En marge de la menace de guerre en Irak:Pacifistes acharnés, les quakers s’inscrivent dans l’esprit du temps

légende / crédit photo
i
[pas de légende]

En marge de la menace de guerre en Irak:Pacifistes acharnés, les quakers s’inscrivent dans l’esprit du temps

14 mars 2003
Objecteurs de conscience de la première heure, militants pour l’abolition de la peine de mort, les quakers ont toujours condamné la guerre et refusé toute structure de domination ou d’exploitation, qu’elle soit économique, sociale ou religieuse
Ils sont persuadés qu’en chaque homme réside une étincelle divine. Leur travail pour réconcilier les hommes leur a valu en 1947 le prix Nobel de la Paix. Coup de projecteur sur un mouvement dont l’engagement de toujours s’inscrit dans l’esprit du temps, avec Jane Royston, professeur à l’EPFL.Les quakers - ou Société religieuse des Amis - sont une poignée à travers le monde, - on parle de 250'000 dans le monde, dont quelques centaines en Suisse - mais leur pacifisme déterminé a fait de leur mouvement, créé par George Fox en Angleterre en 1650, une communauté de référence dans la médiation des conflits. Avec les mennonites, autre mouvement chrétien anabaptiste, ils représentent les deux Eglises historiques de la paix. Ni les persécutions, ni l’exil, ni les tracasseries n’ont eu raison de leur pacifisme actif, de leur lutte pour l’abolition de l’esclavage, et de leur engagement contre la peine de mort. A l’heure actuelle, les Bureaux Quakers pour les Nations Unies à Genève et New York, de même que le Conseil Quaker pour les Affaires Européennes à Bruxelles sont très actifs et les politiciens sollicitent volontiers leur avis. Ils proposent une méthode particulière de médiation des conflits armés, qui prend en compte la souffrance de toutes les parties engagées dan un conflit, y compris la souffrance mentale de ceux qui détiennent le pouvoir. « Nous refusons absolument toutes guerres et luttes extérieures, ainsi que tous combats armés, quels qu’en soient le but ou le prétexte. Nous proclamons devant le monde que l’Esprit du Christ qui nous conduit à toute Vérité ne nous poussera jamais à nous battre ni à faire la guerre contre aucun homme les armes à la main, ni pour le royaume du Christ, ni pour les royaumes de ce monde. » Cette déclaration de la Société des Amis date de 1661. Elle reprend une singulière actualité, à l’heure actuelle.

§Etincelle divineToute l’originalité de la foi quaker découle de la conviction qu’une étincelle divine habite chaque personne et que tous les hommes sont égaux devant Dieu et pareillement aimé de Lui. L’Esprit Saint n’a pas été donné à une époque mais pour tous les temps, précise Edouard Dommen, ancien économiste à Genève, et c’est par l’amour que l’on exprime son amour de Dieu ».

C’est parce qu’ils pensent que chacun est habité par une lumière intérieure que les quakers ne ressentent pas le besoin de sacrements rituels ni de clergé. Chez eux ni pasteur ni hiérarchie. Ils n'attachent pas d'importance é la divinité de Jésus, les subtilités de la Trinité ne les intéressent pas. C’est dans le silence que se déroulent les cultes des la Société des Amis, pour laisser le souffle divin se manifester. Ce silence collectif et méditatif a pour but de faire taire les raisonnements et le brouhaha des sentiments et des émotions. Un silence qui mène à la tranquillité et à la paix intérieures. Ce silence est exigeant et demande une certaine maturité. « C’est à l’âge adulte qu’on choisit de devenir quaker, quand on a bien mûri son engagement », explique Jane Royston, professeur à l’Ecole polytechnique Fédérale de Lausanne, titulaire de la chaire d’entrepreneurship. La jeune femme, héritière d’une lignée de libres-penseurs, a été séduite, à la suite de ses parents, par l’indépendance d’esprit du quakerisme, l’absence de tout dogme et de tout prosélytisme, la recherche d’une réflexion individuelle responsable et un engagement humanitaire marqué. Elle milite pour l’abolition de la peine de mort et l’amélioration des conditions d’incarcération et correspond depuis plusieurs années avec un condamné américain qui attend son exécution dans les couloirs de la mort. « Quand on tue un homme, on tue Dieu qui est en lui. Tout homme, quoi qu’il ait fait, reste un être humain qui a une vie spirituelle ».

Edouard Dommen, né dans une famille de protestants vaudois, s’est familiarisé avec le mouvement grâce à sa femme d’origine quaker. Il a apprécié la retenue et la discrétion du ministère du silence, et sa grande exigence, – le culte silencieux n’a rien à voir avec une méditation New Age -, le pacifisme de la Société religieuse des Amis, et son engagement pour une justice économique. Les quakers ont été les pionniers dans l’actionnariat responsable (Actares). Ce qui l’a décidé à embrasser la foi quaker. Il s’est familiarisé avec le dialogue interconfessionnel au sein de l’Atelier œcuménique de théologie (AOT), qui lui a permis de chercher à mieux définir son identité quaker. De ce travail est né « Les Quakers » ouvrage de référence sur le mouvement. C’est avec un enthousiasme très communicatif qu’il parle de sa foi, de cette maturité qu’elle lui a apportée, mais aussi de cette joie de vivre qui l’habite visiblement.

§Les Quakers, Edouard Dommen, éd cerf/fides