Et si le pasteur était gay?L'Eglise évangélique réformée vaudoise planche sur la question

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Et si le pasteur était gay?L'Eglise évangélique réformée vaudoise planche sur la question

20 mars 2003
Une table ronde publique et une journée de réflexion consacrée à l’homosexualité les 28 et 29 mars prochain: l’Eglise évangélique réformée se lance dans le débat afin de définir une approche aussi bien pratique que théologique d’un problème de société désormais incontournable
Histoire de savoir quelle attitude adopter au cas où un pasteur révélait publiquement son orientation homosexuelle ou si des partenaires du même sexe demandaient la bénédiction de leur couple. Se profiler clairement à l’égard de celles et ceux qui aiment autrement est un véritable défi pour le protestantisme fondé sur la diversité et la tolérance. L’Eglise évangélique réformée du canton de Vaud compte-t-elle des pasteurs et des diacres qui ont fait leur coming out ? Pas à la connaissance d’Olivier Favrod, responsable des ministères de l’EERV, ni de Pierre Glardon, responsable de la formation des ministres. Ce qui ne signifie pas qu’il n’y ait pas d’homosexuels dans le corps pastoral. Pas trace non plus de ministres qui auraient assumé au grand jour leur orientation homosexuelle dans le rapport confidentiel sur le sujet commandé en 1996 par le Conseil synodal. Le document vaudois a été oublié dans les tiroirs alors que d’autres Eglises protestantes, en Suisse alémanique notamment, devaient définir en catastrophe leur position. A Berne par exemple, Klaus Bäumlin, pasteur de la paroisse de Nydegg, a fait œuvre de pionnier en acceptant de bénir un couple d’homosexuels, mettant son Eglise devant le fait accompli. Une situation à laquelle le Conseil synodal vaudois ne tient pas du tout à être confrontée, ce qui a fini par décider le Conseil synodal à empoigner le problème.

La table ronde publique du 28 mars prochain – qui sera retransmise sur TVRL - et la journée suivante entièrement consacrée à une réflexion interne, doit ouvrir une large discussion pour que chacun dans l’Eglise puisse faire part de ses interrogations. « Nous sommes partagés entre le respect de la vie privée des ministres et l’exigence de transparence, reconnaît Antoine Reymond, membre du Conseil synodal, l’enjeu de ces journées est de d'engager le débat de manière ouverte avec toute l'Eglise Il nous faut également réfléchir afin de pouvoir sortir de l'hypocrisie en définissant ensemble ce que nous pouvons admettre par rapport à l'homosexualité. Les décisions finales appartiennent évidemment au Synode ».

§Les réticences du passé« Nous n’avons jamais demandé aux futurs ministres leur orientation sexuelle, explique Kristin Rossier Buri, pasteur, ancienne vice-présidente de la Commission de consécration de l’EERV, alors même que l’on sait qu’il y a des ministres homosexuels. Pour la Commission, l’orientation sexuelle n’est pas considérée comme un critère d’élimination. Car nous sommes bien conscients que le ministre est une personne comme les autres, avec son propre chemin de vie, sa personnalité propre. Ce qui compte à nos yeux, c’est l’adéquation entre le savoir, le savoir être et le savoir-faire des futurs pasteurs. Kristin Rossier Burri rappelle qu’il n’y a pas si longtemps encore on acceptait mal qu’un pasteur divorce, ou que des femmes deviennent pasteures.

Aujourd’hui, les mentalités ont évolué et l’Eglise aussi, si elle veut continuer d’accompagner les gens dans ce qu’ils vivent. Kristin Rossier Burri reconnaît que la charge symbolique de la figure du pasteur reste importante. Pour beaucoup de gens, il est impensable que le pasteur vive à la colle à la cure, encore moins avec un compagnon du même sexe. « La question est de savoir ce qu’on fait avec tout ce qui est hors normes et qui ne fait pas partie de la sensibilité dominante ».

§La grâce et la loi Le débat se situe en fait entre la loi et la grâce accordée par Dieu à chaque humain. La grâce sous-entend un accueil sans condition de chacun, quel qu’il soit, et sans discrimination. Mais que dit la loi sur l’homosexualité dans les textes bibliques ? Et que lui a-t-on fait dire au cours des siècles ? D’emblée Thomas Römer, doyen de la Faculté de théologie de l’Université de Lausanne, rappelle que la Bible n’est pas un outil pour trouver des réponses à l’emporte-pièce et déterminer qui qui est juste et ce qui est faux. Le concept d’homosexualité n’y est jamais évoqué, car il est en fait une création moderne datant de la fin du 19e siècle. De façon générale, le Proche Orient ancien ignore le concept d’homosexualité, opposé à l’hétérosexualité. Il y a bien les lois du Lévitique condamnant l’amour entre deux personnes du même sexe. Elles côtoient d’autres lois interdisant les relations sexuelles au sein de couples non mariés, mais aussi légitimant l’esclavage. Les tenants d’une attitude orthodoxe insistent sur ces interdits. Et se cabrent devant toute réappropriation contemporaine des textes bibliques.

§David et Jonathan, une histoire d'amour? Thomas Römer a toutefois osé, avec Sylvia Schör et d’autres exégètes, voir dans l’amitié qui lia David et Jonathan une histoire d’amour, sans doute inspirée par l’épopée mésopotamienne de Gilgamesh, alors très populaire au Moyen-Orient. « Le mot hébreu ahab peut se lire à plusieurs niveaux. La traduction œcuménique (TOB) choisit, quand il s’agit de rapports impliquant un homme et une femme, d’employer le mot amour, mais de traduire par le terme amitié quand il s’agit de deux partenaires masculins.

« Cette interprétation de l’histoire de Jonathan et de David, relatée dans livres de Samuel, ne peut en aucun cas être considérée comme un légitimation de l’homosexualité », précise l’exégète lausannois. Pour lui, les deux types de lecture, fondamentaliste anti-homosexualité et sympathisante de la cause gay, ont le même défaut : Ils font une lecture apologétique du texte biblique, c’est-à-dire que le texte est utilisé directement, sans médiation aucune, pour justifier des prises de position d’éthique sexuelle.