune infirmière suisse de 25 ans séjourne en Jordanie depuis bientôt cinq mois. La guerre qui s’est déclarée a mis fin à l’incertitude : la jeune femme a décidé de rester, tant que les conditions le permettront. Elle se trouve actuellement dans le camp de réfugiés à la frontière jordano-irakienne comme infirmière volontaire pour le croissant rouge. Même si aucun signe d’exode massif ne se manifeste aux alentours d’un camp organisé pour accueillir dix mille personnes environ, Amélie confie : « Les gens sont concernés par les réfugiés, car lors de la guerre du Golfe, il y en a eu beaucoup et c’est dans les souvenirs de tous ». Avant de se porter volontaire en tant qu’infirmière, Amélie a eu l’occasion de partager le quotidien d’une famille jordanienne et de s’intégrer dans une paroisse de l’Eglise évangélique d’Amman, membre de la Christian Missionary Alliance. La guerre va certainement bouleverser les projets de la jeune Suissesse, qui avait tout simplement prévu de passer une année en Jordanie pour apprendre l’arabe, mieux connaître les chrétiens palestiniens et travailler dans un dispensaire de la capitale. « Je suis personnellement très touchée de voir l’intérêt et la disponibilité des églises à aider de manière toute pratique », indique-t-elle avec philosophie, sachant que cinq d’entre elles viennent de se grouper pour assurer l’alimentation d’éventuels réfugiés dans le camps B à la frontière.

§Convergence de vuesÀ Beyrouth, les étudiants de Marc Schöni, professeur dans un Institut de théologie protestante, la Near East School of Theology (NEST), partagent un fort sentiment d’impuissance et d’abattement. « La guerre est l’un des principaux sujets de prière dans les cultes quotidiens de la NEST» ajoute-t-il, conscient qu’il ne s’agit là que d’« un moyen d’action verbal ». Lecteur attentif de la presse libanaise, Marc Schöni note à quel point la convergence de vues est nette. « Tout le monde est opposé à la guerre américano-britannique en Irak », et de signaler que même le patriarche maronite, Nasrallah Sfeir, réputé pour ne pas afficher des positions prosyriennes, a salué la prise de position du président Bachar el-Assad, qui a rangé Damas aux côtés de la France et de l’Allemagne, clairement opposées au conflit. Chrétiens et musulmans au Liban se retrouvent dans leur opposition à cette agression contre l’Irak.

Au Caire, où Christian Mairhofer vit depuis deux ans avec sa femme, qui est française, et leurs deux petites filles, l’indignation se généralise dans la rue. Le pasteur engagé dans la paroisse protestante francophone voit passer des manifestations assez agitées. «Un groupe d’une centaine de manifestants est passé dans notre rue, raconte-t-il, et nous avons craint un moment pour le fast-food américain situé au pied de l’immeuble, mais bientôt des policiers anti-émeutes y étaient déployés… ». A-t-il des craintes à cause de son origine ? « Si nous étions américains, nous aurions beaucoup plus de crainte. Mais le fait de se présenter en tant que franco-suisse rassure et apaise nos interlocuteurs ». Dans les Eglises, on a déjà fixé des journées de prière, mais dans la rue jusqu’à quand la colère pourra-t-elle rester raisonnable ?

*prénom d'emprunt