Irak : mobilisation interreligieuse en Suisse

légende / crédit photo
i
[pas de légende]

Irak : mobilisation interreligieuse en Suisse

4 mars 2003
Chez nous comme ailleurs, le mercredi des Cendres sera l’occasion de plusieurs rassemblements contre cette guerre annoncée
Alors que les bruits de bottes s’intensifient dans le Golfe, les communautés chrétienne, musulmane et israélite clament leur refus de toute instrumentalisation politique ou économique de Dieu. Perspectives. Demain, mercredi des Cendres et début du Carême, le Conseil oecuménique des Eglises (COE) invite à prier pour la paix en Irak. Alors que la diplomatie vaticane tente de fléchir la volonté américaine, le pape Jean-Paul II exhorte les catholiques à jeûner pour éviter le recours aux armes. En Suisse, L’impulsion a été donnée par la Fédération des Eglises protestantes de Suisse (FEPS). A Berne, à Neuchâtel ou encore à Genève, chrétiens, musulmans et juifs se retrouveront pour manifester leur refus d’une intervention militaire et leur foi en la dimension sacrée de la vie. « Un geste naturellement symbolique, reconnaît à Genève le rabbin François Garaï. Ce n’est pas nous qui allons décider de la paix ou de la guerre. Mais se recueillir ensemble sans enrôler Dieu dans les manœuvres politiques constitue un message important ».

Ces rassemblements prendront plusieurs formes (voir encadré); célébrations à Neuchâtel ainsi que dans la ville fédérale où seront présentes les deux conseillères fédérales, veillée dans une Cathédrale St-Pierre ouverte à tous du côté de Genève. « Nous désirons simplement donner la possibilité aux gens de venir prier sans se soucier de la confession de celui qui se trouve à ses côtés, avec la conviction que Dieu entend chaque appel contre la violence et l’injustice », souligne par exemple William Mc Comish, doyen de la cathédrale.

§Une étincelle d'espoirPartout, des représentants juifs et musulmans rejoindront des chrétiens, afin de refuser l’intolérance et toute justification religieuse de la guerre, pour « renforcer le dialogue et le lien de paix qui les unit », selon la formulation de la Fédération des Eglises protestantes de Suisse (FEPS). Pour Nadia Karmous, présidente de l’Association culturelle des femmes musulmanes de Suisse, il s’agit de provoquer une « étincelle » en vue de l’entente entre les peuples. « Les hommes et les femmes n’ont pas le pouvoir de changer la politique américaine. En revanche, ils peuvent se mobiliser pour la paix. Les religions appellent à vivre ensemble, à s’écouter, pas à s’entre-tuer ».

Difficile bien sûr d’oublier le désespoir d’une partie du monde musulman, sacrifié au gré des ambitions économiques ou géo-stratégiques. « Invoquer Dieu pour la paix ne signifie pas que j’accepte ce que subissent ces peuples à cause des dictatures. Nous savons tous que ceux qui disent vouloir destituer aujourd’hui les tyrans sont ceux qui les ont mis en place hier. J’appelle de mes vœux la dignité et la liberté retrouvée pour chacun, mais sans faire souffrir davantage encore ces populations qui se retrouvent comme un condamné à mort qui n’aurait même pas droit à une dernière volonté », souligne avec force Hafid Ouardiri, le porte-parole de la mosquée de Genève.

§Respect mutuelLes désaccords existent, sur la question palestinienne comme sur d’autres. Voilà pourtant qui ne doit pas empêcher de refuser ensemble une instrumentalisation des monothéismes sur l’autel de la puissance politique ou financière . Nadia Karmous : « Même dans un couple qui s’aime, on n’est pas toujours d’accord. On peut quand même affirmer des choses en commun, par exemple la primauté de la vie. Et rappeler que seul Dieu décide de ce qui représente le bien ou le mal, pas le président Bush ». Pour Hafid Ouardidi, ceux qui prônent la violence au nom de Dieu sont des imposteurs : « Ce que je crois avoir compris de l’Islam est un enseignement en vue d’un monde fondé sur la solidarité, l’équité et le bien être pour tous ». Entrer dans une Eglise chrétienne le gêne-t-il ? « Rien ne me l’interdit. Le Coran dit que tous les lieux de prière sont à respecter, musulmans, chrétiens ou juifs ».

Dans la cité de Calvin, la manifestation s’inscrit dans l’esprit de l’Appel spirituel de Genève, où « les croyants s’engagent pour le respect mutuel des différentes traditions », précise le chargé d’information John Grinling. Contrairement à l’habitude, et justement pour éviter tout amalgame, il n’y aura pas de déclaration de la part des différents dignitaires invités.

Une bonne chose pour François Garaï dans « un contexte tellement complexe où la méditation, le recueillement et le silence parlent davantage que le concert assourdissant des déclarations incessantes ». Même avis de la part du porte-parole de la mosquée, qui estime que la place et le rôle des représentants religieux est de « rappeler ce que les textes sacrés qui nous fondent disent de la paix ».